Chapitre 2 - Partie 2 - Étann

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🌙

— Réveille-toi.

Je sursaute sous l'ordre et mon corps se redresse sans que je lui en donne l'ordre. C'est très surprenant. Comme si je ne pesais rien. Je passe ma main devant mon visage pour l'examiner, seulement mes yeux sont toujours douloureux et le voile flou demeure bien présent. Je peux néanmoins distinguer les objets et meubles de la pièce.

Mon cœur bat plus vite qu'il n'a jamais battu. D'une manière dangereuse d'ailleurs.

Quelque chose cloche. Je ne suis pas dans mon état normal.

Un grondement résonne dans mes oreilles. Je me demande si mon cerveau me joue des tours ou si l'attaque était bien réelle, mais il semble que je sois toujours dans cette cabane en bois. Celle-ci est aménagée comme si quelqu'un y vivait.

Nous sommes en pleine montagne ?

Sur le mur, des tas de fioles et pots de toutes tailles sont entreposés sur une immense étagère. Sur la table en dessous se trouve un réchaud à gaz bien abîmé. En face du lit, de l'autre côté de la pièce, un foyer de cheminée demeure la seule entité en pierre. Le reste est façonné en bois et tout est imbriqué dans cette petite cabane pour vivre confortablement. Une bassine est déposée à côté de ma paillasse et des linges imbibés de sang flottent dedans.

Je me concentre sur la personne qui vient de me réveiller, le souffle erratique. Il y a quelque chose qui ne va pas chez moi. La pression m'étouffe la poitrine, comme si quelque chose s'insinuait en moi, dans mes veines et mes cellules. Un corps étranger.

— Il faut te calmer. Sinon, ton cœur ne va pas supporter, me dit le garçon.

Quand je lève les yeux vers lui, la douleur me placarde au mur et je me plie en deux.

Qu'est-ce qu'il se passe ? C'est insoutenable.

Je suis submergé. Sa présence fait bouillonner mon cerveau et envoie trop de stimuli. J'ai l'impression que ma tête va exploser. J'attrape mes cheveux dans un râle de douleur.

— C'est l'Empreinte. C'est normal. Elle s'insère en toi.

Sa voix est tellement grave et puissante que mon cœur se serre. Je veux qu'il se taise, mais en même temps, pas du tout. Le garçon s'arrête et dépose le bol qu'il porte sur la table. L'odeur de la nourriture m'est désagréable et mon ventre se retourne. Mon nez me brûle toujours. Et ce grondement qui ne cesse de bourdonner dans mes oreilles, j'aimerais qu'il s'arrête. J'ai de plus en plus mal au crâne. J'installe ma tête entre mes genoux avant de vomir mon cœur et mes tripes sur le bord du lit. L'humiliation s'ajoute à toute cette angoisse et vraiment, là, je voudrais mourir. Pour que la souffrance s'apaise.

Mais soudain, une chaleur incroyable qui vient de ma poitrine se propage dans tout mon corps. Ça me fait un bien fou... et la douleur cesse. Je n'ai plus aussi mal, mon rythme cardiaque baisse et la quiétude m'englobe de toute part. Mon ventre se desserre et je gémis sous le répit. L'angoisse est toujours là, mais reléguée au second plan.

C'est comme une piqûre d'un calmant.

Quand celle-ci commence à s'évaporer, tout revient en masse et il m'est impossible de garder mon calme, sachant l'intensité de la souffrance qui m'attend.

— S'il vous plaît. S'il vous plaît, imploré-je.

Une seconde vague, plus forte cette fois, se répand partout et mes épaules se décrispent.

— Je te l'ai dit, si tu ne te calmes pas. Tu vas mourir.

À la mention d'un probable trépas, tout revient encore. Comme un ascenseur émotionnel. Je serre les draps entre mes mains et laisse un hoquet étranglé m'échapper.

Peut-être que je ferais mieux de mourir finalement.

Car cette douleur est insoutenable. Si j'avais une arme à portée de main, je l'utiliserais sans hésitation.

Je veux juste que tout ça cesse.

Le garçon fait un pas de plus pour atteindre mon chevet et le gros bourdonnement s'accentue encore plus dans mes oreilles. Mes mâchoires et mes dents sont subitement douloureuses et me lancent. J'ai envie de les planter dans quelque chose. Mes lèvres se retroussent et je ne contrôle rien.

— Arrête de me grogner dessus, s'agace-t-il. Je ne te veux aucun mal... Ah ! Ces nouveaux loups, ils sont intenables. James-Karl te ferait tuer pour moins que ça.

Je comprends soudain. Ce bruit qui gronde et qui me dérange depuis le début vient de moi. De ma poitrine, plus précisément. Dès lors que je m'en rends compte, le grognement cesse.

— Oh ?!? Tu n'es peut-être pas si mauvais que ça finalement, fait remarquer le jeune homme avec un sourire malicieux.

Je plisse les yeux pour essayer de mieux discerner ce garçon devant moi. Il est très grand, a l'air d'avoir mon âge et il porte sur lui une odeur... très puissante de menthe poivrée. J'y vois toujours avec difficulté, malgré que je cligne plusieurs fois des paupières pour améliorer ça. Je n'arrive pas à distinguer ses traits. Je referme les yeux pour soulager les picotements.

— Quel est ton nom ?

Je gronde de nouveau. De ce même bruit qui émane de mon torse. 

— D'accord, d'accord. Je vais te laisser. Je n'étais même pas censé te parler. Lucy passera plus tard pour refaire tes bandages. Mange, sinon les aînés seront offensés.

Le jeune homme fait demi-tour et avant de sortir je ne peux m'empêcher d'essayer de le retenir.

— Non ! S'il te plaît. Aide-moi.

Il s'arrête avant de franchir la porte pour prendre une grande inspiration. Il se retourne de nouveau vers moi et je ressens l'apaisement et la chaleur se déverser une nouvelle fois dans mon corps. Un couinement de soulagement trépasse mes lèvres.

Merci...

J'ai honte. Seulement, je n'ai pas le temps de m'inquiéter de sa réaction qu'il ajoute avant de sortir :

— Il va falloir être fort si tu veux survivre... Mais je veux bien t'aider. Même si je dois t'avouer que la mort aurait peut-être été plus clémente.

Mes yeux s'écarquillent sous la peur. Et malgré la difficulté à le voir, j'entends parfaitement son hoquet de surprise mélangé à l'effroi quand j'ouvre les paupières.

— Par la Déesse-Lune, TES YEUX ! Ils sont...

Le jeune homme pose une main sur sa bouche, puis se reprend :

— Dors. Je vais chercher la guérisseuse.

Le silence reprend ses droits dans la cabane alors qu'il sort avec hâte, mais dans ma tête c'est une tout autre histoire. La mélodie tourne et tourne sans cesse. Le garçon apaisant disparaît et mon corps s'enflamme de nouveau.

« Mon loup, mon loup, m'entends-tu ? Le vieux chêne en lisière de forêt appelle, appelle... Nous ne pouvons jamais ignorer l'écho de ses racines. »

D'OR ET DE JAIS - Tome 2 en 2024Where stories live. Discover now