Chapter twenty one

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PDV Oria:

Le voyage fut assez long, mais calme. Jake et moi semblions sortir de notre euphorie de la France et de ses plages bleues et roches rouges. Ça y est, nous rentrons à New York.
J'ai un instant repensé à ma vie d'avant la connaissance de Jake. Pouvait-on appeler ceci une vie ? J'ai, de nombreuses fois, eu des pensées suicidaires. Mon corps était comme un poids qui me tirait sans cesse vers le bas. Mon âme avait besoin de se sentir libérée et pour cela, je devais mourir. C'était pour mon bien, après tout ? Personne ne me retenait dans ce monde, même écouter de la musique, regarder des couchers de soleil, manger au restaurant était pesant. Je n'aimais plus rien, plus personne. Qu'est-ce qui me retenait ? L'espoir. L'espoir d'avoir enfin un événement spécial dans ma vie, un petit quelque chose qui pourrait me faire changer d'avis. L'amour, pourquoi pas. Une personne, peut-être. Jake.

—Oria, nous atterrissons ! Nous voilà de retour aux États Unis. Comment ça va ?
Il pose sa main sur la mienne. Je lui souris.
—Ça va.

Jake est devenu ma raison de vivre.
Nous nous arrêtons à un café à l'aéroport et prenons chacun un café glacé, sous la chaleur de New York. La foule me met moins mal à l'aise qu'avant, maintenant je suis avec Jake, il m'aide beaucoup. Nous prenons ensuite un taxi pour rentrer, et au bout d'une petite demi heure nous arrivons en bas de chez moi, devant l'immeuble de briques ; le soleil entame sa descente et la lumière qui éclaire New York est joliment dorée. J'ai la gorge serrée de revenir ici. Jake me tient la portière de la voiture pendant que je descends, il sort mes bagages. Il a l'air mélancolique, un peu triste. Je penche la tête et je capte son regard, souris.

—Jake, tout va bien ?
—Oui. Venez, je vous raccompagne.

Pendant que le taxi l'attend, il porte mes bagages (quel gentleman) jusqu'à devant la grande porte noire de mon immeuble. Il pose les sacs, je baisse la tête. Nous sommes là, à ne pas savoir quoi se dire. L'été était super, j'étais heureuse de le passer avec vous. Contente de vous avoir rencontré. Je vous ai dit que j'étais amoureuse de vous ?
C'est Jake qui ouvre la bouche en premier.

—Merci d'être partie avec moi, Oria. C'était vraiment super...
Je le regarde et ne peux m'empêcher de sourire.
—C'est à moi de vous remercier, Jake. Vous avez... vous...
Je bégaye un instant, ce qui le fait sourire. Je ne sais pas comment le formuler et je suis nerveuse, ahhh ! Je secoue la tête et prends une petite inspiration.
—Vous avez pansé mes blessures. Je suis guérie grâce à vous. La vie ne me fait plus peur.
Jake eu une sorte de petit sursaut comme si je l'avais embrassé brusquement. Mais qu'est-ce que je raconte ?
—Oria, je...

Un coup de feu retentit. La vitre de ma porte d'immeuble se brisa en mille morceaux avec un grand bruit de verre cassé. Je lâchai un cri et me mit à terre, tremblante de tous mes membres. J'ouvre les yeux à la recherche de Jake, qui est en face de moi, lui aussi derrière un des poteaux qui forment le porche de l'entrée de mon immeuble. Il a l'air paralysé, terrifié. Un liquide pourpre coule le long de son bras droit. La balle l'a effleuré. Il serre son bras pour stopper le sang. Des cris ont fusé en même temps que les nôtres... J'espère que des gens ont appelé les secours ! Qu'est-ce que c'est que ce...

—Oria, très chère Oria ! Je vois du bras de ton sauveur qui dépasse que je l'ai raté.
La voix que j'ai tant détesté au fil des derniers mois. Jake tourne lentement la tête vers moi, un air indescriptible sur le visage. Il a l'air aussi étonné que moi, mais... il est prêt à se battre. Je secoue la tête de droite à gauche en le suppliant du regard de ne pas sortir de sa cachette.
—Jake je vous en prie, non... non... je lâche d'un ton que je ne reconnais pas.
Ma propre voix est si chevrotante qu'on croirait celle de quelqu'un d'autre. Il se lève, jette un regard.
—Ahhh, voici donc le fameux prince charmant qui a bien failli me tuer la dernière fois. Viens ici qu'on s'explique, mon frère.
—J'espère que tu te souviens de ce que j'ai dit la dernière fois, dit Jake tout haut pour qu'il l'entende en sortant de sa cachette. Tu le paierais de ta vie si tu te repointais devant moi. Devant elle.
Jake avance vers David. Je risque un regard : il est venu avec toute sa bande. Ils sont une petite dizaine. Contre un homme. Il pointe son pistolet sur Jake, qui s'arrête quelques pas devant lui, les bras levés.
—Da... David attends... !
Je sors de ma cachette. Mon agresseur pose son regard sur moi, tandis que je retiens un frisson de dégoût.
Tout va se jouer maintenant.

—Je vais partir avec toi, ok ? Je vais venir. Je... serais à toi. Mais laisse Jake en dehors de ça.
David retient un rire. Jake poursuit, me lançant un regard grave puis en tournant la tête vers David :
—La police ne devrait plus tarder. Arrête tes conneries.
Le regard du chef de la bande fait la navette entre Jake et moi. Il a l'air très énervé. Je serre les poings.
—J'avance. Je te rejoins, ok ? Ne tire pas.

Je descends les quelques marches, fais plusieurs pas, sous le regard de toute sa bande et des quelques passants qui se sont cachés un peu partout dans la rue. Heureusement que c'est un petit quartier pourri sans grand monde, il y aurait moins de victimes si ça devait dégénérer.

—Oria, arrête...
—Ta gueule, l'acteur. En parlant de ça, c'est beau le cinéma : de gros lâches qui se prennent pour des héros à la télé. Oria, regarde-le... il fait de la peine, avec ses mains levées vers le ciel. Dommage qu'il ne soit pas assez courageux pour te sauver. Allez, avance. Viens.

David tend la main vers moi, un grand sourire aux lèvres, j'arrive à la hauteur de Jake. Il me barre la route de son bras. Le regard rivé sur les chaussures de David, je touche son bras en le repoussant doucement.

PDV Jake:

Oria arrive à ma hauteur, à quelques pas de David. Elle regarde le sol. Elle est prête à sacrifier le peu de vie qui reste en elle pour me sauver. Je suis prêt à mourrir pour elle, là, maintenant. Je lui barre la route de mon bras, au niveau de son ventre. Une boule se forme dans ma gorge. Elle repousse délicatement mon bras. Est-ce le dernier contact entre nous ? Qui de nous deux mourra le premier ? Elle, en rejoignant David, perdant le reste de vie qui l'animait, ou moi, qui me jetterai sur lui et retournerai le pistolet contre lui ? Je ne peux articuler une syllabe, tout tourne dans ma tête, la peur s'empare de moi. Oria lève la tête dans ma direction et me regarde. Je ne sais pas quelle expression mon visage a en ce moment mais ça ne doit pas être beau à voir. D'un coup, son regard change. Les sourcils légèrement froncés, le regard dur. Elle me fait un léger « oui » de la tête. La lumière des gyrophares se reflète sur le verre des immeubles au bout de la rue tandis que nous entendons les hurlements des sirènes des voitures de police se rapprocher à grande vitesse.

Je comprends tout de suite.

PDV Oria:

Tout s'est passé très vite. J'ai bondis sur David, un peu en fermant les yeux je l'avoue, ayant peur du choc de la chute, du coup du pistolet qui partirait. Il est tombé à terre. J'étais assise sur lui, les cheveux en bataille, le souffle court, et tout est sorti d'un coup. Je l'ai insulté en hurlant, griffé, frappé au visage. Plusieurs de mes doigts se sont cassés. Des cris ont retenti autour de moi, mais ils ne faisaient que m'effleurer. Toutes ces heures de souffrance étaient maintenant étalées devant moi, et toute ma haine contenue et mon impuissance ont été relâchées. Je ne voyais que du sang et le regard horrifié de David tandis qu'il se débattait en hurlant des paroles incompréhensibles. Puis, de solides mains m'ont attrapé par les épaules, les bras. Je me suis mise à pleurer en me laissant tirer, le visage couvert de sang.

PDV Jake:

Tout s'est passé très vite. Oria a bondi sur David, lui bloquant le champ de vision. J'en ai profité pour le frapper au bras, vers le haut, pour lui faire lâcher le pistolet, ce qu'il a fait sous l'effet de la surprise de notre attaque. J'ai roulé au sol, éloigné le pistolet d'un coup de talon. Les acolytes de David ont voulu s'enfuir mais c'était trop tard, notre attaque avait fait gagner du temps à la police, qui se jeta sur eux. Trois voitures étaient là, les policiers tous armés. Je me mit à genoux, levai les bras en signe d'innocence. Un sourire avait presque réussi à naître sur mes lèvres, on avait gagné. Je me tournai vers Oria, et mon sentiment de victoire me quitta aussitôt. Elle était là, sur lui, les cheveux emmêlés, les yeux fous, les dents serrées, les doigts écartés et couverts de sang. Elle le frappait au visage, le griffait, le tirait par les cheveux. Trois policiers l'empoignèrent et elle se laissa tirer en arrière sur le bitume, pleurant à chaudes larmes. Je ne pus m'empêcher, malgré la police méfiante, de courir vers elle de toutes mes forces, respirant tellement fort que mes poumons semblaient sur le point d'exploser.

PDV Oria:

De gros bras m'entourent brusquement. Un visage est proche de moi, un corps est secoué. Le mien ? Oui, le mien, je tremble un peu. Les larmes coulent aussi. Mais pas que les miennes. Le visage proche du mien me murmure des paroles réconfortantes, vite, me chatouille de son souffle chaud. J'ai l'impression d'être glacée. Je trouve la force de lever les bras et d'entourer ce torse. Il pleure aussi.

Tout était enfin fini.

𝒜𝓅𝒶𝒾𝓈𝑒𝑒. [𝒥.𝒢]Onde histórias criam vida. Descubra agora