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Lorna descendit silencieusement l'escalier qui condui sait aux jardins du palais. Il était encore tôt, et elle éprouvait un besoin de solitude.

Elle trouva facilement la porte en ogive qui donnait sur une galerie ouverte, de plain-pied avec le parc. Devant elle s'étendait d'abord un jardin de rosiers, dont les fleurs étaient encore couvertes de rosée. Elle respira profondément l'air embaumé, avant de s'engager sous les arbres et à travers les arbustes et les buissons fleuris.

Elle suivit des allées bordées de plantes grasses et de cactus, de mandariniers et de lauriers-roses. Des massifs de fuchsias et d'hibiscus jetaient leur note de couleur au milieu des pelouses parsemées d'oliviers. Elle passa sous des branches retombantes de jasmins et d'amandiers, trouva une clairière entourée de pins et de cèdres et, plus loin, un petit théâtre de verdure. Le mur du fond, en mosaïque, était recouvert de bougainvillées; une fon taine alimentait une cascade au bruit cristallin. Des oiseaux aux plumages bleus et verts venaient sans crainte s'y baigner en battant des ailes.

Lorna s'assit sur un banc de pierre et resta longtemps immobile, goûtant quelques instants de paix dans ce calme décor de rêve. Pourtant l'évocation de sa ren contre, bientôt, avec le terrifiant Emir, lui faisait battre le cœur.posé sur un buisson de cactus aux épines acérées; ces dards sont probablement empoison nés, se dit-elle, mais les fleurs qu'ils protègent sont étrangement belles. Même la nature, ici, est un mélange de cruauté et de beauté. Le soleil levant jetait sur le sol, à travers le feuillage, des arabesques d'ombre et de lumière dorée.

Un soupir lui échappa. Pouvoir s'envoler, comme ces oiseaux, sans laisser derrière soi même une ombre seulement le souvenir d'avoir été là...

Qu'avait bien pu vouloir dire Kasim, en parlant d'amende honorable? Il l'avait quittée la veille sur la terrasse, sans un mot de plus, pour aller chez son père, et il n'était pas revenu.

Un papillon se posa sur les pétales d'une fleur, à côté d'elle. Ses ailes, qui battaient au soleil, lançaient des rayons d'or, comme les yeux de Kasim sous ses longs cils noirs. Pourquoi, se demandait-elle pour la centième fois, pourquoi aimait-elle un homme qui la considérait uniquement comme un objet? Un jouet?

Elle ne lui avouerait jamais cet amour, même si le moment était venu de se séparer. A cette pensée, elle écrasa nerveusement une rose entre ses doigts et se piqua cruellement. Elle épongea le sang en pensant, avec tristesse, combien serait plus cruelle et douloureuse la séparation d'avec Kasim...

Il était temps de rentrer, et elle reprit le même chemin vers le palais. Le soleil était plus vif, et les fleurs plus belles encore. Les roses s'étaient ouvertes à la chaleur; certaines avaient perdu quelques pétales, tombés silen cieusement sur le sol. Une rose meurt comme un souvenir, sans faire de bruit, sans douleur apparente.

Comme elle atteignait la galerie ouverte qui bordait le palais, un adorable petit chat persan trottina vers elle et, le dos rond, se frotta à ses chevilles. Ravie, elle s'agenouilla sur les dalles pour jouer avec lui. Il était blanc, aux yeux verts, et ronronnait de tout son cœur. Il se roulait sur lui-même, sous les caresses de Lorna, et lui léchait les doigts.

Riant et absorbée, elle n'avait pas entendu les pas qui s'approchaient et s'arrêtaient près d'elle. Consciente d'une présence, elle leva les yeux: Kasim la regardait. Immobile et silencieux, drapé dans un long burnous noir aux broderies d'or, chaussé de bottes montantes en I cuir souple, il avait dans les yeux une expression que Lorna ne lui connaissait pas, inquiétude ou chagrin.
-Que se passe-t-il? demanda-t-elle en se levant vivement. Votre père...? Non, non. Il va mieux.

Il lui avait pris les mains, les observait distraitement; puis il la regarda dans les yeux :
-Vous aviez l'air d'une petite fille, en train de jouer avec le chat. Elle ne se sentait pas du tout petite fille. C'était du reste impossible devant Kasim, surtout en ce moment. Il était trop mâle, grand et un peu sévère dans cet habillement qui lui allait si bien. Le cheikh. Elle l'aimait pour toutes les raisons qui lui avaient d'abord fait peur.

C'était écrit sur le sableOù les histoires vivent. Découvrez maintenant