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Une seule pression du talon avait suffi pour que le cheval de Lorna partît comme une flèche. Mais Ahmed ne se laissait pas distancer et il était à ses côtés quand elle entra au grand galop dans le camp. Elle glissa souplement de sa selle devant la grande tente, enleva son voile et demanda à Ahmed de s'occuper de son cheval.

- Je suis fatiguée. Je vais me reposer.

-Il s'inclina, une expression inquiète sur le visage. Hassan sortait à ce moment de la tente. Quelle chaleur, lui dit-elle en portant la main à son front. Je me demande si je n'ai pas un peu de fièvre. Elle entra lentement dans la tente, suivie de Hassan.

-Que puis-je faire pour Madame? dit-il, soucieux.

-Rien, Hassan, merci, fit-elle en se laissant tomber
sur le divan. Ce n'est rien. Peut-être trop de soleil.

- Un médecin vient d'arriver de Sidi Kebir pour voir le Prince. Il ne savait pas que le Maître serait absent. Est-ce que Madame désire le recevoir?
- Un médecin? demanda Lorna, surprise. Un Fran çais?

-Non, Madame, Arabe. Il est jeune, mais déjà très connu à Sidi Kebir, où réside l'Emir, le père de mon Maître. Il vient régulièrement ici pour s'occuper des malades.

Lorna, troublée, regardait le bout de ses bottes enfoncées dans l'épais tapis. Un médecin découvrirait vite qu'elle jouait la comédie. Il ne devait pas savoir non plus qu'une jeune Anglaise vivait au camp, et elle ne tenait pas à rencontrer quelqu'un qui connaissait le père et la sœur de Kasim.

- Je n'ai pas besoin d'un médecin, Hassan. Je vais simplement rester ici et me reposer. Je ne veux pas être dérangée, fais le nécessaire.

Le serviteur la considéra un instant de son air impénétrable, puis sortit sans un mot, la laissant seule dans la fraîcheur de la tente. Elle poussa un soupir de soulagement et alluma une cigarette. Elle repensait à cette matinée. Pourquoi avait-elle sauvé la vie au cheikh? Une piqûre, et elle était libre. Et pourtant, elle avait à peine hésité, horrifiée à la vision de cet homme fier et courageux s'écroulant mort à ses pieds, tué par un scorpion. Je suis faible, comme toutes les femmes, devant la souffrance des autres, se disait-elle, même si nous savons la supporter nous-mêmes.

Vers la fin du jour, après un dîner solitaire, fatiguée de la tente comme d'une prison, elle s'enveloppa de son manteau et sortit. Elle se dirigeait vers l'oasis, mais savait parfaitement qu'une ombre la suivait. Cette surveillance l'exaspérait. Pourquoi le cheikh attachait-il tant de prix à sa présence? Elle n'était pour lui qu'un objet, tout juste bon à décorer avec des perles, un jouet, une femme de plus qu'il oublierait en un jour.

Elle trouva son arbre favori, un palmier au tronc incliné sur lequel elle aimait s'adosser. La lune n'était pas encore levée. Tout était tranquille. Les palmes bougeaient doucement sous le ciel étoilé. Des chiens aboyaient dans le lointain.

Elle fut surprise de sentir la fumée d'une cigarette et d'apercevoir, dans la semi-obscurité, les reflets d'un burnous. Ce devait être Ahmed, pensa-t-elle. Elle sursauta quand l'homme s'approcha et s'adressa à elle en un parfait français. N'ayez pas peur, madame.

-J'espérais vous rendre visite dans la journée, mais Hassan m'a prévenu que .

-vous ne vouliez pas être dérangée. Je suis le docteur
Omair ben Zaide. J'ai appris, au cours de mes visites ce matin, que le cheikh, mon ami, avait une invitée... une dame à la merveilleuse chevelure blonde. Cela était dit sans ironie, mais le rouge monta au front de la jeune fille. Elle aurait voulu s'enfuir, mais

elle fit face.

-Vous serez sans doute surpris d'apprendre, doc teur, que << l'invitée » de votre ami le cheikh est Anglaise. Je suis sûre que, lors de vos précédentes visites, c'était une femme arabe.

C'était écrit sur le sableOù les histoires vivent. Découvrez maintenant