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Le campement, qui s'était endormi au grand soleil de l'après-midi, avait repris depuis longtemps son activité. Ce furent les clochettes des chameaux et des béliers,

que l'on emmenait boire, qui réveillèrent Lorna. Elle avait dormi longtemps, sur le divan de la grande pièce, et la journée touchait à sa fin. Elle s'assit, ébouriffa ses cheveux, s'étira paresseusement. La tente était déjà dans une demi-obscurité, et elle s'approcha de l'entrée pour regarder dehors et admirer le soleil couchant.

Les femmes, dans leurs longues robes, s'activaient autour des feux de camp. Des hommes passaient à cheval. Un enfant courut se jeter dans les bras de son père qui venait d'arriver. Les cris perçants des femmes et les voix gutturales des hommes se mêlaient au bruit des harnais et aux jeux bruyants des enfants. Un soleil couchant d'or et de gloire éclairait le camp du Prince Kasim.

A moitié cachée dans l'entrée de la tente, Lorna observait ce spectacle nouveau pour elle. La fumée s'élevait des feux de broussailles, et son odeur se mêlait à celle du café et à l'arôme épicé des viandes qui cuisaient dans des chaudrons suspendus au-dessus du feu. Quelqu'un, quelque part, jouait d'un instrument à cordes, et la mélodie était étrange et envoûtante. Si les circonstances avaient été différentes, Lorna aurait été enchantée de se trouver ici, invitée à partager la vie d'un vrai campement d'Arabes dans le désert. Ce n'était pas organisé pour des touristes; c'était la réalité. La réalité... Lorna frissonna: le cheikh allait revenir. Bientôt, arrogant, sûr de lui, il franchirait le seuil... Qu'allait-elle devenir? Et dehors, la vie continuerait; les femmes, indifférentes à son sort, passeraient devant cette porte, de leur pas souple et balancé, portant les outres d'eau du puits jusqu'à leurs tentes.

A l'Ouest, le soleil se couchait dans une explosion de couleur... toute la passion contenue dans la nature, la cruauté, la beauté, la tristesse.

Qu'importe le soleil? Je n'attends rien des jours... Les vers de Lamartine lui revenaient tristement en mémoire, au moment où l'astre disparaissait à l'horizon et où la nuit tombait soudain. Une étoile solitaire s'allumait dans le ciel, au-dessus du camp.

Lorna allait rentrer dans la tente, quand elle remarqua trois cavaliers qui revenaient du désert, enve loppés dans leurs burnous; ils dirigeaient leurs montures vers le parc à chevaux. Les étriers et les gourmettes brillaient au passage, à la lueur des feux de camp.

Mais ils s'arrêtèrent non loin de la tente, et l'un des cavaliers descendit de cheval. Le sang se glaça dans les veines de la jeune fille. Cet homme svelte et grand, dont la coiffure était ceinte d'une cordelette d'or, et qui parlait aux autres, restés à cheval, avec autorité, ce ne pouvait être que lui! Il flattait l'encolure de son étalon, qui hennit doucement et posa sa tête sur l'épaule de son maître.

D'où venait-il? Où avait-il passé la journée? Il suffisait de l'entendre donner des ordres à ses hommes pour deviner. Il devait être aussi le chef d'autres villages dans les environs; il devait les surveiller; présider leurs assemblées; qui sait, rendre la justice, sa justice, qui ne connaissait pas d'autre loi que la sienne.

Lorna se retira dans la tente. Quelques instants plus tard, Hassan entra pour allumer les lampes. A leur lumière jaunâtre, la pâleur de la jeune fille était encore accentuée, le cerne de ses yeux agrandi.

Elle avait envie de fuir, d'aller se cacher dans la chambre, le harem! Par fierté, elle resta dans la grande pièce. Elle n'allait pas se sauver devant le cheikh, lui donner la satisfaction de constater à quel point elle avait peur de lui.
- Je viens de faire du limon, dit Hassan doucement;
je vais l'apporter. Le Maître l'aime beaucoup. Lorna lui jeta un regard significatif : ce que le Maître aimait ou n'aimait pas lui était aussi indifférent que les papillons de nuit qui voletaient autour des torchères. Elle se retint et dit simplement :

C'était écrit sur le sableWhere stories live. Discover now