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  Il la laissa s'éloigner, prendre un kilomètres d'avance environ. Puis il s'élança à sa poursuite et, sans effort, dans un galop souple et puissant, il la rattrapa et se tint à ses côtés une minute. Enfin, se penchant sur elle comme un aigle noir qui  fonce sur sa proie, il la saisit dans ses bras, l'arracha à sa selle et la mit devant lui sur son cheval dont il ralentissait maintenant la course.
 
  Il riait de toutes ses dents d'une blancheur éclatante pendant que, affolée, irritée par ce rire insultant,elle se débattait de toutes ses forces, frappant les épaules de l'homme de ses poings fermés, essayant de lui griffer le visage.

  Mais,maîtrisant son étalon d'une simple pression des genoux, il parvint facilement à encercler la jeune fille dans ses bras,à l'envelopper dans son burnous.
  Essoufflée, hors d'elle, meurtrie par les bras de l'homme, Lorna gisait sur l'Arçon de la selle, folle de rage et de haine.
   -Brute! Espèce de brute! Parvint-elle à crier. Pour qui vous prenez-vous? Que voulez- vous?
   - Ça me parait assez évident ! répondit-il ironiquement. Doucement, Caliph, doucement! Ajouta-t-il en essayant de calmer son cheval,agité par la lutte qui venait de se passer sur son dos. Nous avons un chat sauvage avec nous! Qui m'aurait bien arraché les yeux s'il avait pu!
 
  Il riait en regardant Lorna dans les yeux, et soudain elle se sentit subjuguée et faible comme un enfant.
   - Petite folle, vous vous êtes fatiguée pour rien. Pensez-vous vraiment qu'un petit brin de fille pourrait venir à bout de Kassim ben Hussayn !
   Il écarta doucement du front de la jeune fille une mèche de cheveux, et l'expression qu'elle lut dans son regard chassa la rage qui la possédait tout à l'heure.
   - Dites-moi, c'est vraiment, c'est bien la couleur de vos cheveux ?
  Le ton de sa voix,la lueur dans ses yeux, n'étaient pas seulement cette sorte d'admiration à laquelle elle était habituée ; c'était aussi une tranquille prise de possession, celle d'un homme accoutumé à n'en faire qu'à sa volonté, à saisir ce qu'il désirait sans avoir à en demander la permission.
    - Doux comme de la soie...la couleur même du sable du désert...
   Il enroulait autour de ses doigts,comme fasciné,la mèche de cheveux platinés qui brillait au soleil. Lorna essayait de s'écarter ,de ce dégager de cet homme qui lui faisait peur, qui lui inspirait une terreur inconnue, plus forte,plus envahissante que celle qu'elle avait éprouvée pour l'Arabe qui l'avait enlevée à l'oasis.Oui, celui-ci portait un burnous impeccablement propre— et même légèrement parfumé par l'odeur de ces cigarettes orientales que son père fumait jadis —, et la main qui caressait ses cheveux était aussi propre que le burnous. Mais il émanait de la fière beauté de cet homme une force mystérieuse et implacable qui la faisait frissonner.
   -Vous avez...vous avez, bégaya-t-elle, fouetté à mort cet homme qui avait pris votre cheval...
Il la regarda dans les yeux,avec l'arrogance, pensa-t-elle ,d'un animal sauvage qui connait la terreur qu'il inspire et s'en délecte.
   - Mes chevaux sont sans prix à mes yeux, et je ne support pas qu'on me les vole ou qu'on les maltraite.
Oui,j'aime mes chevaux: ils sont beaux, loyaux et...ne parlent pas. Il n'y a pas beaucoup de femmes dont on puisse en dire autant!
   Il avait remis son cheval au galop et rejoint ses hommes, qui se formèrent en rang derrière lui.Dans la lumière rougeoyante du soleil couchant,ils se mirent en marche à travers le désert. Lorna avait fermé les yeux pour ne plus voir le visage au-dessus d'elle. Elle les rouvrit bientôt, cherchant sur les traits durs et bronzés de l'homme un signe de merci... En vain.
   Tout ceci était réel. Ce n'était pas un cauchemar. Elle était là, doublement emprisonnée dans le burnous et le bras brutal de Kassim ben Hussayn. A moitié endormie,bercée par les mouvements réguliers de la monture, elle se rendit à peine compte que le soleil se couchait dans un ciel  de gloire.La nuit africaine, brillante d'étoiles, tomba très vite.
   Comme dans un rêve ,elle entendait le froissement des cuirs et le cliquetis des harnais. Elle sortit seulement de son engourdissement lorsque les cavaliers s'arrêtèrent.
   A la clarté de la lune,elle s'aperçut qu'ils se trouvaient au milieu d'un campement, entourés de tentes noires. Elle distinguait l'ombre des chameaux agenouillés, les lueurs de feux de camp ici et là. Elle entendait autour d'elle les voix gutturales des hommes qui parlaient arabe. Dans son demi-sommeil elle fut soulevée, enlevée du cheval. Courbatures, mal réveillée,elle était consciente malgré tout de l'atmosphère exotiques, de la vie bruissante du camp.

C'était écrit sur le sableWhere stories live. Discover now