12❄️

161 13 0
                                    

La grande résidence blanche qui dominait la ville de Sidi Kebir n'offrait, extérieurement, aucun signe évident de luxe. Kasim fit ouvrir le large portail voûté, et ils pénétrèrent dans une cour immense entourée de pal miers. Au fond se dressait un palais à deux ailes.

Devant l'aile gauche, ils descendirent de cheval. Ils montèrent quelques marches, passèrent une porte en ogive et se trouvèrent dans un grand hall. Des serviteurs apportaient des boissons fraîches. Cette aile, apparem ment, était réservée aux appartements du cheikh. Il donna quelques ordres rapides aux serviteurs qui se dispersèrent, puis, allumant une cigarette, se tourna vers Lorna. Elle s'était assise sur un divan et, les yeux écarquillés, admirait le décor autour d'elle.

Une fontaine en fins carreaux bleus occupait le centre du hall. Le très haut plafond était peint de lignes géométriques aux couleurs vives. Le sol était en mosaïque. Toutes les portes qui donnaient sur la pièce étaient en bois de cèdre, délicatement sculptées. Les murs étaient recouverts de tentures de soie. Des lampadaires aux verres multicolores éclairaient douce ment. Ici et là, des divans garnis de somptueuses étoffes et des paravents en bois, ajourés comme de la dentelle. Dans l'air régnait un parfum de santal, et le profond silence était troublé seulement par le bruit cristallin et rafraichissant de la fontaine.

- C'est un conte des Mille et Une Nuits, murmura.t-elle.

-Moi aussi, dit le prince en regardant autour de lui, je suis dépaysé quand je me retrouve ici, après le camp.
- Le ciel bleu sur l'immensité du désert me manque.

Lorna leva les yeux sur lui. Ici, elle se sentait tout à fait étrangère. Kasim lui-même semblait avoir changé. Il était distant, sévère et nerveux.

- Je dois aller voir mon père. Je vous laisse aux mains de Kasha; elle est la gouvernante de mes appartements. Elle était la femme de chambre person nelle de ma mère, ajouta-t-il.

Cela redonna un peu confiance à la jeune fille. Elle se leva, avec un sourire d'encouragement pour Kasim:

-Vous trouverez votre père mieux que vous ne craigniez, j'espère. Quand pensez-vous qu'il... Elle s'arrêta. L'idée d'être présentée à l'Emir la troublait.

-Je ne sais pas, Lorna, dit-il en lui prenant la main. Mais rassurez-vous; il ne vous mangera pas! Il a déjà entendu parler de ma perle du désert...
-Je vous en prie! cria-t-elle en retirant vivement sa main. Une femme âgée, petite, venait d'entrer dans le hall. Elle s'inclina devant le prince, puis observa Lorna. Ses yeux très noirs semblaient renfermer mille secrets.
- Conduis mademoiselle à sa chambre, lui dit le cheikh, et veille à ce qu'elle ne manque de rien.

Il avait parlé français pour faire comprendre à la jeune fille qu'elle pouvait utiliser cette langue avec Kasha. D'un ton inquiet, il demanda :
-Comment va mon père?

-Le docteur dit qu'il a surmonté sa crise cardiaque sans trop de dommages. Que la volonté d'Allah soit faite!

-Peut-il parler? interrogea anxieusement Kasim.
La vieille femme eut un sourire malicieux en répondant dant au prince, cet homme fort et grand qu'elle avait dû tenir sur ses genoux autrefois :

-Oui, et il voudrait beaucoup parler à ce fils qui passe tellement de temps au désert. Je devais revenir plus tôt, fit-il en regardant Lorna. Mais le désert a pour moi des charmes insoup çonnés.

Il s'inclina légèrement et sortit en souriant. Lorna se tourna vers la fidèle gouvernante, qui était déjà là lorsque la mère de Kasim y était arrivée, jeune mariée. J'espère que nous serons amies, lui dit-elle genti ment.

Les yeux noirs de Kasha regardaient avec curiosité, mais sans malveillance, le costume de cheval de la jeune fille et le voile qu'elle portait encore sur ses cheveux.

C'était écrit sur le sableWhere stories live. Discover now