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Absorbée dans ses pensées,seule sur la terrasse de l'hôtel, la jeune fille contemplait, à travers les feuilles des hauts palmiers,les étoiles qui scintillaient dans la pureté du ciel africain.Elle portait une élégante robe de soirée en soie bleu pâle. La musique de l'orchestre lui parvenait,assourdie,du grand salon.comme elle se sentait loin de tout cela!
L'hôtel se trouvait à l'orée du désert, dont la brise du soir lui apportait le parfum subtil et sauvage,mêlé à celui des jasmins du jardin.Le désert était là, derrière ces murs,le désert dont son père lui avait tant parlé,où il avait vécu-- et qu'ils devaient, un jour,voir ensemble.Demain,elle prendrait un cheval,et elle irait,seule, à l'oasis de Fadna où son père s'était installé jadis pour y peindre ces paysages de sable,ces levers et couchers de soleil sur les dunes du désert, qui devaient le rendre célèbre ou riche.Elle était alors en pension,dans une école religieuse. Elle rêvait, maintenant de connaître ces lieux qui l'avaient inspiré.
-Nous irons,Lorna, lui avait-il promis.Dès que j'irai mieux et pourrai voyager,nous retournerons là-bas,tout les deux.
C'était l'année dernière, à Paris, où son père, Peter Morel,se fesait soigner pour un virus mystérieux contracter en Afrique.Pendant toute une année, Lorna s'était occupée de lui;mais son amour et son dévouement n'avait pu le sauver.Elle restait seule au monde.
Perdue dans ses souvenir,elle fût troublée d'entendre des pas s'approcher,impatiemment, elle sortie de l'ombre pour se diriger vivement vers les escaliers qui descendrait aux jardins.Elle n'en eut pas le temps,le jeune homme l'avait déjà rejointe.
-Ah vous voilà ! S'exclama-t-il d'un ton à la fois soulagé et irrité. Vous m'avez promis cette danse,Lorna.
Peut-être... Mais elle avait envie de rester seule,de fuir le bruit,la chaleur,l'atmosphère enfumée du salon.Il ne manquait pas de jeunes filles très évidemment intéressées par Rodney Grant;pourquoi le jeune homme la cherchait-il ainsi?
-je n'ai pas envie de danser répondit- elle froidement.je préfère la compagnie des étoiles. Elles semblent si près que je pourrait les toucher.
-voyons Lorna.restez donc sur terre, où tant de choses sont vraiment à porté de votre main!
La mentalité<<terre à terre>>de Rodney avait toujours exaspéré la jeune fille.
-Tant de choses!fit-elle d'un ton sarcastique.le mariage par exemple, et tout ce qui va avec,pour n'être plus pour son mari,après quelques années, qu'une vielle habitude!
-Quel homme pourrait jamais se fatiguer de vous!
Il était si ému qu'il rougissait et bafouillait,à la surprise et à la confusion de Lorna.Elle étai était fort jolie,mais n'en était pas consciente : cheveux blond platiné, yeux bleu foncé, bouche pleine et bien dessinée, ovale parfait du visage.On lui avait appris chez les sœurs que ce n'est pas l'apparence qui compte; et maintenant qu'elle était dans le monde,elle s'étonnait de voir les hommes lui faire la cour.Il lui suffisait d'être en parfaite santé et de pouvoir pratiquer son sport favori,l'équitation.

Tout à coup,venant du jardin,s'éleva le son plaintif d'une flûte de roseaux.La mélodie était obsèdante comme un appel.Lorna s'approcha de la balustrade, comme fascinée.
-Qui est-ce ? Murmura-t-elle.je l'entend tout les soirs,depuis que je suis ici.
-Ce doit être un des jardiniers.
Rodney était près d'elle. Elle s'écarta, courut vers l'escalier du jardin.
- Allons voir qui est le joueur de cette flûte enchanteur! Cria-t-elle.
Rodney la suivie en grommelant et la rejoignit sous les palmiers et les jarancadas du jardin,pliant pliant sous leurs grappes de fleurs.Lorna s'était arrêtée et respirait longuement l'air embaumé.
- Des parfums chargés d'aventure...,dit-elle rêveusement.
-D'aventure ? Je dirais plutôt de romance...
-Je ne suis pas romantique, l'interrompit-elle.En tout cas ,pas comme vous l'entendre,un flirt,une distraction sans sincérité.
-Vous n'avez jamais flirté dans votre vie,Lorna?vous ne savez pas ce que vous manquez!je serais ravi d'être votre professeur.
-je serais une très mauvaise élève, monsieur Grant ,répondit-elle d'un ton sarcastique. Je ne suis pas venu ici comme la plupart des jeunes filles qui sont à l'hôtel, pour y chercher un mari !
-Vous n'êtes tout de même pas venue simplement pour admirer le désert ?
- Vous ne pensez pas que le désert en vaut la peine?
Elle s'éloigna, captivée par la mélodie de la flûte ; elle aurait voulu rester seule et suggéra à Rodney :
-Ce sont les dernières danses,là- haut.je suis sûre qu'on vous attend,allez-y.
-Je ne vais pas vous laisser seule ici, avec un Arabe qui joue de la flûte !
-Ça ne m'effraye pas,je vous assure,répondit-elle en riant.Demain,je serai seule dans le désert.
-Vous ne parlez pas sérieusement !
Il l'avait saisie par le bras,mais elle le dégagea brusquement comme si elle ne pouvait supporter le contact physique d'un homme.Elle n'avait jamais eu l'occasion jusqu'à maintenant d'en connaître beaucoup, sauf son père ,et cela pendant la dernière année de sa vie seulement ; il voyageait constamment, à la recherche DZ nouveaux paysages, à peindre.Elle était très jeune quand sa mère était morte,et toute sa jeunesse s'était passée chez les soeurs.
Son père lui avait promis de l'emmener dans ses voyages quand elle aurait terminé ses études.Cet espoir n'avait pu se réaliser. Seule,maintenant, à vingt ans , elle venait en pèlerinage voir enfin cette oasis de Fadna que son père avait tant aimée.
- J'ai loué un cheval pour demain,précise-t-elle à Rodney, et je compte bien faire un tour dans le désert.
-Alors,je vous accompagne. Le désert est dangereux. Des femmes ont été enlevées ,ont disparu pour toujours !
-Vous n'arriverez pas à me faire peur,répondit-elle avec un rire un peu méprisant. Mon père a vécu ici,il connaissait bien les bédouins : ils trouvent les européenne un peu trop maigres à leur goût !
-Mais ils pourraient vous enlever pour la rançon !
-Alors il seront déçus ; je ne suis pas riche !
Tout en parlant ils s'étaient rapprochés de l'endroit d'où venait cette mélodie qui les avaient intrigués. Accroupi près d'une pièce d'eau sur laquelle flottaient des nénuphars,un Arabe drapé dans son burnous,jouait de la flûte. Il s'arrêta quand il les vît et les accueillit avec une extrême politesse.
-salamalec,la paix soit avec vous.La demoiselle désire-t-elle que je lise son avenir dans le sable? J'ai déjà rencontré la jeune fille dans le Bazar et je l'ai vue souvent errer dans ce jardin.je sens qu'elle est à la recherche de quelque chose,dans la Terre des Sables.
Malgré les protestations de Rodney,mais sur un signe de tête de Lorna,l'arabe avait sorti de son burnous un petit sac de sable fin dont il répandit le contenu sur le sol,au bord du bassin. Du doigt,il traça dans le sable des signes mystérieux, puis demanda à la jeune fille de souffler dessus légèrement. Elle obéit, le coeur battant.
-Mektub,que votre destin soit accompli! Fit-il après un moment de concentration. Je vois une maison isolée dans le désert ,en ruine.Il y avait des fleurs; elles sont desséchées. La demoiselle ne devrait pas y aller.Mais il est écrit qu'elle ira.
-Pourquoi ne devrais-je pas y aller?
-Vous irez,mademoiselle. Et vous serez poursuivie par un homme grand aux cheveux noirs.
Lorna jeta un coup d'oeil à la blonde chevelure de Rodney et lui déclara en souriant :
-Vous voilà éliminé !
-Tout cela est idiot,grogna-t-il .Payez-le et venez!
-Vous n'avez vraiment aucun sens de l'humour !C'est peut-être idiot,mais c'est amusant. Et qui est cet homme? Ajoute-elle en s'adressant à l'Arabe. Est-ce que je le connais?
-Nous rencontrons dans nos rêves des personnes que nous ne connaissons pas,mademoiselle, mais qui cessent alors d'être des étrangers.
-Je crois bien dit-elle en riant,n'avoir jamais rêvé à un homme grand,noir et dangereux! Parlez moi de lui je vous prie.
-C'est de vois qu'il faudrait parler,demoiselle.
- Eh bien,ça ne m'intéresse pas,fit-elle en soufflant très fort sur le sable.Voilà, j'ai effacé l'homme noir de ma vie!
-Oh non; vous ne pouvez lui échapper qu'en partant d'ici . Si vous restez,sa main sera sur vous pour toujours !
Lorna ne pût s'empêcher de frissonner. Elle rendit une pièce de monnaie à l'Arabe qui la prit en s'inclinant.
-Bilhana,murmura-t-il, Dieu soit avec vous.
-Et que Allah me protège, plaisant a-t-elle.j'en ai apparemment grand besoin.
Elle se tourna vers Rodney, boudeur à son côté.
-Venez, dit-elle. Après tout,je vous accorde cette dernière danse!
La mélodie de la flûte les accompagna pendant qu'ils s'éloignaient . Lorna s'en voulait d'avoir été troublée par les prédictions de l'Arabe . Personne, heureusement, ne peut prédire l'avenir!Mais elle qui fuyait tour à l'heure le bruit et la foule,fur heureuse de se retrouver dans le grand salon. L'orchestre couvrait ,ettoufait le chant de la flûte .
-Vous dansez admirablement, murmura Rodney à son oreille.vous qui prétendez ne pas aimé danser !
-je préfère monter à cheval : au moins c'est moi qui conduis!
-Tiens,tiens? Vous n'aimez pas vous laissez conduire par un homme?fit-il en la serrant plus fort.
-Pas du tout!
L'orchestre venait de s'arrêter. La lumière, adoucie pour la danse,revenait graduellement. Elle repoussa Rodney et se dirigea vers la porte,jetant,au passage,un regard désapprobateur sur un couple qui s'embrasait.
-Bonsoir,Rodney, je me lève très tôt Demain, je vais me coucher, dit-elle au jeune homme qui la suivait.
- Vous êtes toujours déterminer à faire cette promenade,seule dans le désert?
- Bien sûr. Pourquoi pas? Répondit-elle calmement.
-je vous l'ai déjà dit c'est de la folie.vous êtes trop séduisante pour vous exposer à voyager seule,même ici à l'hôtel,encore moins dans le désert ! Je vais vous accompagner.
-Mais je n'y tiens pas,Rodney. Je ne veux pas.
Elle était déjà sur les première marches de l'escalier et dominait le jeune homme avec une telle autorité qu'il en rougit. Rageusement il serrait la rampe de l'escalier .
-Vous ne voulez pas ! Mais enfin, seriez-vous de ces femmes frigides qui préfèrent leur propre compagnie à celle d'un homme!
-Je ne sais pas peut-être. Je suis désolé Rodney, mais je vous ai prévenu : je ne suis pas venue ici pour y chercher un mari pendant la belle saison. Je suis venue parce que j'avais envie de venir,et je me débrouille fort bien toute seule. Merci de m'offrir votre protection, mais je n'en ai pas besoin,je vous assure.
Rodney, d'un coup d'œil, embrassait la gracile silhouette de la jeune fille blonde aux yeux bleus,si fragile dans sa longue robe de soie bleu pâle.
-Méfiez-vous,Lorna! Un jour,vous rencontrerez un homme dont les baisers sauront apprivoiser votre orgueilleuse assurance! Et, si vous êtes de glace,vous pourriez bien fondre au soleil du désert !
Elle éclata de rire,mais n'eut pas le temps de répondre . La famille Featherton sortait du salon et s'approchait de l'escalier. La grosse Dolly Featherton ,la fille , cheveux bouclés, lèvres pincées ; sa mère, la formidable Mme Featherton ,menton en l'air ;derrière elles, M. Featherton qui jeta ,comme d'habitude,un regard gourmand sur Lorna,regard que son épouse ne voyait jamais,car il était de ces maris qui font tout dans le dos de leurs femmes.
Lorna n'aimait pas les Featherton et, avec un geste d'adieu à Rodney, elle s'enfuit dans l'escalier jusqu'à sa chambre.
Rodney avait peut-être raison ,pensait-elle.Elle ne se livrait pas; elle préférait la solitude à la compagnie de gens indifférents. Pourtant,elle était fondamentalement bonne et dévouée, toujours prête à aider une personne handicapée,un animal blessé, un ami dans le besoin.
Elle alluma, s'approcha du miroir, étudia longuement son reflet dans la glace.un sourire erra bientôt sur ses lèvres. Rodney l'avait accusée d'être froide et hautaine, de repousser ses avances, de n'avoir pas de coeur. C'était parfaitement vrai;elle n'avait aucune disposition pour ces amours passagères et superficielles ,un baiser volé ici et là, une caresse sans conséquence. Elle n'avait aucune envie de flirter.Mais ce n'était pas froideur ni manque de coeur.Simplement elle n'avait encore rencontré aucun homme qui l'intéressât. Jusqu'à présent tous ceux qu'elle avait connus lui avait paru égoïstes,terre à terre, sans imagination ni vie intérieure.
Rodney, par exemple. Il avait bien offert de l'accompagner, mais le désert ne l'intéressait pas du tout . Il préfèrait de beaucoup vivre la vie artificielle de l'hôtel : le bar,la piscine, la danse avec toutes les Dolly Featherton qui le peuplaient.
Elle se coucha sous la moustiquaire et mit longtemps à s'endormir. Elle ressentait vraiment l'appel du désert .Elle ne pensait qu'à sa randonnée du lendemain, la découverte de cette mer de sable blond qui s'étendait à l'infini,les dunes,les rochers,les oasis dont son Père lui avait parlé avec tant de passion.
-Le désert répétait-il,est cruel,inquiétant et souvent menaçant.Mais qu'elle beauté pour ceux qui savent voir et sentir !
Elle repensait aussi à tout ce qu'avait dit l'Arabe, à ses prédictions,la maison en ruine aux fleurs fanées , l'homme aux cheveux noirs...
Malgré elle,elle frisonna et ,comme lorsqu'elle était une petite fille ,elle se couvrit la tête de son drap pour échapper à l'obscurité de la nuit.

C'était écrit sur le sableWhere stories live. Discover now