Chapitre 4

24 5 9
                                    

Celà fait un moment que je reste planté devant ma commode, plusieurs tenues éparpillées sur mon lit. Je ne sais pas quoi choisir, pour eux tout ressemblerait à une tenue négligée.

-Tu as besoin d'aide ?

Je me tourne vers Ezra qui reste à l'encadrement de la porte.

-C'est le dîner aujourd'hui et je ne sais pas quoi choisir comme tenue.
-Prends quelque chose de confortable.
-C'est pas envisageable.

Il me regarde avec ce même air perdu qu'il a quand il ne comprend pas ce que je veux dire.

-Mes parents veulent que je sois "bien habillé" mais je n'ai rien à part des joggings, jeans, t-shirts et sweats.

Je soupire et m'assoit en jouant nerveusement avec mon collier pendant. Il franchit enfin la porte pour venir devant moi.

-Ton taux d'anxiété augmente.
-Tu...Attends quoi ?! Tu as un scan ?!
-Oui, pour savoir si tu es en danger, et ton pourcentage de stress augmente, tu ne devrais pas y aller, le stress à une trop longue durée peut déclencher fatigue, irritabilité, trouble du sommeil et de l'appétit...
-C'est bon ça va je connais, je suis obligé quand même.
-Pourrais-je venir avec toi ?

Je reste perplexe face à sa question, et en même temps je n'ai pas envie d'être tout seul là bas...

-Euh...ouais d'accord...

Après un moment je finis par choisir la tenue la moins négligée puis nous partons ensemble, dans la rue et dans le bus plusieurs regards se font sur Ezra qui ne passe pas inaperçu avec son uniforme bleu foncé et noir. Manquerait plus un gros "Robot" tatoué sur son front.

Une fois arrivé, je peux littéralement sentir mon ventre se crisper, la main de l'androïde vient prendre la mienne ce qui me vaut un réflexe de recul.

-Pardon, j'ai cru que le contact physique aidait les humains à se détendre.
-Euh..ouais mais...non pas là...
-Excuse moi.

Je range mes mains dans mes poches en essayant de penser à autre chose puis franchi le portail, oubliant de sonner suite au contact de Ezra. J'entre donc sous la surprise de ma mère qui traversait le couloir faisant face à la porte.

-Je t'ai dit de sonner ce n'est pas un moulin ici.
-Oh pardon j'ai oublié...

Elle penche la tête au-dessus de mon épaule en apercevant sûrement le robot derrière moi.

-Tu as emmené un ami ?

Je me racle la gorge et me pousse légèrement pour laisser Ezra passer, il affiche un sourire chaleureux.

-Bonjour madame.
-Oh non c'est pas vrai, me dit pas que tu as fait ça.
-Qu'est ce qui se passe maman ?

Liam sort du salon pour nous regarder, en voyant l'androïde il se met à rire.

-Putain la vache, t'es aussi désespéré que ca ! Yrva vient voir Swann a carrément pris un androïde !

La honte m'envahit, c'était une mauvaise idée de l'emmener ici. Ma mère nous ordonne de nous mettre dans le salon pendant que mon frère continue de rire, je suis sûr qu'il se force à ce stade. Hélio regarde la machine avec un regard admiré tandis que mon père se lève brusquement.

-C'est quoi ce truc ?
-Il s'appelle Ezra, je...je l'ai acheté.
-Tu pouvais pas te prendre des fringues décentes au lieu de te payer un larbin ? Non mais sérieux.

Ma gorge se serre mais je me mord l'intérieur de la joue pour ne pas succomber aux larmes devant eux.

-Nan mais tu comprends pas papa c'est teeeelllement trop dur pour lui de faire les tâches ménagères, monsieur est teeeeelllement occupé par son "travail".
-Monsieur Swann est effectivement occupé, mais je suis également utile pour les personnes ne voulant tout simplement pas accorder de temps à ces corvées.

Liam se redresse du canapé et fait face à Ezra, le scrutant de la tête aux pieds, ils font exactement la même taille.

-Et tu lui cire ses pompes aussi ? C'est dingue, tu aurais du le prendre noir et on serait retourné aux années 1600.
-Ca n'a rien à voir !
-Ah oui ? Tu l'as acheté, il te fait tes corvées, tout ce qui est ingrat et sans être payé. Pour moi c'est de l'esclavage.

Je finis par bégayer avant que ma mère nous interrompt en amenant les apéritifs.

-Ne soit pas idiot Liam, ce n'est qu'une machine pas un humain.
-Ouais c'est vrai, et il ressent la douleur ?

Il lui fait une pichenette sur le front mais Ezra ne bronche pas.

-Non monsieur, je ne ressens pas la douleur.
-Stop on passe à table maintenant.

Nous écoutons ma mère en nous essayant, Ezra se mettant près de moi et de Hélio.

-J'aurais quand même préféré que tu utilises ton argent pour autre chose que cette connerie, en quoi tu en avais besoin ? Franchement on peut pas te faire confiance tu es irresponsable.

Elle dit ça tout en nous servant, ce qui rend la chose naturelle sûrement.

-Il devait avoir besoin de quelqu'un pour lui tenir.

Mon père se met à rire tandis que sa femme et ma mère lui font la morale pour sa remarque grossière.

Moi, je reste là, silencieux. Comme si quelqu'un me maintenait fermement sur cette chaise. Mon corps pèse de plus en plus lourd et j'ai l'impression que mon âme crie à l'aide pour s'en sortir. Tout ce que je ressens c'est la main de Ezra qui ne se pose pas sur moi, mais qui se tend. Me laissant cette fois la possibilité de la prendre de moi même, ce que je fais. Si il ressentait la douleur, je l'aurais sûrement fait crier tellement je la serre fort. Mais pendant un instant, j'évacue tous ces sentiments pour continuer le repas.

Ce ne fut que moqueries et humiliation durant tout le dîner, Ezra n'a plus dit un mot à part les formules de politesse. Pour une fois j'ai été le premier à partir, évidemment les remarques la dessus ont dû fuser, mais je voulais vraiment rentrer chez moi.

Une fois la porte d'entrée franchie, Ezra pose les clés sur le meuble et me regarde.

-Tu as besoin de quelque chose ?
-Non, je veux juste être...seul.

Il reste silencieux tandis que je gagne ma chambre, je n'en peux plus. Ça dure depuis trop longtemps. Je n'arrive à rien, je suis rien. Je veux en finir.

J'ignore Elias et Tobias, les robots Eilik, pour m'avancer vers ma porte fenêtre menant à mon balcon. Le froid me frappe en plein visage mais je l'ignore également. C'est comme si mon corps était en pilotage automatique, je ne contrôle plus rien.

Mes mains viennent agripper la grille glacée, tandis que j'enjambe celle-ci, me retrouvant de l'autre côté.

Plus qu'un pas et je n'aurais plus à subir ça, plus de moquerie plus de pression tout ne seras plus que néant. Je m'avance mais je n'ai qu'une seconde d'adrénaline avant que deux bras me tirent avec force vers l'intérieur de ma chambre. Ezra vient de me porter comme si je ne pesais rien pour me mettre en sécurité. Ses bras ne me lâchent pas et je me débat pour qu'il me lâche mais cette fois il ne m'obéit pas. Les larmes finissent par envahir mon visage et je lui hurle de me lâcher mais il ne fait que poser une de ses mains sur mes cheveux épais pour venir les caresser.

Je me calme suite à ça et me laisse totalement aller contre lui, lui confiant toute mon âme à travers mes sanglots

EzraWhere stories live. Discover now