Anatomie Divine II - Chroniques du Galm-Soi

Chronique 4

Date ?

Aujourd'hui a eu lieu l'inauguration officielle du chantier du Théâtre Anatomique et j'y étais convié en tant qu'assistant de Maître Jawil qui est en charge des travaux. Le Théâtre étant officiellement un futur lieu d'enseignement de la doctrine du Galm, quelques exos des Ordos étaient présents en plus des habituels représentants des Conseils Artistique et Scientifique. J'ai d'ailleurs reconnu une cultiste infiltrée parmi les moines-chercheurs de l'Ordo Tantriste. Cependant, aucun des conseillers ne m'était familier, ce qui témoigne du peu de sièges dont disposent les Cultes au sein des Conseils.

Comme le veut la tradition, la première pierre fut posée dans un tonnerre d'applaudissements. En l'honneur des caravaniers qui bâtirent les fondations de la Cité, les premières pierres d'un chantier sont tout aussi saluées que les dernières. La terrasse était noire de monde et il fallait se faufiler à travers les mouvements de joie et les accolades. J'essayais de traverser la foule pour rejoindre le buffet lorsque un homme de grande taille apparut devant moi. Il portait la toge cramoisie des conseillers et l'écusson en forme de roue chromatique indiquait son appartenance au Conseil Artistique. À la place de sa bouche se trouvait une grille métallique cernée de tissu cicatriciel.

"Enchanté, conseiller. Nous n'avons pas été présentés, je suis Shom, apprenti de Maître Jawil" dis-je sobrement.

"Et je suis Anathaam, conseiller artistique de la Cité." Sa voix n'était pas humaine, elle était profonde et lourde et elle vibrait dans les infrasons. C'était une voix de machine, née d'une piètre tentative de reconstruction buccale. Il doit être particulièrement âgé, pensai-je, cette technologie médicale est dépassée depuis longtemps. 

"Je vous félicite pour les plans du Théâtre, Shom, Maître Jawil m'a confié que vous lui aviez été d'une aide précieuse pendant leur élaboration. Lorsqu'il me les a présentés il y de cela un an, j'ai immédiatement été charmé et j'ai insisté auprès du Conseil pour que votre projet soit étudié en priorité. Le vote n'était pas gagné d'avance mais j'ai défendu le Théâtre de toute mon âme et je m'en félicite aujourd'hui."

"Dans ce cas c'est à moi de vous féliciter, conseiller Anathaam. Nous voulions bâtir ici une oeuvre qui inspirerait l'amour des Galms à des générations de Citoyens. Un Théâtre Anatomique où l'on s'instruirait sur la science galmique et l'adoration des corps de la Divinité. Grâce à votre dévouement, ce rêve devient aujourd'hui une réalité."

"Je vous remercie. Cependant laissez moi vous poser une question : au cours de vos études préparatoires sur les Ordos, seriez vous tombé sur la mention d'un certain Sheth ?"

C'était inattendu et le but était manifestement de me déstabiliser. Mais tous les cultistes sont préparés à ce genre d'interrogatoire et je ne suis pas facile à surprendre.

"Non jamais, mais le nom sonne thotien. Etait-ce un hermétiste ?"

"Vous êtes perspicace. Effectivement, Sheth était un endo hermétiste qui a largement contribué à la science galmique. Il a notamment découvert le moyen de fusionner la matière du Galm par des moyens alchimiques dont je vous épargnerai les détails."

"Fascinant, mais qu'est-il advenu de Sheth ? Et pourquoi n'en ai-je trouvé aucune mention dans l'histoire des Ordos ?"

"Disons qu'il s'est... fourvoyé. Il a pratiqué des expériences hérétiques sur son propre corps, ce qui l'a bien entendu conduit à la ruine et à la folie. Les Ordos refusent d'évoquer le sujet car pour eux, Sheth n'a jamais existé. Mais il se dit dans la Flèche Blanche que les conspirateurs qui le suivaient oeuvrent désormais dans la Cité."

"Je comprends, mais comment puis-je vous aider ? Je n'ai jamais rencontré de conspirateur."

"Mon rôle en tant que conseiller affecté à ce chantier est de m'assurer que rien ne viendra le mettre en danger. Ce qui comprend l'infiltration de notre entreprise par des suivants de l'Hérétique. Je veux pouvoir compter sur vous, Shom. Ouvrez l'oeil sur les travailleurs que vous employez, et signalez moi vos moindres suspicions, vos plus petits doutes."