12. Adolescence perdue

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« Le rêve est nécessaire quand s'achève à jamais le temps de l'adolescence. »
Claude Jasmin


          Alexandre avait passé une nuit horrible. À aucun moment il ne parvint à trouver le sommeil. Étendu sur le matelas, il fixait le plafond, totalement muet. Les mots lui manquaient, les larmes aussi. Une fois rentré à l'appartement, il avait appelé Romain pour lui donner rendez-vous le lendemain. Parce qu'il en avait besoin. Certes, il était effrayé à l'idée de ressortir pour affronter une nouvelle crise, mais il le devait. La dernière fois qu'une telle crise de panique l'avait pris, il était resté des semaines dans sa chambre d'hôpital, ne sortant plus pour rejoindre Paul et mangeant à peine ce que les infirmiers lui apportaient. Et ça, il n'en voulait plus. Alexandre voulait de nouveau vivre normalement, et ce n'était pas un claquement de porte qui l'empêcherait de guérir.

— Qu'est-ce qu'on fait aujourd'hui ? demanda Romain, heureux.

En ce mercredi d'avril, le ciel couvert de mars était parti pour laisser enfin la place au soleil annonciateur des beaux jours. Le petit groupe méditait devant le lycée de Saint-Just, bâtiment majestueux du patrimoine lyonnais.

— Comme il fait beau nous pourrions faire une activité d'extérieur, proposa Justine.

Alexandre acquiesça d'un simple signe de tête, jetant un coup d'œil en direction d'Imany. Depuis leur rendez-vous au Gentle Cat, ils ne s'étaient pas adressé la parole. Mais quelque chose avait changé dans son regard. Elle ne lui en voulait plus, et partageait au contraire une certaine complicité timide avec lui. C'était comme si en un simple regard ils se comprenaient, s'apaisaient et se parlaient. Elle lui adressa un sourire.

— Imany, Alexandre, qu'en pensez-vous ?

Leur échange de regard fut interrompu par cette question que venait de leur poser Romain. Imany se racla la gorge, tandis que le caporal tournait la tête en direction de son ami. Il haussa les épaules.

— Je vous suis, répondit-il, distrait.

Justine lui adressa un regard amusé, jonglant entre lui et Imany plusieurs fois pour le taquiner. Alexandre n'y prêta pas attention.

— Je crois que nous n'avons pas vraiment d'activités d'extérieur sur notre liste, fit remarquer Imany, brisant son silence.

— Pas faux, dit Romain. Nous pourrions peut-être simplement aller dans un parc pour profiter du soleil et parler un peu ?

Le caporal haussa les épaules, acquiesçant d'un simple signe de tête. Après quelques minutes de débat, le choix du groupe se porta sur le jardin des curiosités, lieu emblématique de Lyon pour sa vue panoramique époustouflante. À cette heure-là et en plein milieu de semaine, ils auraient sûrement la chance de le visiter pratiquement vide de touristes et d'étudiants. Perché sur les hauteurs de la colline de Fourvière, ce jardin était comme un jardin secret ; on y emmenait ses amis, ses amours, sa famille. Un lieu de rassemblement festif, familial, amoureux et parfois calme. Ils passèrent la double grille, empruntant le petit chemin goudronné pour atteindre le bout du parc. L'élément qui avait toujours perturbé celui-ci était la vue. Aux premiers abords, la frontière entre le jardin et l'horizon semblait brutale ; beaucoup se laissaient surprendre en découvrant que le jardin continuait, en pente, face aux bancs idéalement situés. Sans doute était-ce l'effet du gore orange se confondant aux toitures lyonnaises. Le petit groupe s'avança, approchant la pente arborée pour venir s'installer sur le banc, vide.

— Tu avais vu juste, annonça Romain à Alexandre. Il n'y a personne.

— Je ne me lasserai jamais de cette vue, souffla Justine, émerveillée.

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