10. Discussion nocturne

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« Qui trouve un ami, trouve un trésor. »
Proverbe latin


          Les étoiles étincelaient dans le ciel sombre, l'animant d'une certaine vie lointaine. Alexandre, étendu dans son lit, ne dormait pas. Bien qu'il se sente heureux, il ne parvenait à fermer l'œil. Depuis sa sortie de l'hôpital, les insomnies comme celle-ci se faisaient de plus en plus rares, mais la solitude l'emportait parfois sur son sommeil. Il passait donc des heures à fixer le ciel au-dessus de lui, attendant impatiemment le moment où le soleil pointerait le bout de son nez et priant pour que le sommeil l'assomme avant son arrivée. Souvent, le soleil arrivait avant que le marchand de sable ne passe. Il prit une grande inspiration, levant la main devant son visage. Les moignons qui remplaçaient ses doigts étaient beaucoup moins douloureux qu'avant, aussi bien psychologiquement que physiquement. Il commençait à se faire à ce physique différent, l'âme cependant toujours tourmenté par les cauchemars qui le hantaient jours et nuits. Le plus difficile restait de devoir se déplacer en fauteuil, l'obligeant à changer son quotidien. Mais il commençait à être heureux ; du moins, c'est ce qu'il croyait profondément. Si le bonheur se résumait à apprécier les moments banals de la vie, alors il était heureux. Il s'était fait des amis, parvenait à se faire ses marques dans un appartement dans lequel il se sentait de mieux en mieux.

Il se redressa, regardant désormais ses jambes disparues. Le syndrome du membre fantôme l'avait quitté. Il était temps, après des mois de tortures que lui provoquaient cette présence douloureuse. Il soupira, parcourant ses cicatrices de ses doigts tremblants. Le souvenir de ce jour ne l'avait quitté depuis. À chaque fois qu'il posait son regard sur son nouveau corps, Alexandre entendait le bruit sourd de l'EEI, sentait son corps le brûler, voyait les traits des visages de ses camarades se tordre. Dès qu'il chassait ces pensées sombres de son esprit meurtri, son corps lui semblait étranger. C'était comme être prisonnier d'un costume dans lequel on ne se sentirait pas à l'aise. Bien qu'il se soit habitué à la vue de celui-ci, le militaire avait toujours du mal à accepter ce nouveau corps. Son âme était dans une enveloppe qui ne lui convenait pas, et parfois, les pensées sombres l'emportaient sur ses nuits. Il se laissa glisser dans les draps propres, dirigeant de nouveau son regard vers le ciel, puis pensa.

Il faisait chaud. Dehors, le sable virevoltait, formant de petites tornades qui brouillaient la vue des soldats. Alexandre, son arme contre le torse, était assis sur un petit rondin de bois sec, le faisant craquer sous son poids.

— Caporal Duval ? grésilla une voix dans l'appareil.

Il attrapa le talkie-walkie, l'approchant de sa bouche :

— Je vous écoute.

— Nous avons fait le tour du village, aucune présence ennemie détectée.

Il soupira, poussant un léger grognement.

— Rentrez.

L'échange se conclut ici. Il se redressa, remontant légèrement son treillis épais. L'équipement militaire était lourd, bien que récemment allégé par quelques modifications. L'arme, qu'il tenait toujours près de lui, n'était pas si légère qu'elle le paraissait. Quelques minutes après l'échange, un petit groupe d'hommes s'approcha des lieux où se trouvaient les troupes accompagnées d'Alexandre. Il fronça les sourcils, gêné par la poussière désertique qui rendait l'horizon incertain. L'un d'eux tenait dans sa main des armes, tandis qu'un autre tenait des livres. Ils s'approchèrent, saluant respectueusement leur caporal.

— Nous avons trouvé de vieux tapis de prières qui ne semblent pas avoir été utilisés depuis des jours, sous lesquels étaient dissimulés ses armes et livres.

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