Tonnerre - partie 2

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Il avait encore tout tenté. Même en étant à l'abris de la pluie, sa camaro ne voulait toujours pas coopérer. Pire encore, il n'arrivait même pas à se concentrer sur ce qu'il faisait : le bruit de la douche qui coulait au-dessus de lui, accaparait tous ses sens depuis d'interminables minutes. Et même après que Stiles eut coupé l'alimentation de l'eau, c'étaient les déplacements de l'adolescent et les froissements de tissus qui s'étaient mis à résonner dans la tête du loup.

- Sourwolf, tu veux prendre une douche ? Je peux te prêter des vêtements, si tu veux. Ils seront probablement trop petits, mais au moins tu sera sec.

Stiles passa la porte du garage bien après avoir terminé de parler. Il savait que le loup avait pu l'entendre et il appréciait parfois ces capacités hors normes. Il trouvait amusant d'avoir une conversation sans que l'autre personne n'eusse besoin d'être dans la même pièce que lui. Mais puisqu'aucune réponse ne lui était parvenue, il se demanda en arrivant près de la camaro, si son propriétaire l'avait vraiment entendu. Derek n'avait jamais apprécié Stiles. Probablement sa voix était-elle devenue avec le temps, un désagréable bruit de fond auquel le loup ne faisait plus attention.

- Tu as entendu ? Tu veux prendre une douche ?

Derek soupira. Non, il n'avait aucune envie de prendre une douche ici. En fait, il ne voulait surtout pas s'attarder dans les parages, parce que ça fichait en l'air tous ses plans. Mais même en étant un loup-garou, il sentait la morsure du froid sur sa peau. Il était gelé. Ses vêtements trempés lui collaient à la peau et maintenant qu'il était dans un endroit sec, l'air qui caressait son corps amplifiait la sensation de froid. Dans un soupire las, il rentra la tête dans ses épaules en cessant le mouvement de sa clé à molette sur une pièce de mécanique. Il n'avait pas besoin de regarder Stiles pour savoir qu'il ne l'avait pas lâché des yeux depuis son retour.

- J'ai ce qu'il faut.

Il s'éloigna de son capot pour rejoindre son coffre, d'où il sortit un petit sac de sport à l'allure bien remplie.

- Tu te promène avec des fringues de rechange, toi ?

Derek serra les mâchoires, agacé par la curiosité maladive de l'adolescent. Il n'avait aucune envie d'expliquer la présence de ces affaires dans sa voiture mais le regard de Stiles en disait long sur son envie de comprendre.

- Attends, qu'est-ce que tu faisais devant chez mon père, Derek ?

L'ancien Alpha ne répondit rien. L'humain était déjà parti sur sa piste et il savait ne pas pouvoir l'arrêter, quoi qu'il en dise.

- Est-ce que tu quittais la ville ? Je rêve ! Tu étais en train de te barrer, encore !

L'air s'emplit brusquement d'une odeur de rancoeur que le loup reconnut sans peine. Il redressa la tête vers Stiles, l'interrogeant du regard sans pour autant poser sa question avec des mots. Qu'est-ce qui prenait à l'adolescent de lui en vouloir ? Il avait toujours agi en solitaire, il n'y avait rien d'extraordinaire à ce qu'il disparaisse sans prévenir personne.

- Tu n'as pas le droit, Derek !
- Pardon ?
- Tu ne peux pas partir ! Tu ne dois pas nous abandonner !

L'amertume dans sa voix était surprenante. Derek n'arrivait pas vraiment à comprendre pourquoi l'adolescent faisait tout un plat de l'un de ses départs, alors qu'ils avaient été si nombreux ces dernières années.

- Stiles, qu'est-ce qui te prend ?
- Tu ne dois pas partir !
- Mais qu'est-ce que tu raconte ? La ville est calme depuis des semaines. Vous allez très bien vous en sortir sans moi.
- Non !
- Arrête de te comporter comme un enfant, Stiles.
- Arrête de te comporter comme un connard, Derek !

Derek écarquilla les yeux. Ils s'étaient souvent opposés dans des joutes verbales et leurs disputes étaient presque leur marque de fabrique. Pourtant ce soir, il y avait autre chose. Derek sentait que quelque chose n'allait pas chez l'être humain.

- Qu'est-ce que tu as ?

Stiles recula d'un pas alors que Derek en faisait un dans sa direction. Il finit par se plaquer contre la porte du garage, empêchant le passage au loup-garou. Comme s'il pouvait faire quoi que ce soit pour l'obliger à rester.

Si Derek aurait pu simplement passer par la grande porte coulissante que Stiles ne pouvait pas maintenir fermée à distance, il n'en fit rien. Il se contenta de se rapprocher du garçon, aussi près qu'il put l'être, forçant le regard whisky à tomber vers le sol.

- Qu'est-ce que tu ne dis pas ?
- On a besoin de toi ici.
- Vous vous en êtes toujours très bien sorti sans moi, Stiles.

C'est là, dans le silence de l'adolescent, que Derek la perçut enfin. A travers la rancoeur et la colère, elle était subtile. Comme si elle se cachait sournoisement. Mais il la reconnut : l'odeur du désir. Un long frisson lui parcouru l'échine alors qu'il fixait ce visage constellé juste devant lui. Il n'avait jamais été très doué pour les relations sociales mais il savait déchiffrer l'attrait qu'éprouvaient les êtres humains pour leurs semblables. Et là, il n'y avait qu'eux deux dans cette pièce. Derek voyait mal Stiles éprouver une telle chose pour sa voiture, alors ça ne pouvait être que pour lui, non ?

- Dis-le.

Stiles releva la tête, interloqué par l'invective du loup-garou. Dire quoi, au juste ? Il n'avait rien à lui dire, il avait déjà tout dit. Derek ne devait pas partir, parce qu'il faisait partie de la meute et que ses membres se devaient de rester les uns avec les autres.

- Tu ne dois pas partir. Tu dois rester avec la meute.
- Je dois rester avec la meute ?

Derek le regardait avec insistance. Il avait réussi à plonger son regard dans celui de Stiles et l'adolescent n'arrivait plus à détourner le sien. Il se sentait pris au piège, comme un cerf dans les phares d'une voiture.

- Oui.

Il n'avait pas eu l'impression que ce soit possible, mais le corps de Derek se rapprocha encore du sien. Il sentit le froid de ses vêtements trempés s'insinuer à travers les siens, humidifiant ses propres habits. Leurs yeux se battirent contre leurs volontés respectives. Leurs regards dansaient entre leurs homologues et leurs bouches, comme s'ils hésitaient.

- C'est la meute qui a besoin de moi, ou c'est toi, Stiles ?
- C'est ...

Mais les mots ne venaient pas. Ils étaient là, juste derrière sa langue, et ils refusaient de sortir de sa bouche. Ils restaient coincés derrière la barrière de ses lèvres qu'il pinça de contrariété.
Derek se laissa complètement enivrer par le désir du garçon, qui avait désormais surpassé ses autres émotions. Il emplissait la pièce comme une onde, camouflant toutes les autres odeurs qu'il avait pu capter plus tôt.
Dans un geste lent, il leva une main pour la poser sur la porte, juste à côté du visage de Stiles. Il contracta légèrement ses doigts sur le bois tandis que son autre main montait lentement le long de la chemise de l'être humain, jusqu'à en agripper le col sans chercher à le contraindre. Il le maintint simplement là, si près de lui qu'il pouvait sentir son haleine. Puis il pencha son visage de quelques centimètres et déposa ses lèvres sur celles de cet adolescent stupide et agaçant, dont les yeux restèrent ouverts de longues secondes sous l'effet de la surprise.
Il fallut un moment avant que leurs bouches n'acceptent enfin de se séparer. Il n'y avait rien d'extraordinaire dans ce premier baiser seulement, leurs corps semblaient n'avoir aucun désir de se lâcher.
Quand le loup attrapa précautionneusement la poignée de la porte et força le garçon à se décaler pour le laisser l'ouvrir, c'est le souffle de Stiles qui vint s'écraser sur les lèvres du loup, brisant le silence.

- Reste ...
- Je ne partirai pas.
- Reste ici ... Reste avec moi ...

Derek observa le visage du garçon un instant, pas certain de comprendre ce que "ici" signifiait. Mais la gêne qui émanait de l'adolescent répondit à la question qu'il ne posa pas. Sa main se desserra de la chemise et ses doigts glissèrent jusqu'à la joue pâle qu'il caressa tendrement avant de déposer un nouveau baiser, plus court, sur les lèvres fines de son humain.

- Je vais juste prendre une douche.

[Sterek] OS en tous genresOù les histoires vivent. Découvrez maintenant