Le pire meilleur ami

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Il faisait sombre, dans le loft. Les dernières lueurs du jour passaient encore à travers l'immense fenêtre de la pièce principale, mais rapidement la luminosité diminuerait et empêcherait quiconque de percevoir avec exactitude les objets éparpillés ça et là sur les meubles. Derek inspira et expira profondément. Il était paralysé par un sentiment qu'il ne se connaissait pas : il n'avait simplement pas envie.
Pas envie de quitter cette position si confortable, affalé dans son canapé, les genoux repliés pour coller ses talons sous ses fesses tandis que son buste reposait négligemment dans le coin entre le dossier et l'accoudoir. Il voulait rester là sans bouger, et surtout pas pour aller de l'autre côté de la pièce dans l'unique but d'allumer la lumière.
Il ne lui restait plus qu'à espérer qu'un membre de la meute -n'importe lequel- se pointe et appuie naturellement sur l'interrupteur.
En attendant, il laissa ses yeux se balader sur les pages de son livre, et son esprit imager tout ce qu'il lisait ligne après ligne. L'intrigue était passionnate, l'écriture de l'auteur totalement addictive.
Le protagoniste pointait son arme à feu sur un ennemi redoutable qu'il avait poursuivi durant des jours avant d'enfin lui mettre la main dessus, lorsque la porte métallique du loft grinça sur ses gonds. A travers le crissement des roulements, Derek perçut une voix forte et agacée mais ne parvint pas à distinguer les mots avant que l'arrivant n'ait refermé la porte derrière lui.

- ... comme ça ! Sérieusement, je devrais juste l'abandonner à son sort, la prochaine fois qu'il aura besoin de moi !

Stiles alluma la lumière -Hallelujah !- et descendit les marches d'un pas rapide sans même poser un regard sur Derek, qui avait relevé les yeux de son livre pour l'observer. L'adolescent était en colère et ses gestes vifs animaient son corps au fur et à mesure qu'il déblatérait des injures -certainement au sujet de Scott- et qu'il racontait à qui voulait bien l'écouter à quel point il était irremplaçable et à quel point ses amis étaient ingrats envers lui.
Derek ferma lentement son livre mais le garda en mains tandis que l'adolescent furieux faisait les cent pas devant lui, continuant son monologue colérique à l'intention de ... quiconque avait des oreilles.

- ... rend même pas compte de tout ce que je fais pour lui, jour après jour, et comme il aurait l'air stupide si je n'étais pas à ses côtés depuis si longtemps pour ...

C'était toujours difficile pour Derek de l'écouter. Du moins dans ces moments-là, quand les émotions débordaient littéralement par sa bouche et qu'il semblait n'y avoir aucun sens à saisir au flot incessant de ses paroles. Ce qui, en un sens, arrivait régulièrement. Parce que Stiles était un adolescent émotif, hyperactif et bavard. Et que le combo de ces trois paramètres rassemblés en un seul être humain, donnait un cocktail explosif d'intelligence et de débrouillardise, mais que ça rendait la créature ainsi créée particulièrement difficile à suivre.
Derek le regarda se diriger vers la cuisine, fouiller les placards sans jamais se taire et en répétant sans arrêt la même chose mais de diverses façons : à savoir que Scott était le pire meilleur ami au monde depuis qu'il avait une petite amie, et que lui-même ne ferait jamais honte à son rang de meilleur ami pour une quelconque relation amoureuse.
Le loup-garou haussa un sourcil mais ne réagit pas, spectateur silencieux des salves vocales que Stiles tiraient dans toutes les directions tout en continuant de s'acharner à secouer les placards comme s'il avait été une tornade déchainée.

- ... me le dire, franchement ? Il peut toujours courir, parce que je ne viendrai pas ! Je vais juste ...

C'était fascinant, toute cette énergie déployée juste dans l'évacuation d'une émotion aussi simple et banale que la colère. Stiles semblait être pourvu d'une réserve extraordinaire et d'une endurance à toute épreuve lorsqu'il s'agissait de laisser libre court à ses pensées. Et tant qu'à faire, surtout lorsqu'il s'agissait de ses pensées les plus insignifiantes.
Alors que l'être humain lâchait avec fracas un sachet de chocolats sur le comptoir de la cuisine, Derek posa lentement son livre sur l'accoudoir après avoir vérifié brièvement le numéro de sa page. Il ne dit toujours rien, continuant d'accueillir la colère du plus jeune sans broncher, parce que de toute façon il n'y avait rien d'autre à faire que laisser passer la tempête lorsqu'elle se pointait chez lui.

- ... Allison, là ... Sérieusement elle commence à me sortir par les yeux. Elle se comporte comme si elle le connaissait depuis toujours alors qu'elle est ...

A grand bruit, Stiles déposa un bol à côté du paquet de friandises, qu'il ouvrit d'un geste vif et désordonné, faisant voler quelques boules chocolatées sur le comptoir. Il souffla un juron avant de reprendre son monologue, attrapa les quelques vagabondes et les balança dans le bol qu'il remplit ensuite en renversant le sachet par-dessus.
Derek détendit les traits de son visage, désormais complètement sorti de son roman et de l'intrigue qui le tenait en haleine quelques minutes plus tôt. Il déplia ses jambes pour les étirer devant lui et se pencha en avant pour attraper la télécommande qui dormait paisiblement sur la table basse, avant de se réinstaller au fond de son canapé. Déjà, Stiles se rapprochait à grands pas, toujours complètement absorbé par ses propres grognements.

- ... et même ça, je le ferais pas ! Non mais c'est vrai, quoi ! Moi au moins, je suis loyal ! Je rêve, c'est complètement dingue !

A l'instant où son dernier mot résonna dans la pièce, le bol atterrissait dans les mains de Derek et le corps de Stiles s'écrasait dans le canapé à ses côtés. L'adolescent s'allongea de tout son long, posa sa tête sur la cuisse du loup et tendit les mains vers lui pour qu'il lui rende son bol de maltesers. Il en fourra trois dans sa bouche d'un seul coup et prit le temps de mâcher longuement sans plus lâcher un mot, fixant le plafond toujours sans donner la moindre attention à son vis-à-vis.
Derek lui tendit la télécommande que Stiles attrapa sans aucune brusquerie, avant d'appuyer sur les boutons pour lancer un programme sur l'écran plat qui faisait face au canapé. Il releva ensuite les yeux vers Derek, au-dessus de son visage, qui semblait ne pas l'avoir lâché des yeux une seule seconde.

- Quoi ?
- Dure journée ?
- Scott est chiant.

Derek étira une grimace amusée à l'intention du jeune homme et posa machinalement sa main sur le torse qu'il surplombait, pour en caresser tendrement la peau à travers le fin t-shirt que portait l'adolescent. En quelques minutes, les battements de coeur agités de l'être humain ralentirent sous les doigts du loup et le rythme lent de ses caresses apaisèrent complètement le garçon.
Stiles souffla doucement, mangeant désormais ses chocolats un par un, plus lentement, profitant de chacun d'eux comme d'un tout premier délice. Il se laissa absorber par un programme sans queue ni tête pendant quelques minutes, puis profita d'une publicité pour reposer ses yeux whiskys dans ceux de Derek, qui le remplirent d'un sentiment apaisant.

- Merci d'être là, Derek.

[Sterek] OS en tous genresWhere stories live. Discover now