Introduction

28 4 0
                                    


Mon nom est Shom fils de Brahim, et je suis depuis ce jour du 19 mars 2551 le Chroniqueur des Cultes du Galm-Soi et votre humble serviteur. 

Je suis issu par mon père d'une longue lignée de scientifiques et de savants datant de la fondation de la Cité et de la redécouverte des savoirs perdus. Mon arrière grand-père, Alam,  était un mathématicien brillant qui permit de redémontrer l'ensemble des théorèmes perdus de Cantor et qui finit par rejoindre l'Ordo Pythagoricien lorsque son fils fût assez âgé pour reprendre sa chaire à l'Académie des Sciences. Shahim ne conserva cette position que très peu de temps, car l'astronomie avait sa préférence sur la théorie des ensembles et il aimait passer   le plus clair de son temps dans les collines de la Cité, au-delà de son voile protecteur. De là il pouvait observer le ciel, tentant de trouver des traces d'activité humaine dans le système solaire. Sa théorie était que les quelques colons envoyés au début du XXIème siècle aurait pu proliférer en coupant leurs communications et en se cachant du regard de la Terre, évitant ainsi d'être atteints par les siècles de guerre qui suivirent l'Effondrement. Shahim traquait ainsi le moindre signe de leur existence, la moindre négligence de leur part qui pourrait trahir leur présence. Il ne trouva rien bien entendu, mais au crépuscule de sa vie il transmit ce fardeau à son propre fils Brahim, mon père. Il lui légua toutes ses notes, toutes ses observations, des décennies de recherche compilées dans de petits carnets reliés de cuir noir. Comme son père avant lui, Shahim tenta d'imposer à son fils de suivre la voie qu'il avait tracée. Mais Brahim refusa de passer le reste de sa vie seul dans les collines, en combinaison de survie de la tête aux pieds et dans la  peur des raids des Exilés. Il revint dans la Cité pour devenir  professeur de physique au sein de l'Académie des sciences, et sa renommée fut telle qu'il fut élu deux fois de suite au Conseil Scientifique de la Cité. 

Enfin me voilà,  Shom fils de Brahim,  dernier représentant de cette noble lignée. Dès mon plus jeune âge, je développai une véritable appétence pour les arts visuels en général et la peinture en particulier. Au désespoir de mon père et de ma mère, elle aussi physicienne et membre du Conseil Scientifique, je ne montrais au contraire qu'un désintérêt grandissant pour les mathématiques  et les histoires fumeuses à base d'atomes et d'électrons que me racontaient mes  parents. Bien entendu, il n'existe pas d'échelle de valeur des métiers au sein de la Cité, et un artiste est tout autant estimé qu'un ingénieur ou un boulanger. Mais dans la plupart des quartiers, l'honneur d'une famille est lié à ses accomplissements vis à vis du bien commun. Ma lignée considère qu'il est de son devoir de découvrir les lois de la Nature pour la gloire de la Cité et d'offrir aux Citoyens les bienfaits de la science dans un cadre strictement contrôlé.

Un enfant artiste était ainsi interprété comme un déshonneur, car avec moi prenait fin l'œuvre scientifique familiale. Lorsqu'à l'âge de seize ans j'annonçai à mes parents ma volonté d'intégrer l'Académie des Arts de la Cité, mon père se tut et se contenta de me fixer avec un regard parfaitement neutre et indéchiffrable. Ma mère prit la parole et dit simplement "Telle est ta décision. Cependant mon fils sache cela : nous aurions pu tolérer un scientifique médiocre. Mais sois un artiste médiocre et nous te renierons. L'honneur de tes ancêtres ne pourra se satisfaire que de l'excellence dans cette voie que tu as choisie. Ce sont les cœurs de millions de Citoyens que tu devras saisir par ton œuvre, car à ce moment-là seulement tu apporteras à ta lignée une gloire égale à celle qu'elle possède dans le domaine scientifique. Va maintenant, nous te confions à un précepteur des arts jusqu'à ce que tu sois en âge d'intégrer l'Académie."

Je fus ainsi confié à Jawil, ancien professeur de l'Académie et Peintre Officiel de la Cité. Maître Jawil comme je dois l'appeler, vit dans son atelier dans le Quartier ???, dans lequel il accueille une dizaine d'apprentis qu'il prépare aux examens d'entrée de l'Académie. La plupart de mes camarades étaient issus de familles d'artistes qui avaient choisi de confier leurs enfants à Maître Jawil en raison de son immense réputation de pédagogue. Quatre-vingt dix pourcents de ses apprentis intégraient l'Académie au premier ou au deuxième essai et un grand nombre d'entre eux devenaient de grands artistes au service de la Cité. Le Maître est spécialisé dans la représentation des Galms des Ordos, qui est évidemment un sujet de choix pour les œuvres qu'il doit fournir à la Cité en tant que Peintre Officiel. Il peint d'immenses fresques des corps divins en gestation, ou éveillés et trônant au sommet de la Flèche Blanche. Bien entendu, il ne peint pas seul et les parties les moins complexes sont confiées à ses apprentis qui accèdent progressivement à la responsabilité de segments plus délicats. 

Anatomie Divine II - Chroniques du Galm-SoiWhere stories live. Discover now