Émerveillement

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Severus croyait fermement à ce qu'il disait lorsqu'il assurait à Harry qu'il trouverait quelqu'un à aimer, et qu'il serait heureux en ménage. Ce n'était certainement pas dans l'immédiat qu'il se laisserait aller à faire confiance à quelqu'un, mais ça finirait par venir. Contrairement à lui, le Gryffondor n'était pas fait pour la solitude.

Il savait aussi que lorsque ça arriverait, le départ de Harry le rendrait malheureux. Il appréciait sa présence, finalement. Bien plus qu'il n'aurait pu le penser un jour.

Évidemment, il ne le lui avouerait pas, parce que ce satané gamin serait capable de se sacrifier pour rester près de lui.

Avec tendresse, il observa le jeune homme qui semblait perdu dans ses pensées, le front plissé en signe de réflexion. Il n'osait pas lui demander ce qui lui passait par la tête en cet instant, préférant attendre calmement pour reprendre leur conversation. Il était décidé à ne pas le brusquer, à lui laisser le temps d'assimiler chaque mot qu'il prononcerait.

Connaissant Harry depuis si longtemps, il le savait imprévisible. Il ne savait pas vraiment à quoi s'attendre de lui, bien que plus rien ne puisse l'étonner venant du Gryffondor.

Cependant, lorsqu'il se jeta presque à son cou, pour l'embrasser. Severus eut un instant de panique choquée, ne comprenant pas ce qui se passait. Visiblement, Harry Potter avait encore le pouvoir de le surprendre.
Ce n'était qu'un simple baiser, la pression des lèvres chaudes et douces du jeune homme sur les siennes, et il ne le repoussa pas, par peur de sa réaction. Une part de lui appréciait aussi l'instant, alors que son cœur s'emballait et qu'il posait avec hésitation les mains sur les épaules du Gryffondor, incapable de décider quelle réaction il devait avoir.

Puis la réalité vint le frapper avec la force d'un cognard.
Comment un gamin comme Harry Potter, qui avait littéralement l'ensemble du monde magique à ses pieds pourrait-il préférer la compagnie de son ancien professeur aigri ? D'un ancien Mangemort qui avait tué sans la moindre hésitation, qui avait commis tant d'actes répréhensibles qu'il méritait probablement de terminer sa vie à Azkaban ?

Avec une douceur qui lui était habituellement étrangère, il écarta Harry de lui, surpris de lire l'émerveillement dans le regard vert.

Il dévisagea le jeune homme, s'attendant presque à recevoir une remarque blessante digne des Maraudeurs. Mais Harry n'était pas son père, loin de là. Il n'y avait pas le moindre amusement sur ses traits, juste une admiration sans bornes qu'il ne pensait pas mériter.

Il se força à se reprendre, bénissant les années de pratiques en tant qu'espion à cacher ses sentiments.
— Harry. Tu n'as pas besoin de faire ça...

Perplexe, le jeune homme fronça les sourcils. Puis, il secoua la tête, horrifié.
— Vous pensez que c'est pour vous remercier de m'accueillir ? Non ! Certainement pas !

Severus leva un sourcil moqueur. Harry le dévisagea une fois de plus avant de sourire, une fois de plus imprévisible.
— Vous vous souvenez de ce sort terrible que j'avais lancé sur Malefoy ? Le jour où j'ai failli le tuer ?

Déstabilisé par le changement de sujet, Severus fronça un instant les sourcils avant d'acquiescer prudemment. Harry eut un sourire nostalgique et poursuivit, tranquillement.
— J'avais refusé de vous dire où je l'avais trouvé. Enfin précisément parce que je vous ai bien dit la vérité ce jour-là : je l'avais bel et bien lu dans un livre. Plus exactement dans un ancien manuel de potions que Slughorn m'avait prêté.

Il y eut un silence, juste le temps nécessaire à Severus pour comprendre où il voulait en venir. L'homme souffla, ébahi.
— Mon manuel de potions ?

Avec un large sourire, Harry hocha la tête.
— Oui. Le manuel du Prince de sang-mêlé. Je ne savais pas que c'était vous, au début, et Hermione... elle a mis un peu de temps avant de trouver. Enfin, elle n'a pas trouvé avant que j'utilise ce sort, et mes amis m'ont forcé à me séparer de votre livre.

Severus lui fit signe de continuer, ne laissant filtrer aucune réaction. Harry poursuivit donc, les yeux brillants d'amusement, visiblement ravi de partager ça avec lui.
— Bref. Je n'avais pas de manuel puisque je n'étais pas sensé avoir potions. Vous nous aviez refusés dans vos classes, mais le professeur Slughorn a accepté de me réintégrer pour que je puisse... embrasser une carrière d'Auror. Donc le premier jour, il nous a prêté de vieux livres dans l'armoire, et j'ai hérité du vôtre. J'ai découvert à quel point vous étiez doué, puisqu'avec vos indications je suis devenu capable de réaliser des brassages largement au-dessus de ce que le professeur Slughorn attendait de nous.

Malgré lui, Severus roula des yeux. Slughorn était loin d'être aussi exigeant que lui...
Harry gloussa doucement, comme s'il avait deviné la pensée de Severus, mais il reprit son sérieux pour poursuivre.
— J'allais mal, cette année-là. Je... j'avais bien trop de choses sur les épaules, c'était... compliqué. Et vos notes, tout ce que vous aviez écrit dans ces pages... ça m'a aidé à rester à la surface, à ne pas plonger complètement. J'avais l'impression que... que vous... que le Prince pouvait me comprendre mieux que mes amis, comme si...

Severus l'interrompit doucement, la gorge nouée. Il se souvenait de sa sixième année, celle où les Maraudeurs s'étaient déchaînés sur lui et où il avait perdu l'amitié de Lily.
— J'étais un adolescent renfermé et déprimé. Amer. Pas vraiment une fréquentation adéquate, Harry.
— Et moi je devais faire face à un destin que je n'ai jamais voulu. Je venais de perdre ma dernière famille et Dumbledore m'utilisait pour récupérer ces foutus horcruxes.

Severus soupira, incapable de donner tort au jeune homme. Ses dernières années à Poudlard n'avaient pas vraiment été une promenade de santé, avec tout ce qu'il avait dû traverser.
Harry hocha la tête, soudain hésitant. Puis, il ferma les yeux et reprit.
— Vous devez vous demander pourquoi je vous parle de ce livre ?
— Effectivement.
— Lorsque vous avez parlé de... la possibilité que je rencontre quelqu'un, je me suis souvenu du désastre de ma vie affective. Je veux dire, j'ai des super amis, deux meilleurs amis géniaux pour qui je donnerai ma vie, mais...

Severus le coupa, essayant de cacher son amertume.
— Mais tu as toutes les jeunes filles du monde magique prêtes à se mettre à genoux devant toi, Harry. Et cette fois, ce n'est pas une plaisanterie. Tu es un héros.
Harry grimaça.
— Ce n'est pas ce que je veux. Je me suis juste souvenu à quel point j'aimais lire vos notes, et de la façon dont... j'étais tombé amoureux du Prince de sang-mêlé.

Deux âmes briséesWo Geschichten leben. Entdecke jetzt