Quelque chose de bien va se produire

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Harry se sentait bien.

C'était étrange de ressentir cette plénitude, au milieu de ses cauchemars de la guerre et de la culpabilité qui le rongeait. Mais Severus le tenait contre lui et essayait de le rassurer, et il avait l'impression que tous ses soucis disparaissaient les uns après les autres.
Le geste soudain de tendresse de son ancien professeur dilua toutes ses inquiétudes, et il lui offrit un sourire sincère.

Lorsque Severus reprit la parole, il l'écouta attentivement, le cœur battant, légèrement inquiet. Il avait si peur de le perdre, qu'il était littéralement pendu à ses lèvres, prêt à le supplier pour lui faire une petite place dans sa vie.

Severus hésita un bref instant, puis murmura.
— Harry, j'ai vu dans ton esprit... que ta crise de panique est due au fait que tu as peur que... je te jette dehors. Ne t'en fais pas, tu es le bienvenu, autant de temps que tu en auras besoin. Après tout, notre cohabitation est plutôt agréable.

Harry se détendit légèrement, et osa avouer ce qui l'inquiétait.
— Mais un jour, vous en aurez marre de m'avoir autour de vous... Vous voudrez refaire votre vie...

Malgré lui, Severus ricana.
— Aux yeux du monde magique, je suis mort. Je n'avais aucune famille, aucun ami proche pour me pleurer. Il n'y a que toi, stupide Gryffondor, pour t'être inquiété...
— Mais maintenant, vous pouvez...
Severus ne le laissa pas terminer, objectant vivement.
— Je suis un solitaire.


Ils se turent, puis Severus reprit, d'une voix douce.
— Tu peux rester autant que tu veux Harry. Un jour, tu verras, tu te rendras compte qu'il y a une vie en dehors de cet endroit. Quelque chose de bien va se produire dans ta vie, tu rencontreras quelqu'un et tu partiras. C'est la logique des choses. Tu es jeune et tu as un avenir brillant, j'en suis certain.

Harry grogna sans répondre.
Le silence retomba et le jeune homme essaya de s'imaginer rencontrer une femme. Ginny ou une autre, peu importe. N'importe qui, avec qui il pourrait former un couple. Il essaya de s'imaginer amoureux, mais il en était incapable.
L'idée même de quitter Severus, de ne plus le voir lui coupait le souffle. Fronçant les sourcils, il se demanda pourquoi il n'arrivait pas à s'envisager avec quelqu'un d'autre.

Les mots de Dumbledore au sujet de Voldemort étaient gravés au fer rouge dans sa mémoire, lorsque le vieil homme lui avait dit que le mage noir ne connaissait pas l'amour et était incapable d'aimer. Lui, il était censé avoir cet amour qui faisait défaut à Voldemort. Ce devait être son pouvoir caché, celui-là même qui lui avait permis de le tuer, finalement... Même si avec le recul, Harry avait du mal à voir le moindre amour dans le combat sanglant qui s'était déroulé à Poudlard.

Il avait cru être amoureux de Cho Chang. Il s'était senti fébrile en sa présence, jaloux de Cédric Diggory qui avait les faveurs de la belle Asiatique. Après la mort de son camarade, Cho était venue vers lui, et ils s'étaient embrassés. Une seule fois, et l'expérience n'avait pas été concluante.
Ça avait juste été un moment gênant, et il avait été plutôt soulagé que tout se termine. Son obsession s'était évaporée aussi rapidement qu'elle était arrivée, et il avait repris sa vie, sans regret.

Ensuite, il y avait eu Ginny. Il l'avait trouvée jolie, bien évidemment. Elle était belle, avec ses longs cheveux roux. Elle était une fière Gryffondor, courageuse et volontaire. Lorsqu'elle l'avait embrassé la toute première fois, dans la salle sur demande, après avoir caché le livre du Prince de Sang-mêlé, il ne l'avait pas repoussé. Ça avait été un contact bref, et... il était resté immobile et passif, incapable de décider s'il appréciait ou non le moment.
La seconde fois, ils venaient de remporter une victoire au Quidditch et il l'avait embrassé dans l'euphorie du moment. Tout le monde hurlait et riait autour d'eux, et la joie et l'excitation coulaient dans ses veines et... ça lui avait semblé naturel.

Il avait brisé les illusions de la jeune fille en partant à l'aventure, même si elle avait juré qu'elle l'attendrait. Mais en revenant à Poudlard après avoir passé tant de temps à chasser les horcruxes, il avait compris qu'il ne l'aimait pas tout à fait comme elle l'espérait. Il ne pourrait jamais être heureux avec elle, parce qu'elle ne comprendrait pas ce morceau de ténèbres qui l'accompagnait désormais.
Elle avait gardé une certaine insouciance qu'il lui enviait, alors que lui était détruit à l'intérieur. Il avait besoin de quelqu'un qui le comprenne réellement... pas d'une relation basée sur les faux semblants, où il devrait cacher son mal-être et ses doutes.
Il avait alors éloigné Ginny de lui, la reléguant au rang de « petite sœur de son meilleur ami ». Il savait que Ginny se berçait encore de rêves, mais il ne ferait pas le moindre pas vers elle, et il n'accepterait pas le moindre rapprochement.

D'un seul coup, il se souvint d'une fois où il était réellement tombé amoureux. Lorsqu'il avait trouvé le manuel du Prince de sang-mêlé justement, lorsqu'il avait lu son écriture serrée et nerveuse, chacune de ses remarques et de ses pensées. Il s'était senti proche de lui. Terriblement proche.
Il avait passé des heures à tourner les pages de ce manuel de potions, avec l'impression qu'il se sentait mieux après avoir lu chaque note apposée en marge du livre. Jusqu'au jour où il avait testé ce maudit sort sur Malefoy et où ses amis l'avaient forcé à se débarrasser du manuel.

Il avait été horrifié de découvrir que le Prince de Sang-mêlé puisse concevoir un tel sort, aussi noir et aussi... barbare presque. Cependant... il l'avait regretté après. Il passait de longues heures allongé dans son lit, perdu dans ses pensées, se souvenant du réconfort qu'il trouvait dans les pensées de cet élève mystérieux qui annotait les livres de cours.

Lorsque Hermione avait découvert l'identité du Prince de Sang-mêlé, il n'avait pas été aussi horrifié qu'il l'aurait dû. Il respectait déjà Severus à cette époque, même s'il ne s'en rendait pas toujours compte.

Un peu perdu, Harry se tourna vers Severus, croisant le regard sombre fascinant qui l'examinait avec inquiétude. Puis, sans réfléchir à la portée de ses actes, il s'avança brusquement et embrassa l'homme, le cœur battant, pressant fermement ses lèvres contre les siennes.

Deux âmes briséesWhere stories live. Discover now