Dans un murmure

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La mort de Dumbledore et la trahison officieuse de Rogue avaient plongé Poudlard dans silence angoissant. Personne n'osait évoquer la situation et les derniers jours avant le retour dans les familles furent particulièrement compliqués pour Harry, sur qui les regards de toute l'école se portaient.
La rumeur avait rapidement couru qu'il avait été près du directeur au moment de sa mort. Si dans un premier temps, il avait été dépeint comme un spectateur impuissant, au moment de monter dans le train il se chuchotait qu'il avait tenté de sauver le vieil homme et qu'il s'était battu en duel contre Rogue en personne.

Malgré les questions pressantes, Harry avait refusé de parler de ce qui s'était produit. Ni aux curieux, ni à ses amis les plus proches, ni aux professeurs et encore moins aux Aurors venus enquêter. Il avait prétendu être arrivé après la chute de Dumbledore et il avait nié avoir vu Severus Rogue sur place. Quant à la présence de Drago Malefoy, il ne l'avait même pas évoquée.


La seule personne à qui il avait accepté de faire confiance avait été Minerva MacGonagall. Il lui avait avoué ce qui s'était produit, sans rien lui cacher. Il lui avait révélé la véritable identité de Voldemort, les horcruxes et la recherche de ces réceptacles en compagnie du directeur. Il lui avait parlé du rôle de Severus Rogue, et de l'exigence de Dumbledore. Et enfin, il lui avait raconté tout ce qu'il avait vu, après que Dumbledore l'ait stupéfixé et caché.

Minerva avait semblé vieillir d'un coup, et elle était restée longtemps silencieuse. Puis la vieille femme avait lourdement soupiré et maudit le directeur pour son petit jeu de manipulation.

Elle avait gravement hoché la tête.
— Merci de me faire confiance, monsieur Potter. J'aimerais... Oh Merlin. J'aimerais vous annoncer au moins une nouvelle réjouissante, mais Albus — paix à son âme — avait laissé des consignes strictes vous concernant. Il...

Elle s'interrompit, et soupira. Harry détourna les yeux et compléta sa phrase, d'un ton neutre, dans un murmure.
— Il a fait en sorte que je sois obligé de retourner chez ces horribles moldus, n'est-ce pas ?

Le regard empli de pitié de sa directrice de maison répondit pour elle et il haussa les épaules.
— Que va-t-il se passer maintenant, madame ?

L'Écossaise eut soudain l'air terriblement âgée et fragile.
— Bien que je sois directrice adjointe, j'ai bien peur qu'en l'absence d'Albus les choses ne soient grandement bouleversées. Malheureusement, Poudlard est tombée, et... je suppose que le Ministère placera un de ses pions à la tête de notre école. L'année à venir risque d'être terriblement compliquée, je ne vous le cache pas.


Harry eut un sourire désabusé.
— Je ne comptais pas revenir à Poudlard, madame.
Sa directrice de maison hoqueta, choquée, prête à protester. Mais Harry continua calmement, le regard perdu dans le vague.
— Dumbledore m'a chargé de continuer ce qu'il a commencé. Trouver les derniers... horcruxes et les détruire. Je n'ai plus le luxe de rester à l'école, je dois avoir la liberté de mes mouvements.

Ils restèrent silencieux un long moment, puis la vieille femme soupira.
— Très bien. Je... Sachez que si vous avez besoin d'aide, vous saurez où me trouver. Je ferais ce qui est en mon pouvoir pour vous porter assistance dans la mesure de mes moyens.
— Et pour le professeur Rogue ?

MacGonagall eut un rire malicieux, bien loin de son apparence toujours sévère.
— Officiellement, je devrais... montrer du ressentiment à son égard, lorsque nous nous reverrons s'il se présente à Poudlard. Cependant, j'aurais rapidement une entrevue avec lui pour... lui apporter le même soutien.

Harry hocha la tête, et remercia une dernière fois son professeur.

*

Après sa fuite de Poudlard, en compagnie de Drago, Severus s'était tapi impasse du Tisseur avec le jeune homme.

Il imaginait qu'il serait l'objet d'une chasse à l'homme sans précédent dans le monde magique, pour avoir tué le grand Albus Dumbledore. Mais... il ne fut pas inquiété.
Visiblement, Scrimgeour avait plus important à traiter que de pourchasser l'homme qui avait décapité Poudlard.


Sans surprise, il avait été convoqué peu après leur arrivée par Voldemort, et il avait lourdement payé son initiative d'aider Drago. Il avait subi Doloris sur Doloris sans broncher, avant de pouvoir enfin rentrer chez lui et s'écrouler dans son lit. Cependant, il avait appris qu'il serait à la tête de l'école à la rentrée prochaine, et qu'il devrait livrer Potter, pieds et poings liés.

Il avait acquiescé sagement, son esprit tournant à plein régime pour savoir comment contourner les ordres et protéger le gamin. Il n'avait aucun moyen de le contacter et il imaginait qu'il ne serait pas bien reçu auprès de l'Ordre du Phénix. À leurs yeux, il était un traître après tout. Comme Dumbledore l'avait voulu.


L'été passa à une vitesse folle. En prévision d'une année compliquée, Severus brassa des litres de potion antidouleur et de soin. Voldemort ayant décidé de contrôler l'école de magie, il aurait une marge de manœuvre réduite pour protéger les élèves et s'il ne pouvait pas empêcher qu'ils soient malmenés, il pouvait faire en sorte de les soigner et les soulager au mieux.
Drago l'assista, silencieux, visiblement songeur. Le meurtre de Dumbledore avait été un électrochoc salutaire puisqu'il avait pris conscience de ses erreurs, et parfois, Severus le surprenait à regarder son bras avec dégoût.

Il ne pouvait rien faire pour lui pour l'instant, pour apaiser sa culpabilité. Au moins, il était en vie et ses parents étaient saufs pour le moment. Voldemort avait laissé les Malefoy tranquilles, décidant que l'entrée des Mangemorts dans Poudlard était une preuve de fidélité suffisante de la part de Drago.


Lorsque Severus annonça à son jeune protégé qu'il était temps de retourner à Poudlard, Drago sembla malade. Il secoua la tête, horrifié, mais il comprit rapidement qu'il n'avait pas voix au chapitre.

Le maître des potions ne pouvait pas le consoler ou le rassurer sans risquer de mettre à mal sa couverture et risquer d'exposer ses secrets. Il lui posa juste une main compatissante sur l'épaule, et hocha la tête sèchement.
— Tout ira bien, Drago. Tout ira bien.

Cependant, il n'avait jamais été aussi peu sûr de lui.

Deux âmes briséesWhere stories live. Discover now