Sorcière

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Pour la première fois depuis une semaine, Severus Rogue eut l'impression que le brouillard de son esprit s'éclaircissait. Il papillonna des yeux et reconnut immédiatement le décor de sa maison d'enfance, Impasse du Tisseur. Il souffla doucement, essayant de rassembler ses esprits et de se souvenir des raisons de sa présence en cet endroit.

D'un coup, les souvenirs lui revinrent brutalement, le faisant sursauter et s'agiter. Il se souvint l'arrivée de Potter à Poudlard, sa propre fuite, réconforté par le regard inquiet de Minerva, la convocation de celui qu'il devait appeler maître... Puis l'attaque de son terrible serpent, la douleur qui l'avait paralysé, le sang qui coulait hors de son corps.
Il avait su qu'il allait mourir, mais il aurait préféré succomber en se battant, la baguette à la main, pas dans une cabane poussiéreuse, oublié de tous.

Puis, Potter était arrivé. Potter et ses yeux trop verts, Potter qui ressemblait à Lily, mais qui était tellement plus. Potter et ses deux amis.
Le gamin s'était jeté sur lui, en larmes, et Severus avait été surpris de sa réaction. Il s'était imaginé que personne ne le pleurerait, que sa mort serait même fêtée. Le jeune homme avait pourtant beaucoup de choses à lui reprocher, mais il semblait sincèrement dévasté.

Il lui lança des sorts de soins, mais Severus savait que ça ne servirait à rien. Le venin de Nagini et la profondeur de l'entaille ne lui laissaient guère de chances de survie.
Face à son affolement, Severus resta calme et agrippa son poignet, fermement, mais sans le blesser. Il allait mourir. Il l'avait mérité probablement. Mais ce garçon... il devait vivre. Quoi que Dumbledore ait dit, il était certain que Harry Potter pourrait défier la mort en personne.

Une vague d'affection inattendue le submergea et il laissa échapper une larme solitaire, avant de lui offrir ses souvenirs. Tout ce qui pourrait l'aider.

Derrière Potter, Granger tendit une petite fiole, visiblement choquée elle aussi de la scène. Une fois les souvenirs récupérés, la jeune sorcière tenta de le faire lâcher prise, mais il s'agrippait à lui, déterminé.
Severus entendait les mots de Potter, qui lui assurait qu'il était fort et qu'il pouvait s'en sortir. Il était bien trop faible pour répondre, même quand le gamin pressa ses mains sur la plaie en le suppliant de rester près de lui.

Dans son dernier souvenir, il attrapait le poignet du gamin comme pour le rassurer, comme pour lui jurer que même mort, il veillerait sur lui. Il perdit conscience sans avoir détourné le regard, plongé dans des yeux verts incroyables.


Il avait repris connaissance un long moment plus tard — c'était ce qu'il supposait. Il était toujours dans la cabane hurlante, il entendait au loin des cris et des bruits d'explosion. S'il n'avait pas été si épuisé, si mal en point, il aurait tenté de se traîner jusqu'aux combats, pour protéger Potter. Mais il était incapable de bouger...

Il avait pensé à sa maison d'enfance, cette maison où il avait été malheureux et qui était devenue son refuge hors de Poudlard. L'instant d'après, il était happé par la sensation de transplaner et se retrouvait chez lui, sur le sol.

Il avait perdu conscience de nouveau, et à son réveil, il commençait à avoir de la fièvre. Il s'était hissé sur le fauteuil, et avait réussi à attirer de la cuisine quelques biscuits secs et une bouteille d'eau. Le accio l'avait vidé et après avoir bu et grignoté, il avait perdu une fois de plus conscience.


Il avait ensuite alterné les périodes de réveil et d'inconscience, incapable de bouger, et il s'était dit qu'il avait survécu à Voldemort pour mourir dans la maison de Tobias Rogue, faible comme un nouveau-né.
Par moments, il délirait, voyant sa mère passer et lui parler, sans qu'il ne puisse comprendre ses paroles. Parfois, il se recroquevillait alors qu'il voyait approcher du coin de l'œil la silhouette menaçante de son père.

Il avait conscience d'être en train de mourir. De s'éteindre lentement, trop faible pour tenter de se soigner, pour s'alimenter. Personne ne partirait à sa recherche parce qu'il était déjà mort aux yeux du monde magique.

Et puis, il était arrivé, avec ses yeux verts. Potter.
Cependant, le jeune homme — s'il avait survécu — devait être en train de fêter sa victoire, avec ses amis, dans les bras d'une jolie sorcière. Le héros du monde magique devait avoir autre chose à faire que de se préoccuper de son professeur de potions aigri...

Une sensation bienvenue de fraîcheur l'avait soulagé et il avait entendu près de lui la voix familière du gamin qu'il avait vu grandir.
Il ne comprenait pas les mots, mais le ton était presque... affectueux. Il se laissa faire, un peu perdu. C'était la première fois que quelqu'un prenait soin de lui de cette façon et c'était assez étrange. Mais il souffrait trop pour se plaindre.


Severus grogna lorsqu'il se sentit soulevé et déplacé. Cependant, sa nouvelle position était bien plus confortable et il se sentit soudain entouré d'un cocon de chaleur. On força entre ses lèvres plusieurs potions, et même au fond de son délire fiévreux, il reconnut la potion contre la fièvre et l'antidouleur.

Il se laissa aller à une somnolence agréable alors que les effets se faisaient rapidement sentir. Son corps douloureux se faisait plus léger, et ses pensées devenaient peu à peu plus claires.

Après un long moment, il se rendit compte que quelqu'un était agrippé à lui et il tourna la tête avec précautions, retenant une grimace lorsque l'endroit où il avait été mordu le tirailla désagréablement.
Il cligna des yeux, essayant d'accommoder sa vision et sursauta en se rendant compte que c'était Harry Potter près de lui. Il avait pensé à une illusion de son esprit fiévreux, mais le gamin était revenu pour lui. Il était là, l'air si fragile, si fatigué, amaigri et triste, agrippé à son vieux professeur revêche comme si sa vie en dépendait.

Severus ne chercha pas à se dégager de la prise, détaillant pour la première fois depuis longtemps le jeune homme près de lui, notant chaque marque visible - hématome, coupure.
Il s'était endormi, et Severus n'avait pas l'intention de le réveiller. Pas alors qu'il semblait réellement exténué. L'homme se réinstalla tourné vers le jeune homme, les sourcils froncés, essayant de comprendre pourquoi ce satané gosse ne l'avait pas abandonné.

Deux âmes briséesWhere stories live. Discover now