TRINITY - Tome 2 : Voir loin, c'est voir dans le passé

[ 30 ] Dispute, quatre vérités et douche

 [ Institut Électre Even, Île de Logres, Ontario, Canada,
16 Février 20**,
17 H 47 ]

[ Trixie ]

Assise à même le sol de la soute, Taima à ma droite, les jumelles à ma gauche, je veille pendant qu'elles dorment, leurs têtes posées sur mes épaules.

Je lâche un énième soupir.. Finalement, c'est l'armée qui a pointé le bout de ses blindés. Nous sommes partis en quatrième vitesse, laissant derrière nous les neuf adolescents marqués. Les braqueurs en herbe ont été embarqués par les militaires armés jusqu'aux dents. Nous n'avons rien pu faire. Nous ne pouvons pas nous permettre de nous battre avec des représentants du gouvernement. De toute façon, nous n'en avions pas la force, pas après ce que les frères nous ont fait manger avec leurs déflagrations.

Le vol retour se fait dans le silence. Un silence pesant, total, dégoûté de cette fin de mission. Une fois que nous sommes arrivés à l'Institut, c'est Rose et Liam qui nous accueillent, catastrophés.

— Rien de trop grave ? Evangéline m'a fait un topo, j'ai annulé mes derniers cours pour venir vous porter assistance.

Le regard de la soignante passe sur nos visages déçus et nos corps amochés, sur moi qui soutiens Taima.

— Viens par là, Taima, demande-t-elle en passant le bras de la brune sur ses épaules. Je vais t'ausculter en premier.

Pendant que Rose et Liam passent nous voir, chacun notre tour, nous nous affalons sur des bancs, des chaises, ou à même le sol. Comme les autres, je retire mon masque. Je descends aussi la fermeture éclair qui remonte sur ma gorge, histoire de respirer un peu mieux. Mes cheveux sont pleins de poussière, de boue séchée, de sang aussi. De minuscules éclats de gravats tombent lorsque je passe ma main dedans avec une grimace. À côté de moi se trouvent les jumelles, appuyées l'une sur l'autre. Elles ont dormi à poings fermés dans le Tetra-jet. Maintenant, elles ont l'air d'aller mieux. Je crois qu'il leur faudra surtout du repos pour récupérer l'énergie qu'elles ont dépensée.

De ce que j'ai compris, Gabrielle et Michelle sont capables de faire fluctuer autant qu'elles le veulent les pouvoirs d'un marqué choisi, annihilant ses capacités ou lui faisant réaliser son plein potentiel, si elles en décident ainsi. Elles appellent celui-ci un « champion ». Cette fois-ci, Taima a été choisie pour ce rôle. Maintenant, elle est à plat, elle aussi. Je pense que nous sommes tous lessivés, en réalité.

— Au moins, nous sommes parvenus à arrêter les braqueurs... dans une certaine mesure, c'est une réu...
— J'vous jure que si vous dites que c'est une réussite, je vous pète vot' dernière guibole avec les forces qui m'restent !

Tjana est en colère. Ses dents serrées, grinçantes, et ses paroles me le chuchotent très « discrètement » au creux de l'oreille.

— Dans tous les cas, nous avions statué qu'il faudrait que ces marqués soient jugés pour leurs délits.
— Arrêtez, je vous en prie. C'est tout sauf une réussite. On s'est fait éclater...

— Il y a eu des dégâts mais pas de morts civiles, les braqueurs ont été arrêtés, nous sommes tous sains et saufs, Michelle et Gabrielle ont découvert leur véritable capacité. Ensemble, me contredit-il en se redressant pour imposer son point de vue.

C'est à mon tour de me relever, les poings serrés, les ongles plantés dans le creux de mes mains.

— Vous foutez pas de nous ! Vous enjolivez les choses ! Les forces armées présentes avant nous se sont fait écraser, littéralement ! La bijouterie, tout ce qui se trouvait à l'intérieur et autour, a été entièrement démoli ! Il n'est resté que des tas informes de gravats et de macadam après notre affrontement !
— Nous avons réussi à les arrêter. Quelques objets inanimés ne sont que...
— Je n'ai pas fini ! m'écrié-je face à ce ton calme, qu'il emploie toujours avec moi pour tempérer mes ardeurs.