[ 10 ] Flamme, paillettes et baisé

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Mon verre à nouveau rempli en main, je traverse le grand salon commun, faisant face à l'orée des bois. J'emprunte la porte de bois, restée ouverte depuis le début de la soirée afin que nous n'étouffions pas là-dedans, et sors dans les jardins à l'anglaise. Mes aveux se sont bien déroulés. Maintenant, toute l'équipe des Marked-men, nous trois ainsi que les ados qui souhaitent se joindre à la soirée se sont réunis pour fêter nos dernières victoires, certaines étant même passées à la télévision. 

À vrai dire, je ne sais pas vraiment quoi penser de ce dernier fait, mais le Professeur semble y tenir. Il croit que nous devrions nous servir de nos capacités pour aider les gens autour de nous. Il pense également que nous devons révéler notre existence en nous montrant sous notre meilleur jour.

Cela m'aurait bien arrangée de rester dans l'ombre à jamais, tranquille, à l'écart de l'humanité, des lumières et des problèmes. Pourtant, je constate que ça ne m'est pas vraiment possible... Nous finirons bien par être découverts par la population lambda, et plus seulement par quelques scientifiques avant-gardistes ou des enquêteurs bien calés dans leur domaine. Et comme dans n'importe quelle communauté, il y a ceux qui seront « gentils » et ceux qui causeront des problèmes. 

Tôt ou tard, des marqués malintentionnés se manifesteront. Un jour ou l'autre, un marqué capable de traverser les murs décidera de voler une banque, un autre, manipulant les esprits, en profitera pour s'enrichir, d'autres pourraient être des déséquilibrés et simplement se dire que tuer, c'est une activité nocturne comme une autre... 

Alors, le Professeur n'a peut-être pas tort. Mieux vaut que l'Homme — ou plutôt, le marqué — de bien se fasse connaître d'abord afin de contrebalancer les effets négatifs à venir.

Je passe une main dans ma couette droite, la passant à l'avant de mon épaule pour la brosser machinalement du bout des doigts. Je lâche un soupir. Je réfléchis trop, je me prends trop la tête. Après les jours de merde que je viens de passer, je devrais sérieusement songer à me détendre et à simplement profiter de cette soirée, arrêter de penser, du moins si cela m'est possible. 

Je rajuster ma veste en cuir par-dessus ma robe rouge tout en me rapprochant des flammes. Tout à l'heure, lorsque le soleil était encore en train de se coucher, Max, le pyrokinésiste, en compagnie de quelques amis, a allumé un grand feu de joie entouré de pierres. Cela donne une ambiance encore plus festive. J'adore. Je tends les mains vers le rougeoiement pour réchauffer le bout de mes doigts.

Je relève les yeux afin de percer les flammes. À l'orée de la forêt, j'aperçois deux silhouettes à peine éclairées par le feu de joie. Je plisse les yeux, crois distinguer des chevelures noir et blanc. Gabrielle et Michelle. Taima m'a dit qu'elle a réussi à les aborder chacune leur tour afin de les inviter. Sa mission semble être un franc succès, si on omet le fait que, comme souvent, elles se disputent. Certes, je ne peux pas entendre leurs voix d'ici, et encore moins voir leurs expressions faciales, mais je perçois d'ici leur aura tumultueuse et leurs grands gestes agacés. Je soupire, dépitée. 

Malgré tout, je persiste à les observer à travers l'orangé des flammes. Effaçant ce qui se trouve autour de moi, je me focalise entièrement sur les jumelles pour capter leurs émotions et observer les couleurs et les agissements de leurs auras. Au bout d'un certain temps, elles cessent de s'agiter, se figeant en chiens de faïence. Auparavant orageuses, leurs auras se calment également, passant à un état semblable à celui d'un glacier. Enfin, elles se meuvent à nouveau pour se rapprocher du comportement d'une rivière dont le fond est rocheux, calme à la surface, turbulent en profondeur. 

Il se pourrait que je les ai moi aussi rencontrées, chacune leur tour, afin de, disons... leur faire quelques suggestions.

Une suggestion est un manège mental bien différent d'une manipulation pure et dure. Lorsque je manipule et que j'ordonne, le choix n'est pas donné ; lorsque je suggère, le libre arbitre reste souverain. Alors, il n'est jamais garanti que mes propositions, dissimulées dans l'inconscient d'autrui, soient écoutées. Au final, si cette personne ne veut définitivement pas aller dans mon sens, la suggestion est balayée et basta

TRINITY - Tome 2 : Voir loin, c'est voir dans le passéOù les histoires vivent. Découvrez maintenant