TRINITY - Tome 2 : Voir loin, c'est voir dans le passé

[ Inter chapitre N°3 ]

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On m'accompagne poliment jusqu'à la salle commune. Ici, les gens se distraient : ils jouent aux cartes, à des jeux de société, ils discutent, font des puzzles, lisent, regardent la télé, entre autres choses.

On m'indique un coin, près d'une fenêtre baignée de lumière solaire. Là se trouve une belle femme, aux yeux perdus sur les jardins, aux cheveux dorés retenus en une longue tresse et à la peau diaphane à force de ne pas sortir, de ne pas rencontrer directement les rayons du soleil.

Je vais m'asseoir sur la chaise à côté d'elle. Elle ne quitte pas des yeux les aiguilles du grand résineux trônant dans le jardin. Je soupire, lui tends un ouvrage dans une ancienne édition que j'ai fait trouver pour elle. Elle a toujours aimé les vieux livres, remplissant notre bibliothèque de leurs poussières.

— Privet Tacha, c'est pour toi.

En entendant ma voix, elle tourne lentement son beau visage, typique, vers moi. Elle m'observe, penche la tête de côté, surprise.

— Privet. Qui êtes-vous ? me demande-t-elle en prenant le livre dans mes mains.

Le livre qui était déjà sur ses genoux tombe au sol sans qu'elle y prête attention. Je le ramasse pour elle, note qu'il était ouvert à la même page que la dernière fois que je suis venu, et le pose sur le guéridon.

Elle ouvre l'ouvrage que je viens de lui passer à la première page. Immédiatement, son esprit s'y noie et elle oublie sa question. Malgré tout, je persiste à lui raconter ma journée, les derniers événements, nos avancées, comment va Macha, le tout en faisant tourner l'alliance à mon annulaire.

Les heures passent comme une minute. Les aiguilles à ma montre me poussent à partir. Je dois aller travailler. Ici, ça va bientôt fermer. Je prends sa main — celle arborant encore l'anneau doré — dans la mienne. Je me demande si, parfois, lorsqu'elle regarde cette bague, Natacha retrouve quelques bribes de souvenirs, avant qu'ils ne soient balayés par la prochaine information percutant son esprit. Elle reporte ses yeux fins sur moi, souriant gentiment en réponse à ma mine grave et attristée, ne comprenant pas ce que je fais.

— Je dois m'en aller.
— Oh ? Quel dommage. Votre présence m'était étrangement agréable.

Je souris tristement puis me lève pour déposer un baiser sur son front.

— Spokoynoy nochi*, Tacha.

Ma main s'attarde sur sa joue, douce comme de la soie. Je dois me résoudre à m'en aller. Une infirmière prend ma place pour s'occuper de Tacha avant que le soleil ne se couche.

— Dobryy vecher** Natacha. Vous voulez bien me suivre ? Bien sûr que vous pouvez emmener ce livre avec vous.

* Signifie « bonne nuit » informel en russe.

**  Signifie « bonne soirée » formel en russe.