TRINITY - Tome 2 : Voir loin, c'est voir dans le passé

[ 3 ] Gymnase, dispute et glanage d'informations

 [Institut Électre Even, île de Logres, Ontario, Canada,
13 Septembre 20**,
17 H 46 ]

[ Trixie]

Avançant d'un bon pas dans les couloirs, le professeur Karl m'a demandé d'aller chercher Gabrielle et Michelle afin qu'elles se préparent pour la mission. Apparemment, ce n'est pas une très bonne idée que le professeur aille directement demander quelque chose à Michelle. Je n'ai pas encore tout saisi et on n'a pas encore voulu tout me dire, mais je crois avoir entendu une classique histoire de crise d'adolescence, de mésentente et de froid... Pour faire une crise d'adolescence à son âge, Michelle doit être plus jeune que je le pensais. À moins que ce ne soit une sorte de blague ? Qu'importe, après tout, ce ne sont pas mes affaires et je me suis assez mêlée de la vie des gens ces derniers temps, autant de vie sociale ne me ressemble pas...

Je tourne à l'angle d'un couloir, sors à l'extérieur, et agite mon haut pour créer du vent face à la chaleur extérieur qui m'attaque. Il fait encore terriblement chaud ici et j'ai hâte que les températures s'adoucissent. Alors je ne perds pas mon temps et m'avance d'un bon pas vers le gymnase. J'ai demandé un cou de main à Lilith et c'est elle qui m'a indiqué cette direction, ses Cerbères auraient croisé en chemin les filles aux cheveux bicolores. Je referme la porte secondaire menant à l'intérieur du bâtiment, passe les douches et les toilettes puis je longe encore quelques portes menant à divers salles avant de m'arrêter en entendant des éclats de voix, apparemment échaudées. « Mais t'es vraiment bornée ! C'est pas possible un truc pareil ! ». « Moi ? Bornée ? C'est l'hôpital qui se fout de la charité ? » se récrient deux voix qui me sont familières. Je fronce les sourcils, dubitative. La curiosité me pousse à reprendre ma marche à pas de loup pour arriver à l'entrée du terrain principal, celui où les marquages au sol permettent de faire, entre autres choses, du football, du hockey, du basket ou encore du handball, le tout entourés de haut gradins amovibles. Au-delà des doubles-portes ouvertes, je me risque à un coup d'œil discret. Michelle et Gabrielle sont en pleine dispute, criant et faisant des grands gestes frustrés qui chassent l'air autour d'elle.

Nan mais... qu'est-ce qui leur prend ?

― C'est quand même toi qui me laisse toute seule, sans rien me dire, pendant des mois !
― C'est encore le prof qui est venu me voir !
― Arrête de l'appeler comme ça pour commencer ! Et si tu le détestes tant, pourquoi t'accepte encore ses demandes de mission ?
― Tu sais bien que la politesse de ses demandes n'est là que pour faire bonne figure et enrubanner d'une illusion de libre arbitre ses ordres !

Je savais qu'elles n'étaient pas d'accord sur certains points qui restaient encore flou pour moi et que parfois cela jetait un froid, mais on m'avait certifié qu'à chaque fois elles se rabibochaient et qu'elles ne s'enflammaient que pour quelques broutilles.

― Tu te laisses vraiment avoir ! Ton cerveau est-il resté coincé à l'âge d'une gamine écervelée qui fait tout ce que son papa lui demande ?
― Putain, c'est petit ça ! Et toi ? Ton apparence à toi, elle permet donc de me prendre de haut et me traiter comme si je t'étais inférieure ?

Sauf que là, leurs auras sont de véritables bûchers et, vue les paroles qui fusent dans les airs, elles ne vont pas se « rabibocher » aussi facilement ce coup-ci.

― Qui est la véritable grande-sœur ici ?

Oula. Ça devient intéressant tout ça. J'ai conscience que je devrais arrêter d'écouter aux portes, partir et attendre qu'elles sortent et qu'elles se calment, mais là, ma curiosité est chauffée à blanc

― Oui, c'est toi la parfaite grande sœur, la vraie, même si le corps ne colle pas et qu'elle arrive quand même à jouer la dessus ! ironise une voix acerbe.
― Toi au moins tu peux faire des choses d'adultes, et tu pourrais très bien te comporter comme telle si tu en avais envie !