14 : Antha

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Je suis empêtrée dans mes couvertures. Je grelotte, alors je reste enfouie dedans. C'est bizarre, parce que la fièvre me ronge et ma peau est brûlante : ce n'est pas logique du tout ! Ça, c'est parce que mes blessures se sont infectées. J'ai l'esprit dans le brouillard. Je n'arrive pas à méditer correctement : mon dos me brûle et ça va dans tout mon corps, comme s'il se consumait. Dès que je bouge, même à peine, la douleur sourde eh ben, elle devient aiguë et ça me fait gémir. Ma tête va exploser, si ça continue.

Amel est assis à côté de moi. Il ne bouge pas. On dirait une statue. Je lui ai déjà dit plusieurs fois d'aller se promener, de ne pas rester là. On dirait qu'il veut absolument partager ma souffrance. De me dire qu'il ne va pas bien, lui non plus, ça me rend encore plus triste.

Padalanth et Mamlalanth sont sortis travailler dans les champs. Par contre, j'entends mes parents qui chuchotent dans le poulailler, juste à côté. Padal veut aller voir les Anciens pour leur demander de lever la sentence : il dit que je vais finir par mourir de mes blessures parce que ça fait trop de jours que ça dure. Mamlal, elle proteste : elle prétend qu'ils ne vont pas l'écouter et qu'ils risquent de faire encore pire et que, s'ils en rajoutent, ça me tuerait pour de bon ! Je crois que ma mère a raison. Les Anciens, ils détestent notre famille. Alors, Padal n'a pas beaucoup de chance d'être écouté.

Si seulement j'avais le droit de me soigner avec le feu, comme à l'accoutumée ! Je ne suis pas habituée à avoir aussi mal. La douleur m'empêche de réfléchir. J'ai juste envie de me taper la tête par terre. Que ça s'arrête !

J'entrouvre les yeux. Amel est sorti.

Le temps s'étire.

Souffrance. Chaque respiration me déchire. Je m'applique à ne surtout pas bouger. De toute façon, je n'en ai plus la force. Je n'arrive même plus à me redresser pour manger. Peu importe, je n'ai pas faim. Juste soif. Tout le temps soif. Mais boire, ça ne change rien, je crois, parce que ma gorge, on dirait qu'elle est pleine de sable.

Le soleil poursuit sa course dans le ciel, imperturbable. Je le vois par la fenêtre ouverte. Je m'imagine passer par là et m'envoler... J'aimerais bien partir loin...

Si je meurs, que deviendra mon petit frère ?

Les battements de mon cœur résonnent douloureusement dans tout mon corps, comme des coups de couteau.

Une sensation fraîche. Pas suffisante pour me faire du bien, cependant. C'est Mamlal. Elle éponge, avec un linge humide, mon front couvert de sueur. Elle a les traits tirés. Elle non plus, elle n'a pas beaucoup médité ces derniers jours. Elle prend soin de moi comme elle peut, la pauvre.

Amel revient. Il a les cheveux en bataille et l'air épuisé, mais il sourit. Il pose un petit caillou dans ma main brûlante et disparait aussitôt. Ou alors, je suis entrée dans une semi-transe sans m'en apercevoir, parce que Mamlal n'est plus là, elle non plus.

J'ai envie de faire pipi. Je sais, ça ne se dit pas, normalement, mais bon : c'est vrai. Je vais devoir y aller. Rien que d'y penser, j'ai envie de pleurer. Padal va me porter, mais je crois que même ça, ça devient au-delà de mes forces.

La porte a claqué. Je regarde, par réflexe. Dans la brume fiévreuse qui m'abrutit, je distingue une tunique blanche, sur laquelle descend une cascade de cheveux roux encadrant un visage entre deux âges. J'écarquille mes yeux de terreur.

Un Ancien !

Pas l'Adorateur, mais son Apprenti.  Il fronce les sourcils en me voyant recroquevillée près du foyer. Padal et Mamlal surgissent et m'entourent. J'ai l'impression qu'ils veulent me protéger, même s'ils ne disent rien et qu'ils gardent le regard baissé. Ça me rassure. Un peu.

AdelphesWhere stories live. Discover now