12 : Antha

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Je secoue la tête, un peu agacée : Amel est là, cette andouille ! Il m'a fait peur ! J'ai cru qu'il était vraiment parti, moi, ou que nos parents avaient perdu patience en mon absence !

Je n'ai même pas pris le temps de répondre à leurs questions : je me suis mise à courir tout de suite dehors pour le retrouver. Heureusement, il est là. Sinon, je ne sais pas ce que j'aurais fait.

Je m'assois à côté de lui. Il ne bouge pas. En tailleur, il a les yeux clos. Les poings serrés. Les sourcils froncés. Son souffle est saccadé.

— Amel... Tout va bien... Je suis revenue...

Je le vois frémir, mais il ne change rien à sa posture. Je devine ce qui se passe. Il sait que je suis là, mais il n'arrive plus à revenir au calme. Il essaie de se maîtriser. Seulement, il a peur. Il est terrorisé. Si je veux qu'il aille mieux, je dois me détendre, moi aussi. Oublier ce qui m'attend quand je rentrerai à la maison.

— Tout va bien, répété-je doucement. 

Je dis ça autant pour me convaincre que pour le calmer.

—  J'ai trouvé une solution, tu sais.

Enfin... j'espère.

J'attends un peu, mais il ne bouge pas. Alors, je remarque devant lui les cailloux qu'il aime tant. Justement... Doucement, parce qu'on dirait un petit animal aux abois et que je crains de l'effrayer, j'en prends une poignée et les secoue.

Le bruit des galets fait sursauter Amel. Il ouvre les yeux. Son regard reste obstinément tourné vers le sol, mais la souffrance que j'y lis me fait comme une grosse pierre dans le cœur. J'aurais bien envie de le prendre dans mes bras. Mais il déteste ça.

Je dois essayer d'appliquer mon idée. Si ça marche dans cette situation, possible que ça fonctionne aussi le jour du Passage. Si ça ne marche pas... Ben il sera encore temps de s'entrainer. 

Alors, je me lève. Je pose un caillou un peu plus loin.

Amel tressaille. Je l'agace, mais c'est une bonne chose : il sort de sa peur. Il se lève et va ramasser son trésor en marmonnant. Ça ressemble à des notes discordantes très bizarres.

J'avance encore d'un pas et je dépose une pierre plus loin.

Nouveau mouvement de sa part. Je ne peux retenir un frisson d'excitation.

De galet en galet, Amel traverse docilement la plaine.

J'ai envie de hurler de joie. De le serrer - encore - dans mes bras ! C'est possible ! Je peux essayer de le distraire assez avec ses cailloux pour le mener sur le bon chemin ! Je ne serai pas sur le parcours. Je peux les poser en avance. J'ai le droit !

Le dernier galet dans sa main, Amel se balance d'une jambe sur l'autre. Il fixe les reflets lumineux entre ses paumes. N'importe qui verrait un gamin boudeur mais, moi, je devine une intense réflexion. 

Je crois qu'il a très bien compris. J'aimerais pouvoir l'encourager, le féliciter, mais je le sens encore si fragile, que je crains de déclencher une crise. 

Finalement, il se rassoit et se remet à jouer. Comme si rien ne s'était passé.

Je hausse les épaules : je préfère me dire que je n'ai pas inventé tout ça.

— Reste là. Je vais rentrer sans toi. Je reviendrai te chercher ce soir... Ça vaut mieux comme ça pour aujourd'hui.

Il ne me répond pas, ne me regarde pas. Je tourne les talons. Sur le chemin du retour, je préfère vérifier que les quelques buissons sont bien couverts de baies. Mon petit frère pourra manger. Il restera surtout en paix. Je ne veux pas qu'il voit ça.

AdelphesNơi câu chuyện tồn tại. Hãy khám phá bây giờ