2 : Antha

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Je l'ai retrouvé. Il a encore oublié son foulard qui devrait lui protéger la tête du soleil. Remarquez... Il est le seul de notre village a avoir une tignasse brune. Peut-être que ça l'aide à supporter les rayons brûlants ? Moi, j'ai d'épaisses boucles rousses, comme tout le monde. Avec une peau si dorée qu'elle brille quand il fait beau, c'est à dire presque tous les jours : il ne pleut pas beaucoup, si près du désert.

Amel ne dit rien, il ne me regarde même pas. Mais je sais qu'il m'a vue et entendue. Il est très sensible alors, il a dû me repérer avant même que je n'apparaisse près de lui. Il m'a déjà fait comprendre qu'il trouve nos pas atrocement lourds.

Je m'assois près de lui et replace mon propre foulard bien en place sur ma tête. Je l'aime bien, celui-là : il est de toutes les couleurs avec une petite frange blanche. C'est Mamlal qui me l'a offert quand j'ai réussi le rite de passage des sept ans. Ce n'était pas très compliqué : il fallait que je couse moi-même une robe et que je la brode. Les travaux d'aiguilles, ça ne me passionne pas, mais je me débrouille, s'il le faut. Cependant, j'admire davantage les garçons : au même âge ils grimpent une grande tour pour prouver leur force et leur courage. Mais moi aussi, j'ai de la force et du courage, d'abord !

Amel s'est redressé. Il regarde encore le ciel.

Les rayons du soleil jouent avec des nuages tout fins. Ca leur donne un aspect de longs fils de laine vaporeux. Le vent s'est levé, ce qui ne présage rien de bon. Les Anciens disent qu'il y aura un orage, ce soir. C'est aussi pour ça, que je cherchais Amel, au lieu de le laisser tranquille.

Je regarde un moment l'horizon où apparaissent quelques rares arbres aux minuscules feuilles. Puis, je tente doucement :

— Tu sais, Mamlal et Padal s'inquiètent...

Il ne dit toujours rien, mais je m'y attendais. Amel ne parle pas. Certains disent qu'il fait exprès. La plupart le traitent d'imbécile, d'idiot, d'arriéré... et je ne préfère pas répéter toutes les autres horreurs que j'entends. Dans le meilleur des cas, on le regarde avec pitié. Moi, je pense que c'est eux qui ne comprennent rien : mon petit frère parlera le jour où il aura quelque chose d'intéressant à dire. Pas comme nous tous.

Je joue avec une longue fleur aux pétales rouges orangés. Sa tige aux feuilles lancéolées s'enroule autour de mes doigts. Je cherche le meilleur moyen d'aborder le sujet du passage sans brusquer mon petit frère.

— Je sais que tu n'aimes pas le parcours.

Il s'allonge à nouveau dans l'herbe, mais sur le ventre, cette fois. Je vois son visage tourné vers le sol se crisper. J'espère qu'il ne va pas se fâcher. C'est difficile de le convaincre de se calmer, après !

— Je voudrais t'aider à l'aimer... Mais il faudrait que tu me dises comment faire.

Je vois ses petits poings qui se crispent. Il enfouit son nez dans l'herbe et ferme les yeux.

AdelphesWhere stories live. Discover now