4 : Antha

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Amel se met à rire, soudain. Il s'assoit. Je fais pareil et j'observe, moi aussi, les poussières qui volent dans l'air. J'aime le voir heureux, bien que ce soit rare. Quand il s'amuse ainsi à attraper le vide avec ses petites mains potelées, il ressemble à n'importe quel autre bambin. Alors, je me dis qu'on va y arriver, tous les deux.

Amel s'immobilise tout à coup et fronce à nouveau les sourcils. Il ne m'a toujours jeté aucun regard. Par contre, il fixe le ciel bleu avec insistance.

Je le connais assez bien pour deviner qu'il a senti quelque chose. J'observe à mon tour les nuages : ça m'inquiète.

La brise s'est durcie, les courts cheveux d'Amel s'ébouriffent et mon foulard se gonfle. Mon petit frère se lève. Lui aussi, il est nerveux. Je me mets debout aussitôt, je sens mon cœur qui bat plus fort. Ca ne va pas. Les Anciens ont prédit un orage pour ce soir. Mais s'ils se sont trompés et que la pluie tombe plus tôt...

Le vent se lève, il emporte des tourbillons dans la plaine et couche les herbes. Des nuées noires s'amoncèlent en quelques secondes.

Je prends Amel par la main, même si je sais qu'il déteste ça.

- Viens, murmuré-je en tâchant de maîtriser ma voix assourdie par l'angoisse. Il va pleuvoir.

Il se crispe et hésite. Chez nous, la pluie tombe rarement, mais lorsque cela arrive, c'est accompagné de terribles orages qui ravagent tout sur leur passage. Ils repartent aussi vite qu'ils arrivent, mais mieux vaut ne pas se trouver en-dessous !

Le ciel s'alourdit d'épaisses ténèbres, à présent. On dirait que la nuit est subitement tombée.

Amel a le nez en l'air. Je me demande s'il cherche ses chères étoiles dans cette nuit artificielle. Il ne bouge pas, il résiste à ma main, le bougre !

Sauf que si je le brusque, il va faire une terrible crise de panique. Moi, je ne peux pas nous sortir de l'orage et le calmer en même temps ! Ca devient vraiment trop compliqué !

Alors, j'insiste, même si le vent s'engouffre dans ma robe et la fait claquer. Je suis très patiente, si je veux.

- Amel, s'il te plaît, il faut s'abriter tout de suite : L'orage arrive.

Mon petit frère ouvre de grands yeux terrifiés. Je suis soulagée : ce simple mot a suffi à le convaincre : c'est inespéré !

Vite ! Sa petite main dans la mienne, nous prenons notre course vers Evrehal.

Les lueurs du village nous guident dans les champs d'un noir d'encre. Nous foulons de nos pieds nus les lénalées fouettées par le vent. La poussière soulevée par les bourrasques brûle nos yeux et notre gorge. Je retiens plusieurs fois Amel qui manque de tomber : ses petites jambes suivent mon rythme avec difficulté.

Un roulement de tonnerre fait trembler la terre sèche.

Je prie Sol que nous arrivions à temps.

AdelphesOù les histoires vivent. Découvrez maintenant