XXII

641 23 5
                                    

« Le seul nom du juste milieu porte en soi son éloge, et dans la vie il se révèle ce qu'il y a de mieux pour tous. Car les dépassements n'amènent rien de bon. »

Médée - Euripide


Une journée. Bientôt une journée entière que le roi est inconscient dans ce lit du château de Vaugirard. Bientôt une journée entière qu'Isabelle s'est démenée à consoler les enfants.

Suite à cette tentative manquée de sa part pour la tuer et l'intervention fatale du souverain, la marquise a été ramenée au palais royal pour y être enfermée dans ses appartements jusqu'à nouvel ordre. La reine Marie-Thérèse a été prévenue et a donné l'ordre formel d'exercer une étroite surveillance.

La comtesse se trouve en ce moment au chevet de l'homme lui ayant sauvé la vie. Dieu merci que le couteau que son ancienne amante lui a accidentellement planté dans l'abdomen n'ait pas touché un point vital. Mais tout de même assez pour qu'il en soit tombé évanoui par la perte de sang.

Madame de Langlois ne peut empêcher sa tristesse et son désespoir d'éclater. Il lui semble voir comme une impression de déjà vu, il y a longtemps, lorsqu'elle avait perdu son mari puis finalement son fils. Elle se retient de frapper du poing sur le bord du lit où gît son sauveur.

Pourquoi, Seigneur ? Pourquoi faut-il que les hommes qui comptent le plus pour elle meurent ou soient blessés ? Quel péché a-t-elle donc commis pour mériter cela ? N'aurait-elle donc jamais le droit d'être heureuse ? Elle se sent maudite.

- Sire... Pourquoi ? Demande-t-elle d'une voix brisée.

- Par amour.

Isabelle se retourne vivement. Elle se jette aussitôt aux pieds de la reine, se confondant en excuses pour la blessure faite à son époux. Marie-Thérèse relève cependant bien vite sa pauvre amie et la conduit de nouveau à sa chaise.

- Ne soyez pas si sévère avec vous-même. Ce qui est arrivé n'est nullement de votre faute. Qu'il s'agisse de moi, de votre frère ou de vos amis, nous nous doutions tous que Madame de Montespan chercherait un jour à vous nuire, car votre apparition à la cour a causé sa disgrâce. Mais qu'elle agisse ainsi de la sorte n'était pas du tout prévu.

- ... Sa Majesté le savait, n'est-ce pas ? Qu'elle tenterait de me tuer ? Comment ai-je pu être aussi aveugle ? C'était pourtant une évidence qu'elle attenterait un jour où l'autre à ma vie. Alors pourquoi a-t-il fallut qu'il soit blessé par ma propre stupidité ?

- Calmez-vous, Isabelle.

- D'abord mon mari, ensuite mon fils, et maintenant notre roi... Combien d'hommes sont-ils destinés à mourir par ma simple présence ?

Madame de Langlois crie presque en travers de sanglots incontrôlables. La souveraine de France n'a d'autre choix que de l'agripper fermement au niveau des épaules pour l'arrêter dans son Mea Culpa.

- Isabelle, je vous en prie !

L'interpellée se rend à la raison, son visage dévasté tourné vers son amie.

- Je vous le répète, vous n'êtes responsable de rien. Mon époux a choisi de prendre le coup à votre place car il vous aime. Oui, ce depuis le début. Vous l'avez remis dans le droit chemin en le détournant de cette horrible femme. Vous avez pris soin de ses enfants.

- Mais il est votre mari. Je n'ai point le droit de vous faire souffrir une infidélité.

Marie-Thérèse secoue la tête.

- Je sais que vous n'êtes point ce genre de femme, ma bonne amie. Je sais aussi qu'au fond de vous, vous l'aimez. Et je ne m'opposerai pas à cette liaison car nous avons toutes deux le même désir : qu'il soit heureux. Cela ne passera que par cet amour avec vous. Et je veux aussi votre bonheur, vous qui avez souffert pendant trop longtemps.

La Comtesse du LysWhere stories live. Discover now