XVI

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« L'indécision, l'anxiété sont à l'esprit et à l'âme ce que la question est au corps. »

Chamfort


Ne lisez pas ces vers, si mieux vous n'aimez lire

Les escrits de mon cœur, les feux de mon martyre :

Non, ne les lisez pas, mais regardez aux Cieux,

Voyez comme ils ont joint leurs larmes à mes larmes,

Oyez comme les vents pour moy levent les armes,

A ce sacré papier ne refusez vos yeux.


Boute-feux dont l'ardeur incessamment me tuë,

Plus n'est ma triste voix digne if estre entenduë :

Amours, venez crier de vos piteuses voix

Ô amours esperdus, causes de ma folie,

Ô enfans insensés, prodigues de ma vie,

Tordez vos petits bras, mordez vos petits doigts.


Vous accusez mon feu, vous en estes l'amorce,

Vous m'accusez d'effort, et je n'ay point de force,

Vous vous plaignez de moy, et de vous je me plains,

Vous accusez la main, et le cœur luy commande,

L'amour plus grand au cœur, et vous encor plus grande,

Commandez à l'amour, et au cœur et aux mains.


Mon peché fut la cause , et non pas l'entreprendre;

Vaincu, j'ay voulu vaincre, et pris j'ay voulu prendre.

Telle fut la fureur de Scevole Romain :

Il mit la main au feu qui faillit à l'ouvrage,

Brave en son desespoir, et plus brave en sa rage,

Brusloit bien plus son cœur qu'il ne brusloit sa main.

Une voix qu'Isabelle ne connaît que trop bien, après bientôt deux mois passée à l'entendre, termine le poème qu'elle était en train de lire aux enfants.

Mon cœur a trop voulu, ô superbe entreprise,

Ma bouche d'un baiser à la vostre s'est prise,

Ma main a bien osé toucher à vostre sein,

Qu'eust -il après laissé ce grand cœur d 'entreprendre,

Ma bouche vouloit l'ame à vostre bouche rendre,

Ma main sechoit mon cœur au lieu de vostre sein.*

Tout son corps se serait tendu au début, ne sachant point quelle attitude adopter chaque fois qu'il rend visite à ses enfants, qui plus est sans s'annoncer au préalable. Désormais... La comtesse doit avouer qu'elle se sent beaucoup plus à l'aise avec lui. Peut-être n'aurait-elle pas dû, en revanche, lire ce poème aux petits si elle avait su que le roi viendrait les voir.

Car aussi étrange que cela puisse paraître, ce cantique en particulier lui fait penser à la situation entre eux, ou du moins les émotions qu'elle s'imagine y avoir. Quand bien même le roi ne lui jamais ouvertement fait la cour, elle devine pourtant bien sa manière subtile de faire les choses. Et si elle doit être honnête avec elle-même, elle apprécie qu'il la respecte ainsi et ne tente pas de brusquer leur relation.

La Comtesse du LysWhere stories live. Discover now