Il rabattit sa capuche par dessus son visage et se terra encore plus dans son petit coin.

Sa côte lui faisait mal, mais il n'avait pas d'autre choix que de souffrir. Dans le bus, le chemin lui avait paru extrêmement long, et il s'était endormi, manquant de louper son arrêt. C'était une vielle dame, dotée d'une canne et d'une robe longue à fleurs (hideuse par ailleurs) qui était venue lui taper sur l'épaule et le sortir de son sommeil mouvementé. Il l'avait brièvement remerciée avant de se rendre compte qu'elle avait vu son visage.

A peine avait-il eu le temps de se retourner et de rebrousser chemin, qu'elle avait disparu.

Il ne pouvait pas se rendre à l'hôpital, car dès qu'on verrait sa blessure à la mâchoire, on la signalerait, et il n'avait aucune envie d'attirer la police.

Il était face à un mur.

Face à plusieurs murs épais et consolidés.

Billy, Eddie, Lizzie.

Il ne savait pas ce qui était arrivé aux trois, et pourtant, c'était comme s'il s'en doutait déjà.

Ces journalistes qui avaient énoncés les faits, une pointe d'humour dans la voix et avec très peu d'investissement, avaient fini par le mettre en rogne et il rêvait d'envoyer son poing dans l'écran de vingt centimètres du minitel.

Mais il n'avait aucune envie de se faire remarquer, et encore moins de finir à nouveau au poste de police, après avoir reçu un coup de poing en pleine face.

Quand il sortit du bar, il jeta des coups d'oeil de gauche à droite et remonta l'allée avant de tourner dans un angle et de pénétrer dans le hall d'un hôtel. Il emprunta l'escalier et au deuxième étage, il inserra la clef dans la serrure de la chambre numéro vingt et une. Ce n'est qu'une fois à l'intérieur, enfermé, qu'il retira son sweat et qu'il sortit son arme de sa ceinture pour la mettre dans le tiroir de la table de chevet.

Il traversa la chambre avec le lit double et ferma la porte de la salle de bain derrière lui. Il s'assit sur les toilettes fermées et sortit son portable.

"J'ai besoin de te voir, est-ce que tu peux me rejoindre au café des vacances à Denver?"

Il retourna son smartphone et s'appuya sur la vasque.

Il faisait peur à voir, vu d'aussi prêt on aurait dit qu'il sortait tout droit d'un film d'horreur, même si ses plaies avaient arrêté de saigner depuis un temps, le sang séché autour, formait une croute affreuse et le démangeait.

D'un geste vif, il ouvrit l'armoire à pharmacie et fouilla à l'intérieur. Il imbiba du papier toilette de désinfectant et s'en versa directement sur le front et la mâchoire, sans se retenir de serrer les dents et de grogner. Il sortit la petite trousse noire enfouie au fond de son sac vert kaki et trouva une aiguille et du fil.

Chaque point lui faisait un mal de chien et il avait terriblement chaud. Encore plus qu'après un footing, mais ses yeux, ne pouvaient se détacher de son propre reflet, et à chaque point, il y allait plus violemment, et plus lentement. La douleur il se l'était appropriée, mais cela n'empêchait pas qu'il la ressentait, et là, c'est tout ce qu'il voulait. Ressentir autre chose que la haine, la culpabilité et la détresse. La détresse d'être retombé dans le cauchemar d'Argentine. La culpabilité d'avoir causé la mort de son meilleur amie et de son ancien camarade de classe. La culpabilité d'avoir abandonné Lizzie à son sort et de ne jamais avoir annoncé le mot de passe.

Des putains de mots, qui auraient pu changer toute la donne. Rien de tout cela ne se serait passé s'il n'avait pas tenu tête, et il aurait pu s'en sortir. Après tout, c'était ce qu'il s'était passé, Billy avait réussi à s'échapper, alors qu'il avait échoué au dernier examen, et en s'évadant de la forteresse qu'était la SAF, il avait signé son arrêt de mort, mais permis aux autres recalés de retrouver espoir d'avoir à nouveau une vie.

Remember Me? (Buddie)Where stories live. Discover now