Remember Me? (Buddie)

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Ses doigts tournaient autour du cercle sans jamais franchir le pas.

Le liquide marron tremblait de temps à autre quand son ongle percutait le verre et il se figeait, jusqu'à ce qu'il devienne parfaitement stable de nouveau avant de reprendre sa danse infernale.

Ça faisait une éternité qu'il était assis ici, mais une toute autre éternité qu'il ne s'y était pas assis. Seul.

Il avait passé le début de la soirée à fixer le mur en face de lui et quand le serveur avait fini par le menacer de l'expulser, il avait finalement accepté un verre. Mais il ne l'avait pas touché, et il ne le ferait pas.

478 jours.

C'était un décompte totalement stupide puisque c'était pour une raison dérisoire, mais à défaut de faire partie de ceux qui comptent leurs jours sans, lui avait décidé de compter ses jours avec. Et ça faisait 478 jours qu'il n'avait plus réussi à arrêter de compter. Il ne cherchait pas à battre un quelconque score ou à se prouver quelque chose, mais en 478 jours, aucun d'eux n'avaient réussi à lui faire prendre conscience de ce qu'il se passait ou n'avait pu le faire arrêter.

Et aujourd'hui il hésitait face à ces trois centilitres de Rhum orange.

Ça n'était pas parce qu'il ne voulait plus et qu'il s'était repris en main, mais parce qu'il savait qu'une fois lancé, il ne pourrait plus penser convenablement, ni même comprendre ce qu'il faisait. Et il voulait encore quelques minutes de liberté durant lesquelles il pourrait au moins prétendre avoir encore un peu de contrôle sur sa vie.

Son téléphone posé écran contre le bar, n'avait pas sonné les deux premières heures, et c'est plus après 23 heures qu'il avait commencé à se réveiller. C'est seulement à cette heure qu'Evan décida de boire.

Parce qu'il savait qu'il aillait lui falloir de la force pour affronter la journée de demain, et encore plus pour affronter ses anciens camarades.

Qu'étaient ils réellement devenus et qu'était -il lui même?

Dans sa tête, il se répétait incessamment son texte pour tous les scénarios qu'il s'était imaginés, et aucun d'eux ne se terminaient joyeusement. Face à ces sourires forcés, ces visages vieillis, ces preuves d'une vie réussie, d'une future maternité ou d'un futur mariage, comment pouvait-il même songer à s'y rendre alors que lui, n'avait rien fait de sa vie?

Raconter des anecdotes de voyage, des souvenirs d'Argentine ou des histoires sur les autochtones n'intéressait pas ce genre de personnes, et Evan, avait surtout envie d'arrêter de mentir.

Son estime de lui même avait été faussée pendant si longtemps et il s'en était rendu compte, alors qu'est ce qui lui disait que demain on se ficherait pas de lui aussi?

Il n'avait aucun preuve que qui que ce soit se souvienne de lui ni qu'il en ai réellement besoin, mais il s'avérait qu'il y croyait encore suffisamment pour se persuader d'au moins y jeter un œil. Et l'idée lui tournait dans l'esprit depuis un moment et lui donnait la migraine. Chose qui ne s'améliorerait pas avec ce verre.

-Je te sens un peu triste mon chou, chuchota une voix au creux de son oreille.

Il ne daigna pas tourner la tête, sentant déjà l'odeur de parfum pour masquer les effluves de cigarette, et entendant déjà le claquement des aiguilles de ses talons sur le parquet creux. Il ricana, amer.

Les odeurs de crevettes flambées dans la petite paillote sur la plage croissant et les ananas autour des verres de cocktails colorés. L'alcool qui lui montait au crâne et qui faisait tourner le monde autour de lui. Ou plutôt, c'était lui qui tournait autour du monde.