— Olivier ? m'étonné-je. Comment vas-tu ?

Il lève les yeux au ciel et croise les bras sur son torse.

— D'après toi ? rétorque-t-il, sarcastique.

— Hum, oui, j'ai... appris la nouvelle.

— Bien entendu, ajoute-t-il. Je suppose que tu n'y es pour rien.

Il ne me laisse pas le temps de répondre et se tourne, soudain affable, vers Stéphane pour lui tendre la main.

— Enchanté, claironne-t-il. Je suis Olivier.

— Stéphane, de même.

Olivier entrouvre les lèvres pour poursuivre la conversation, mais il n'en fait rien. Son regard s'accroche à celui de Stéphane, il semble déstabilisé une seconde, puis se reprend.

— Vous avez des yeux... fabuleux, s'exclame-t-il.

Stéphane glousse alors que j'ai envie de me claquer le front.

— Merci, répond-il. On me le dit souvent.

Mes iris s'attardent sur leurs mains toujours liées et je soupire. Olivier est tellement tordu qu'il serait capable de faire du gringue à la personne qui m'accompagne pour m'enquiquiner.

Je me racle la gorge.

Olivier sursaute, se tourne vers moi, agacé. Il prend une inspiration pour, sans doute, me dire des gentillesses, mais il s'arrête net, jette un coup d'œil à Stéphane et souffle, comme s'il se résignait.

— Eh bien, bonne fin de soirée, dit-il enfin. Stéphane, j'ai été charmé.

Je m'apprête à lui répondre, mais il est déjà parti, aussi vite qu'il est apparu. Je suis littéralement sur le cul.

— C'était... improbable, chuchote Stéphane. Et intéressant.

— Oui, il est un peu... en fait, je ne le connais pas beaucoup.

Le silence s'installe sur notre table. J'avais trouvé le courage de parler à Stéphane, mais Olivier m'a interrompu et à présent, je ne me sens plus la force de continuer. Je me fais l'effet d'être le pire des salopards, un vrai lâche.

— Donc, reprend Stéphane. Nous en étions où ? Oh oui, ce que tu attends.

Lui en revanche, est bien du genre à mettre les pieds dans le plat. Heureusement que l'un d'entre nous a des couilles.

— À vrai dire... c'est difficile de poser des mots sur ce que je ressens, mais je ne peux pas te faire espérer plus longtemps.

— Je ne sais pas ce que tu as en tête, répond-il, mais je vois bien que quelque chose t'empêche de profiter des instants que nous partageons. Tu te montres proche de moi et soudain tu deviens distant, tu décroches de nos conversations, tu sembles parfois ailleurs. Nous avons passé de très bons moments ensemble, cependant quelque chose se met entre nous. Je pensais que ça disparaîtrait, mais visiblement, ça se renforce.

— Comment fais-tu pour me comprendre mieux que moi ? soufflé-je.

— Je t'observe, je suis attentif à toi.

J'expire un grand coup et décide de me lancer, une bonne fois pour toutes.

— Je ne vais pas te mentir, je te respecte trop pour te faire cet affront.

Il fronce les sourcils et s'accoude de nouveau sur la table, prêt à m'écouter. Je lui avoue alors tout ce qui me trotte dans la tête, tout ce que j'ai sur le cœur. Je lui parle de mes attentes, de mes envies, de mes manques, de mes doutes. Puis de celui qui me poursuit sans cesse et que je n'ai jamais cessé d'aimer. J'ose lui confier qu'il y a un autre homme dans mon esprit et dans mon cœur.

Une fois fait, Stéphane ferme les yeux et se pince le nez.

— Je suis quoi, moi, dans tout ça ? Une manière de passer à autre chose ? Un jouet ?

— Une merveilleuse rencontre, un homme incroyable. J'ai cru avec sincérité qu'entre nous c'était possible. Je n'ai pas joué avec toi et j'ai vraiment failli tomber amoureux de toi. Seulement...

— Seulement...

— Oui, je suis désolé.

— Moi aussi. Ça faisait longtemps que...

Il s'interrompt et interpelle le serveur pour lui demander l'addition. Je crains qu'il parte sans terminer sa phrase, sans vider son sac. J'ai si peur de ne jamais le revoir.

— Je comprendrais que tu me détestes.

Il reporte son attention sur moi. Ses traits sont tirés, tout son corps, tendu. Quant à moi, je me sens misérable.

— Ce n'est pas le cas, répond-il. J'en serais bien incapable.

La note apparaît sur la table et le serveur nous dit je ne sais quoi, mais je m'en fous comme de l'an quarante.

— Nous ne sommes plus des gamins, Thierry, et j'aimerais réagir avec plus de maturité, mais je suis blessé. J'ai cru en nous et toi, tu pensais à un autre. C'est un raccourci un peu facile, je le sais et je suis conscient que ce n'est pas simple pour toi, mais je vais avoir besoin d'un peu de temps pour digérer toute cette histoire.

— D'accord, je comprends.

Il tend la main vers l'addition, mais je suis plus rapide et m'en saisis. Nos yeux se captent, il m'adresse un doux sourire, hoche la tête et se lève. Il enfile sa veste et s'en va, sans un mot de plus.

Je viens de mettre un terme à une relation idéale, avec l'homme parfait. Bien que je sache que j'ai eu raison, mon ventre se serre et ma gorge se noue douloureusement. Je n'ai aucune certitude que Philippe voudra de moi, j'ignore si son amour pour moi est réel, mais il y a une chose dont je suis certain. Personne ne mérite d'être la roue de secours, un choix de substitution. Stéphane mérite d'être aimé pour ce qu'il est, pour ces qualités et l'homme extraordinaire qu'il est, par parce qu'il semble pouvoir offrir un avenir serein à un pauvre bougre un peu paumé.

Il s'en remettra et trouvera la personne qui saura l'aimer à sa juste valeur.

Et moi ? Retour à la case départ. J'attends de voir ce que la vie me réserve et j'espère que ce sera beau et grand.

***

Et voilà la suite! Je n'ai pas vraiment trouvé de solution à mon problème, donc je publie la suite telle qu'elle était écrite. J'espère qu'elle vous a plu.

Thierry a donc fait son choix. Choix qui était évident à mes yeux dès l'écriture du premier chapitre. Il va falloir à présent que Philippe bouge son popotin...

Je vous embrasse fort

Séverine

❤❤❤

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