Le Baron & La Princesse

Chapitre 3

Les jours passèrent et le bal restait encore sur toutes les lèvres. La fille du vicomte Brainer avait laissé un homme en plein milieu de la piste. Selon le jeune homme, elle était folle à lier et perdait sa patience très vite. Selon d'autres, le cavalier aurait insulté les femmes et leurs conditions. Sur les lèvres étaient aussi la danse de la princesse Claire avec le prince de Norvège. Tous avaient trouvé qu'ils formaient un joli couple. Tous, sauf une certaine baronne du Cheshire.

– Quand je pense que tu aurais pu tirer avantage de ta danse avec elle. Ou même du fait que tu l'as cachée, se lamenta la mère de James.

La famille d'Egerton était réunie dans le salon. James en train de lire le journal quotidien, sa petite sœur, Aliénor, en train de jouer du piano et leur mère en train de faire les cent pas dans la pièce. Leur père était parti depuis le début de matinée dans son bureau pour gérer son petit domaine. James soupira, et sans quitter des yeux son journal, dit d'une voix monotone :

– Je ne pense pas qu'il eut été judicieux de profiter de la situation étant donné que la princesse avait beaucoup de mal à échapper au prince.

– Comment est-elle ? La princesse, demanda Aliénor en s'arrêtant de jouer et en se tournant vers lui.

James la regarda et soupira avant de se replonger dans le journal. Aliénor, bien décidée à en savoir plus, courut jusqu'à lui, s'agenouilla sur le sol et attrapa le genou de son grand frère. Elle tenta de l'amadouer avec un visage enfantin et James lâcha son journal et se pencha en avant.

– La princesse Claire est petite, blonde et avait une très belle robe hier. Il ne manquait plus que la couronne et là, tu l'aurais beaucoup enviée.

– Elle est gentille ?

– Je crois que c'est la jeune femme la plus gentille que je connaisse. Après toi, bien entendu. Comparé à toutes celles que mère m'a présenté, elle était un ange.

– Tu es amoureux ? demanda innocemment Aliénor.

James rit doucement et secoua la tête négativement avant de répondre.

– Pour être amoureux, très chère petite sœur. Il faut avoir côtoyé pendant plusieurs jours voire plusieurs semaines la jeune fille en question. Et cette princesse, je ne la reverrai plus jamais de ma vie.

A ce moment-là, un majordome se présentant dans le salon et s'inclina devant la famille. Il s'avança jusqu'à la baronne et tendit un plateau avec dessus une enveloppe. La baronne prit délicatement l'enveloppe blanche et regarda le cachet. Un « O » apparut sur ses lèvres et elle montra l'enveloppe à ses enfants en pointant du doigt le cachet.

– C'est le cachet royal. Vous rendez-vous compte ? Nous avons reçu une enveloppe avec le sceau du roi d'Angleterre !

– Elle vous est adressée ?

Sa mère retourna l'enveloppe pour voir le nom qui était écrit et ouvrit encore plus grand la bouche. En soupirant, elle tendit la lettre vers son fils avant d'aller se rasseoir pour commencer à broder tout en jetant des coups d'oeil à James. Ce dernier après avoir attrapé la lettre, la fit tourner entre ses doigts en réfléchissant s'il devait la décacheter ou non. Au bout d'un moment, il se décida à l'ouvrir et la parcourut rapidement.

Monsieur d'Egerton, fils du baron et de la baronne de Cheshire,

Vous êtes convié à une garden-party avec votre famille, le samedi 30 juin 1820,à 14 heures 30 précises. La famille royale vous accueillera dans les jardins de Buckingham.

– Que dit-elle ? demanda innocemment sa mère non sans lâcher des yeux son travail.

– Une invitation pour la garden-party, samedi après-midi.

– Si ce n'est pas merveilleux ! Garde précieusement cette lettre avec toi, elle nous servira de passe-droit pour entrer au palais. Oh la la, il faut que je trouve une nouvelle robe pour Aliénor, et pour moi. Peut-être une nouvelle livrée pour toi.

– Mère, inutile de dépenser de l'argent pour moi. Je m'habillerai de la même manière qu'au bal.

Mais la baronne de Cheshire ne l'écoutait plus et était déjà sortie de la pièce, pour préparer la garden-party. James fit tourner l'enveloppe pendant quelques minutes tout en fixant un point sur le sol, perdu dans ses pensées. Plusieurs questions se bousculaient dans son esprit. Pourquoi la princesse désirait-elle le revoir ?

***

Un majordome entra dans la salle à manger où la famille royale prenait leur déjeuner. S'inclinant devant eux, il expliqua à la princesse que la lettre d'invitation pour la fête avait bien été remise à la famille d'Egerton. Avec un grand sourire, Claire le remercia et il prit congé. Maria-Anne, sa mère, s'arrêta de manger et la regarda surprise.

– Vous avez invité un ami à vous ma chérie ?

– Tout à fait, répondit Claire en reprenant son déjeuner, je l'ai rencontré au bal et je l'ai trouvé très charmant.

– Mais vous savez qu'il se sentira bien seul étant donné qu'il y aura des familles de duc, marquis et même des princes.

– C'est pour cela que j'ai invité toute sa famille. Il ne sera pas trop dépaysé comme cela.

Maria-Anne lâcha ses couverts et chercha le regard de son époux pour qu'il dise quelque chose à sa fille. Le roi, qui était en train de lire tout en mangeant, ne jeta même pas un regard à sa femme.

– Mais enfin, allez-vous dire quelque chose à notre fille concernant son agissement ?

– Et que voulez-vous que je dise Maria ? Notre fille s'est fait un ami, grand bien lui fasse. Au moins, elle connaîtra quelqu'un.

La reine souffla fortement et fit les gros yeux à son mari avant de regarder sa fille. Claire avait un grand sourire en entendant son père dire cela. Il avait raison, elle avait invité James justement parce qu'elle pourrait éviter le prince de Norvège et ainsi mieux connaître son sauveur. Lors du bal, il ne l'avait pas du tout laissée indifférente. Elle se leva, fit le tour de la table et embrassa son père sur la joue avant de partir de la pièce en prétextant qu'elle devait préparer sa robe pour samedi.

– Mon ami, nous allons devoir avoir une discussion concernant l'avenir de votre fille.

– Ah parce qu'elle n'est que ma fille à présent ?