Cauchemar et Châtiment

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– Mais t'es qui toi bordel !? !

– Mais papounet, c'est moi.

Le petit enfant projeta son enthousiasme sur le lit, repoussa maladroitement une mèche de cheveux bruns qui lui cachait les yeux et entreprit de serrer l'adulte dans ses bras. Ce dernier se releva contre le mur, dans un effort désespéré pour se tenir loin du petit.

– Mais, mais dégage de là, espèce de petit merdeux !

L'adulte, Nacer, jetait des regards paniqués autour de lui. Il scannait en parallèle la chambre pour vérifier qu'il s'agissait bien de la sienne et la soirée de la veille à la recherche d'un indice sur la présence de ce gamin.

Première bonne nouvelle : il se trouvait dans sa chambre, celle dans laquelle il dormait depuis... depuis combien de temps ? Impossible de s'en souvenir mais il reconnaissait son lit, ses meubles. Une chambre de célibataire : un passage pour les femmes, certainement pas pour les enfants.

– Papounet !

– Papounet mon cul !

Et Nacer debout sur le lit, sans couette, nu se retrouva avec l'enfant à hauteur de son sexe. L'enfant qui continuait à vouloir se serrer contre lui.

– Tu vas te barrer de là ! le repoussa Nacer.

Nacer ajoutant à l'angoisse de découvrir cet enfant inconnu, la peur de se faire embarquer pour pédophilie, se rua dans la salle de bain, saisissant son téléphone au passage. Il choisit quelques vêtements sales dans la corbeille à linge, tandis que le gamin pleurait de l'autre côté de la porte. Il se passa un peu d'eau sur le visage, vérifia que sa tête ne présentait ni contusions ni traces anormales et reprit son analyse de la soirée de la veille. Un resto un peu arrosé avec Alex, mais rien de délirant. Quelques verres, rien de plus, et Nacer, des verres, il pouvait en enquiller avant de sombrer dans le coma éthylique. Ils s'étaient bien embrouillés, il revoyait Alex lui faire la morale sur... sur quoi, le pardon, l'oubli ? L'alcool parasitait le souvenir. Rien de méchant, ou d'inhabituel. Ensuite retour chez soi, un peu de lecture et au lit. Rien qui justifie de se retrouver avec un chiard sur son pieu.

– Papa, papa !

Les cris de l'enfant lui vrillaient les oreilles. L'empêchaient de se concentrer, de chercher une explication plausible. Et surtout, ils augmentaient la panique qui commençait à monter. Parce que ça sentait presque l'enlèvement cette histoire. Une seule solution, reprendre les choses en main, respirer et agir calmement :

– Ferme ta gueule ! Ferme ta putain de gueule.

– Mais...

– Mais tu fermes ta gueule, t'as compris !

Les hurlements de Nacer intimidèrent le petit qui réagit en pleurant plus fort.

– Si c'est pour m'amadouer, t'es mal barré. C'est pas un pignou de morveux qui va me filouter, je te le dis tout de suite. Je ne veux plus t'entendre !

Les sanglots redoublèrent, plongeant Nacer dans un état d'hébétude accentuée. Il dut se rendre à l'évidence : crier sur le problème ne le repoussait pas mais l'aggravait. Autant l'affronter directement. Il ouvrit la porte et le gamin se rua contre lui, le visage défiguré par les larmes, la peur :

– Oh mon papa, mon petit papa.

Nacer laissa l'enfant se serrer contre sa jambe songeant qu'au moins pendant ce temps-là, il pouvait réfléchir. Mais la réflexion ne suffirait pas sur cette histoire. Le môme avait dû s'introduire chez lui. Mais par où ? Et surtout pourquoi ? Il ne se souvenait pas d'avoir jamais croisé le merdeux dans l'immeuble, ni même dans sa rue. Alors ? Alors rien du tout, il devait appeler la police.

Nouvelles noires pour se rire du désespoirOù les histoires vivent. Découvrez maintenant