Putain de cafetière

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Patric ouvrit les yeux brusquement. Il était en retard. La luminosité était trop forte pour qu'il soit six heures trente du matin. Il regarda sa montre sur sa table de chevet. Huit heures moins le quart. Merde ! Il observa le réveil, le regarda méchamment, nota mentalement qu'un réveil ne pouvait s'émouvoir de la façon dont on le regardait, mais n'en continua pas moins. « Saleté de réveil » pensa-t-il. Saleté de putain de réveil !

Il aurait dû venir avec son réveil. Il n'aurait pas été obligé d'utiliser le réveil de sa fille. Ce machin luminofluorescent qui, au lieu d'émettre un bon vieux « dring », chantonne des airs d'oiseaux stupides sur fond de musique d'ascenseur à consonance pseudo orientale. Patric ne comprenait pas comment le régler. Il avait passé deux heures la veille à tenter de déchiffrer le fonctionnement de cette machine infernale. Sa fille lui avait juste indiqué « Tu verras, c'est super facile ». « Même pour toi ! » avait-elle ajouté dans un petit rire.

Résultat, il avait plus d'une heure de retard. Patric n'aimait pas se presser. Se presser le stressait et Patric n'aimait pas le stress. Il se posa sur le lit, respira lentement. Il était ridicule de se mettre dans un état pareil pour un stupide réveil. Pourtant, il ne pouvait s'empêcher d'y jeter des petits coups d'œil. Il continuait à le regarder avec reproches. Un réveil, ça se remonte avec une petite clef, on donne une dizaine de tours, on déplace la petite aiguille sur la bonne heure, et on est réveillé par un bon vieux « dring ». Ça devrait être comme ça, un réveil.

« Je vais me faire un bon café, ça ira mieux ». Arrivé dans la cuisine, il repéra la machine, les filtres et la boite de café. Son sourire revint. Une machine à café classique. Il posa un filtre, versa quelques cuillérées de café, mit l'eau dans le réservoir. Il était en terrain connu.

Au moment d'appuyer sur le bouton pour déclencher l'écoulement d'eau, il constata que cette machine n'avait pas de bouton. Pas d'interrupteur. Mais il y avait un écran sur le côté.

– Bordel, mais c'est une blague. Même les cafetières ont des écrans maintenant ?

Et il leva la tête, prit la cuisine à témoin :

– Mêmes les cafetières sont des ordinateurs ?

Personne ne lui répondant, il reprit son activité. Il observa l'écran : sans surprise, il contenait plein de boutons virtuels. Prog, Auto, Min, Supr ? Qu'est-ce que c'était que cette histoire ? Patric voulait juste un café ! Un bon café pour se détendre, démarrer du bon pied une bonne journée. Où est le manuel de ce truc-là ? Il ouvrit les tiroirs, placards, rien.

Voilà bien quelque chose qui le dépassait : sa fille possédait une cafetière électrique qui nécessitait visiblement un permis pour l'utiliser, et il n'y avait pas de mode d'emploi. Où était le livret de 50 pages minimum qui expliquait comment se servir de ces 4 boutons cabalistiques ? De quel cerveau malade cette cafetière avait-elle surgi ?

Chez lui, il aurait pris ses grains de café, les aurait mis dans son moulin. Il aurait tourné la manivelle plusieurs fois, aurait déposé le café dans le filtre, versé l'eau et appuyé sur LE bouton.

Il pouvait peut-être demander à sa fille comment se servir de sa cafetière. Tant pis s'il la réveillait, elle n'avait qu'à avoir des machines normales. Il frappa à sa chambre, finit par ouvrir. Elle n'était pas rentrée. Tant pis, il allait l'appeler.

Il retourna dans la chambre prendre son téléphone portable. Comment s'allumait-il déjà ? Ah oui, le bouton vert. Il appuya sur le bouton vert, l'écran s'illumina. Il appuya de nouveau et le numéro de Chantal apparut. Chantal ? Il ne voulait pas appeler Chantal, il voulait appeler sa fille : Emma. Trop tard. Il entendit la voix de Chantal.

Nouvelles noires pour se rire du désespoirWhere stories live. Discover now