Trop con pour être père

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« Vous êtes trop bête pour avoir un enfant. Je n’y suis pour rien, les résultats sont formels ».

Ethan fixait la bulle holographique en face de lui, plus précisément le petit homme qui y trônait. Il savait par expérience qu’il ne gagnerait rien à s’énerver, à frapper la bulle ou à l’insulter. Aussi fut-il le premier navré lorsqu’il hurla :

– Vous vous foutez de ma gueule ! Non mais vous foutez de ma gueule. Trop bête pour avoir un enfant ? Ça veut dire quoi ? Que je ne saurais pas où mettre ma queue. C’est ça ? Je suis trop bête pour trouver le trou ?

– Monsieur, calmez-vous.

Ethan envoya un grand coup de poing dans la bulle. Cela fit, à peine, scintiller l’image et, tout de même, lever les yeux à l’employé.

– Vous pouvez y aller, je ne pense pas que cela vous aide à obtenir votre permis.

– Mon permis, mon permis, je t’en foutrais des permis, éructa Ethan en continuant à alterner droite, gauche et uppercut contre la représentation virtuelle du petit employé.

– Un petit employé de merde qui m’explique que je suis trop bête.

Le petit employé était bien conscient d’avoir une tête de petit employé. Tous les matins lorsqu’il se levait, il observait son visage et n’arrivait toujours pas à croire ce qu’il voyait. Comment pouvait-on avoir un physique aussi caricatural, aussi conforme à la position qu’on occupait dans la société ? Il avait tenté de s’en extraire. Mais quelles que soient les modifications, il continuait à ressembler à un petit employé. Lorsqu’il avait laissé pousser un bouc, porté des lunettes à la mode, ajouté une boucle d’oreille, il n’avait fait qu’ajouter le ridicule. Il avait abandonné et s’était conformé à ce qu’il était mais il en souffrait toujours autant. Alors voir ce type qui avait obtenu 29 sur 100 au test d’enfantement l’insulter le peinait et l’énervait.

– Monsieur, vous aggravez votre cas ! Je vais devoir faire un rapport et votre score va baisser.

Ethan, las de boxer un hologramme, demanda :

– Ah bon ? Ça fait de moi quelqu’un de plus con de vous coller des tartes virtuelles ?

Le petit employé aimait bien, d’une manière générale, mettre les points sur les « i ». Mais avec certains usagers, le plaisir devenait corvée.

– Monsieur, votre score, déjà très bas de 29 sur 100 ne prend pas en compte que votre intelligence. Il mesure aussi, pour le bénéfice de toute la société le quotient émotionnel.

Ethan sourit.

– Oui, me prenez pas pour plus con que ce que dit le test. Je connais le principe.

– Eh bien si vous connaissez le principe, s’agaça le petit employé, vous devez savoir et comprendre, il insista sur comprendre, que votre démonstration d’agressivité ne plaide pas en votre faveur.

Ethan, toujours furieux, regardait dans son appartement s’il pouvait casser quelque chose. Ne trouvant rien (trop petit ou trop cher), il demanda :

– Mais putain, je suis trop con ou trop méchant pour avoir un enfant dans votre société de merde ?

Ajustant ses lunettes, vestiges d’une époque révolue, qui donnait un style au petit employé, du moins l’espérait-il malgré tout. Et c’était vrai, elle renforçait l’aspect « petit employé » du petit employé.

– Monsieur, il ressort du test que vous êtes, a priori, plus bête que méchant. Mais votre petit numéro m’inclinerait à demander des épreuves complémentaires. Il se pourrait tout à fait que vous soyez aussi bête que méchant.

Nouvelles noires pour se rire du désespoirWhere stories live. Discover now