[ chapitre 26 ]

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—  Petit con, siffla Cyril en rechargeant précipitamment son arme.

Il tira à nouveau mais la balle heurta violemment une paroi avant de ricocher. Le rouquin l'évita de justesse et s'approcha. Derrière le bureau en acier, Sofyan riait nerveusement en essayant de calmer les pulsations de son cœur. Il venait de compromettre tout le plan en faisant exploser cette partie du bâtiment, et maintenant, c'était sa vie qui était compromise. Quant au jeune garde, il hésitait entre s'approcher pour en finir et courir pour rejoindre les autres afin connaitre l’ampleur des dégâts. Son cerveau tournait à cent à l'heure. Il carburait si vite qu'un violent mal de crâne le prit, et il ne fit rien. Ses mains serraient son arme et sa langue crachait des insultes mais il ne bougeait pas. Ses pieds refusaient de choisir une direction. La pièce était silencieuse mais l'atmosphère restait étrangement légère.

Finalement, un nouveau cliquetis retentit. Une sueur froide parcouru le dos de Cyril, qui baissa lentement son arme avant de se retourner. Amine le visait de son fusil. Le simple regard du jeune homme fit déglutir Cyril, qui leva les mains en l'air.

—  À quoi tu t'attends, railla Amine en faisant un pas. J'vais en finir avec toi.

Au son de sa voix, Sofyan sentit un soulagement profond. Le poids et la peur qui pesaient sur ses épaules s'envolèrent et il se redressa brusquement.

—  Amine !

—  Pas maintenant Sofyan, t'as foutu un sacré bordel.

Amine ne lâchait pas sa cible du regard. L’œil toujours posé près du viseur, il sentait son index qui le démangeait. Sofyan haussa les épaules. C'est vrai, il avait mal improvisé. Toutefois, il ne tenait pas à être témoin de la mort du roux. Certes c'était un sale rat fouineur et arrogant, mais de toutes les personnes qu'il connaissait, c'était celui qui l'amusait le plus. Il contourna alors la scène, se collant aux murs et évitant de trop approcher Cyril.

—  Au pire, finit-il par dire alors qu'il avait déjà un pied dans le couloir, tu l'empêches juste de marcher..

Il récolta un regard noir venant de son collègue.

—  Tu te fous de moi ? On va pas tous leur tirer dans les jambes histoire de s'enfuir pénard.

—  Ouais non pas tous..

—  Alors j'le bute.

Cyril ne disait rien. Il observait l'échange sans bouger, chassant à plusieurs reprises l'idée de leur tirer dessus et de s'enfuir. On pouvait apercevoir les oreilles d'Amine frissonner au moindre bruit et Cyril pouvait être sûr qu'il capterait le moindre petit mouvement, si infime soit-il.

—  On peut s'en servir d'otage.

—  Mais putain Sofyan !

Là, Amine avait soudainement relâché la pression. Il se retourna complètement vers son ami pour lui crier de se taire mais il eut la maladresse de baisser son arme. Le rouquin ne perdit pas une seconde et reprit la sienne en main. Les deux rebelles comprirent bien vite leur erreur quand ils durent se jeter derrière un mur et une chaise pour éviter les balles. Sofyan avait réussi à sortir de la pièce et ne retenait plus son souffle erratique dans ses poumons. Les coups de feu se répondaient inlassablement de l'autre côté de la porte. Sofyan ne put s’empêcher d’espérer que cet échange continue. Au moins, cela signifiait qu'aucun n'avait tué l'autre.

Malheureusement la fusillade ne venait pas uniquement de la salle de contrôle. On pouvait entendre, en tendant l'oreille, que l'on se battait de partout.

L'explosion avait dû causer déjà un grand nombre de morts, soupira Sofyan. Mais il y avait des survivants et il fallait qu'il aide. Après avoir jeté un dernier coup d’œil à la plaque indiquant « contrôle » sur la lourde porte qui le séparait des deux autres, il s'enfuit.

Mais Sofyan paniquait. Il avait laissé un de ses meilleurs amis se battre en fuyant. C'était lâche, il s'en rendait bien compte. Dans sa course, aveuglé par les remords, il heurta violemment un garçon qui se pressait vers l'autre bout du couloir. Sofyan s’apprêta à se jeter sur lui pour lui voler son arme et sauver sa vie mais une voix l'interpella :

—  Sofyan ?! Qu'est-ce que t'as foutu ? J'vais te tuer, je te jure que je vais te tuer !

C'était Charlie. Un large et mielleux sourire s'étendit sur les lèvres du bouclé encore secoué et il relâcha le jeune homme.

—  Chérie, c'est Cyril qui m'a attaqué, bredouilla-t-il. Amine s'en occupe.. enfin il est en train.

Évidement, il se garda bien de raconter à sa cheffe qu'il était le responsable de ce contre-temps. Quand il avait vu qu'Amine s’apprêtait à tirer sur le roux, il l'avait vu mort avant même que son ami ne le descende. Cette vision lui avait retourné l'estomac.

Alors que Charlie tirait Martin pour reprendre leur course, Sofyan croisa le regard du jeune homme sur qui il avait foncé. Sa mâchoire se décrocha. Debout devant lui, se tenait fièrement -et très légèrement inquiet- Maxence.

—  Sapristis !

Le survivant aux cheveux clairs esquissa un sourire et le tira dans ses bras.

—  Salut mon pote.

Sofyan n'en revenait pas. Quelles étaient réellement les chances de retrouver quelqu'un par les temps qui courent ? Aucune. Il participa alors volontiers et serra Maxence contre lui avant que Charlie ne brise leur étreinte.

—  Les gars, les retrouvailles ce sera pour plus tard. Sofyan, faut aller aider les autres, ils sont pas assez nombreux. Martin et Maxence, vous allez chercher le p'tit dernier et vous nous rejoignez, allez, allez.

Sofyan lui fit un signe de tête entendu et lui emboîta le pas, non sans donner une dernière accolade à son ami retrouvé. Martin et Maxence échangèrent ensuite un bref regard avant que l'un d'eux ne prennent une décision.

—  Va le chercher pour moi. J'ai un truc à régler avant.

—  Mais attend, Charlie a dit que..-

—  Martin, le coupa Maxence en posant fermement ses mains sur ses épaules. J'te fais confiance, et tu le peux aussi.

— Comment je peux réellement avoir confiance alors que c'est pour toi et ton ami qu'on risque tout ?

Maxence secoua énergiquement la tête.

— Mart' j'ai juste un petit truc à faire. Puis Lucas sera avec toi. C'est une caution imparable, tu crois pas ?

Et avant même que l'infirmier n'eut le temps de répondre, Maxence chargea son arme et disparut derrière un mur en criant:

— Mais tu dois te débrouiller pour le sauver !

—  Putain, soupira Martin en scrutant le couloir à présent vide.

Il eut du mal à remettre ses idées en place. Il n'avait aucune idée de ce qu'était allé fabriquer Maxence et le voila maintenant contraint d'aller sauver son copain sans la moindre aide. Il baissa les yeux vers ses mains sales et son arme un peu rouillée et grimaça. Une traînée de fumée s'étendait sur le sol en provenance du centre.

Au milieu de l'immense prison, entre la cour principale et l'aile sud, la poussière avait pris le contrôle de l'espace. L'air était gris, brumeux et la fumée qui se dégageait de certains complexes l'avait rendu toxique. Des débris recouvraient une grande partie de l'espace. Quelques corps dépassaient parfois, inertes sur le sol, d'autres couraient en toussant. Martin avançait prudemment entre les plaques de béton échouées et les meubles brisés. L'explosion avait tué plus de la moitié du groupe ennemi, il pourrait l'affirmer sans doute. Une boule angoissante se logea dans sa poitrine. Il ne savait pas qui invoquer pour que ce Lucas soit encore en vie. Il n'avait plus d'autre alternative que de fouiller cet endroit en espérant le retrouver vivant.

Alors qu'il essayait d'apercevoir un signe quelconque à travers le brouillard épais, le nez enfoui dans son t-shirt et respirant le moins possible, il entendit un gémissement plaintif qui s'acheva en toux grave.

Haters ( luxenss bxb )Where stories live. Discover now