[ chapitre 16 ]

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Mes pas étaient désordonnés. J'étais à peine soutenu par les deux gardes et ma tête tournait à cause du sang que je perdais. Mais quelle idée stupide. Je commençais fortement à regretter de m'être poignardé lorsque mes pieds s'effacèrent. Je voyais flou. Et bordel ce que j'avais mal au crâne. Mon esprit se brouillait et les mots inquiets de Lucas se répétaient inlassablement dans ma tête.

Ce garçon me fatiguait. J'avais à la fois terriblement envie de le protéger et de le jeter dans une fosse remplie de Haters. Plus le temps passait et plus cette idée me paraissait la résolution à tous mes problèmes. Si seulement je n'étais pas allé en mission ce jour la. Si seulement Adèle était arrivé plus tôt. Si seulement je n'avais pas tourné la tête. Je ne l'aurais jamais sauvé et je serais sûrement pas entrain de m'embrouiller avec moi-même, un couteau planté dans l'épaule.

Je sentis brusquement mon corps tomber. On venait de me jeter sur un matelas et bien qu'il soit plus mou que je ne l'aurais imaginé, la chute me fit grimacer. Je gémis et eu le réflexe de porter ma main à ma blessure.

- N'y touche plus, m'ordonna une voix étrangement bienveillante que je n'avais jamais entendu.

Je me mis à cligner des yeux bêtement jusqu'à ce qu'une silhouette apparaisse. J'avais du mal à distinguer celui qui parlait mais décidai d'abandonner avant de tourner de l'œil. Je ne pouvais pas perdre connaissance maintenant, j'avais une mission.

La détermination dont je faisais preuve ne devait pas beaucoup se lire sur mon visage et j'avais sûrement un air perdu car la silhouette rit. Elle posa une main forte sur mon épaule valide et me força à m'allonger.

- Je m'appelle Martin et je vais m'occuper de ça.

Il fit une pause et inspira longuement avant de reprendre.

- J'ai pas vraiment le droit de te donner d'antidouleur. T'es un prisonnier. Alors.. Je vais juste stopper l'hémorragie et désinfecter la plaie.

J'ai sûrement dû faire la moue. Pas d'antidouleur ? Je m'attendais à quoi.. Pourtant, après un petit soupir discret mais bien audible, je le sentis bouger à mes côtés. La plupart des informations qui émanaient de sa bouche se perdaient avant même d'atteindre mes oreilles, et j'avais beau me concentrer, des milliards de picotements occupaient toutes mes pensées et mes sens.

Je ne le voyais pas et l'entendais à peine, par contre, je sentis clairement un liquide brulant couler contre mon bras. La douleur que je ressentais auparavant parut bien moindre maintenant que j'avais l'impression de bruler. C'était comme si l'on venait de m'arracher de le bras.

Peut-être que mon corps s'est tordu sous la détresse de cette nouvelle souffrance avant de périr, parce qu'un instant après, je ne ressentais plus rien. Pas même un picotement ou une démangeaison. À vrai dire, je ne percevais plus ni ma blessure, ni mes membres. Je ne sentis pas non plus l'aiguille dont j'avais ignoré la présence se retirer de ma chair.

Anti douleur.
Perte de conscience.

Je n'avais aucune idée de combien de temps j'avais plané, mais je me sentais enfin reprendre conscience. Ma gorge, qui était auparavant si sèche, me parut bien plus humide et ma peau étouffée semblait respirer. Je me souvins pourtant que la sueur et le sang s'étaient mélangés pour former une couche gluante sur mon épiderme.

Ce fut seulement au bout d'une dizaine de minutes que je me décidais à bouger. Je pris une grande inspiration et portai mes mains à mon visage. On avait passé de l'eau dessus. Je glissai mes doigts sur mon torse nu, il était aussi frais. C'était une sensation étrange et presque nouvelle; être propre.

Je finis par entrouvrir les yeux mais dû rapidement les refermer à cause de la lumière. Un grognement s'échappa d'entre mes lèvres alors que mes bras se levaient pour protéger ma rétine. Malheureusement, mon épaule gauche me relança et ce fût un gémissement qui fuit ma bouche.

- Eh, reste calme.

Encore cette voix, celle de la silhouette. J'attendis encore un peu avant d'affronter la lumière blanche. Mes paupières s'abaissèrent plusieurs fois avant que je ne m'habitue à cette clarté. Finalement je vis, penché au dessus de moi, un latino au regard inquiet s'appliquer à éponger mon front.

Ma bouche s'ouvrit d'elle même sans pour autant que je ne prononce un mot. Je restai figé face à lui. Voyant que je le dévisageais comme un idiot, il me sourit.

*

Couché sur son lit de fortune, les yeux grands ouverts et la respiration lente, Lucas pensait. Il pensait un peu à ses amis disparus, à sa famille probablement décédée mais surtout à ce garçon aux idées folles et au courage effrayant.

Les chuchotements de Max et Robin comblaient le silence et l'apaisaient. Il se sentait moins seul à l'extérieur.

Ses lèvres roses respiraient l'air poussiéreux comme on inspire la fumée d'une cigarette, et c'était calme. Presque reposant au fond de sa cage thoracique.

Aujourd'hui Lucas avait eu peur, il avait frôlé l'anarchie psychique et vu Maxence s'enfoncer de sa propre initiative une lame près du coeur. Une lame qui aurait pu le tuer. Certes, ça ne serait pas la première fois qu'il se mettait lui-même en danger mais tout de même, ça faisait beaucoup en peu de temps.

Lucas soupira et la poussière se mit à tourbillonner devant ses yeux.

- Les gars, interpella-t-il sans quitter le plafond miteux du regard.

- Hum ?

Les deux autres prisonniers cessèrent de discuter et l'observèrent. Lucas laissa passer le temps, fit grimper doucement ses mots au travers de sa gorge et ce fut quand ils chatouillèrent sa langue, qu'il lâcha dans un souffle rauque :

- Je crois que jl'aime.

Et ces paroles eurent le goût d'un métal froid et tranchant contre ses lèvres.

Haters ( luxenss bxb )Where stories live. Discover now