La rose rouge

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Allongée sur le sol froid et humide, j'observais les branches argentées de l'arbre bouger frénétiquement. Elles tremblaient comme si un vent soufflait dans la pièce.

Le sol vacillait, je glissais, je m'enfonçais dans une gigantesque boue invisible.

Mon corps était mou et relâché. Mes muscles étaient reposés et complètement détendus.

Je tournais ma tête à gauche, et j'apercevais mon double, mon sosie allongé comme moi.

Il se relevait pour danser au-dessus de moi. Ses mouvements étaient lents et captivants. Je ne pouvais détacher mon regard de ses tournoiements, de ses claquements de main dans l'air chaud et pesant. Les rayons de soleil dessinaient chacune de ses contorsions comme pour absorber cette vision enchanteresse.

Sa crinière rouge dégageait des flammes, qui grésillaient dans la ronde de son corps. Je voyais les étincelles tomber sur le parquet, et disparaitre instantanément. Ce corps qui était mien sans vraiment l'être, commençait à s'effacer jusqu'à ne laisser que des fantômes rougeoyants dans l'atmosphère.

Je me relevais tout doucement, et comme si de rien n'était, je marchais dans la salle. Mon crâne était rempli de liquide, j'avais l'impression qu'il allait se décrocher quand je le penchais.

Puis soudainement, j'entendis un son, que je  reconnaissais entre milles, un bon vieux son rock. La musique augmentait progressivement, me déclenchant une danse endiablée. Mon corps ne pouvait résister à l'envoutante pression de cette chanson. Je tournoyais sur place, seule profitant de cet instant pour laisser trembler mon organisme sur les accords de guitare.

Mes jambes se croisaient, se décroisaient, je sautais, je glissais, je tournais, réalisant des mouvements plus insolites et plus inimaginables que jamais.

Puis je me stoppais, respirant à plein poumon pour reprendre mon souffle.

Je sortais de la pièce et déambulais dans les couloirs.

L'atmosphère me paraissait brumeuse et nette à la fois, c'était vraiment une drôle de sensation.

Je marchais en me collant au mur pour éviter de tomber car les planches de bois tremblaient sous mes pieds.

Tous les visages croisés, étaient d'une beauté étonnante. J'avais envie de les embrasser un à un pour absorber leur charmante frimousse. J'avais l'impression d'être dans une dimension parallèle.

Une joie débordante me faisait saluer n'importe qui. Un vieil homme, une blondinette, une chaise, un trou dans le sol, tout me paraissait extraordinaire.

Une vitalité soudaine surgissait en moi.

Arrivée dans la cuisine, je sautais dans les bras d'Orena, la forçant à arrêter son activité. Je voyais ce visage, mémoires de mon enfance me rappelant sans cesse ce que j'avais perdu.

« Tu es bien joyeuse, s'exclama-t-elle surprise, ta première journée c'est bien passée ?

-  Magnifique. Dis-je totalement déconnectée
-  Ah oui ? Avec Charles ?
-  Oh oui, il est tellement ....
- Cela me paraît bien surprenant ! s'exclama-t-elle me regardant étrangement.
-  Je le croquerai bien, dis-je en gloussant.
- Tu es sûre que tu vas bien ? Tu m'as l'air malade ?
-  Je pète la forme, regarde. »

Je gesticulais comme une folle dans tous les sens. Le personnel de cuisine qui assistait à ce spectacle  rigolait ou me regardait bizarrement.

« Je vois cela...enfin,  Eléonore veut te voir, elle est dans sa chambre. »

Je ne répondis pas et me retournais d'un seul coup, pour partir voir mon amie.

Dans les couloirs sombres, les murs zigzaguaient, me déclenchant une envie de vomir.

Le miroir d'un autre mondeWhere stories live. Discover now