Mauvais sang

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Des brides de sensations me revenaient en mémoire. Je ressentais la douceur du poil de la monture sous mes doigts tendus par la douleur. Le souffle chaud d'un individu me caressait le cou. Chaque mouvement d'accélération, qui appelait à des vibrations dans tout mon corps. Je me rappelais de la voie d'Oréna, plus inquiète que jamais. Puis la délicatesse du tissu propre dans lequel je m'engouffrais. Toutes ses perceptions rassurantes, se perdaient peu à peu dans ma souffrance.

Le venin coulait dans mes veines, brûlant et piquant chacune de mes cellules, comme de la lave dégoulinant à l'intérieur de moi. Je ne pouvais que laisser mon corps convulser et se débattre. Si j'avais la force, je m'arracherais la peau pour faire sortir ce mal. Je sentais que mon cœur était la source de la douleur, comme une pompe irriguant mon corps de poison.

Peut-être que la mort était douce comparer à ce que j'endure ?

Je voyais vaguement Oréna gesticuler dans tous les sens. Une odeur étrangement âcre attaqua mes narines, carbonisant mes parois nasales. Puis elle me demanda angoissée :

« Ou sens-tu le mal ? »

Dans un dernier regain d'énergie, j'arrachais le haut de mon tissu pour lui montrer la tache noire que je percevais en moi.

« Es-tu sûre ? Je ne vois rien, il n'y a que toi pour me l'indiquer !» Insista-t-elle

J'acquiesçais faiblement. Je la voyais peu sûre d'elle, comme si le geste pour me sauver la vie pouvait autant me la prendre en quelque secondes. Soudain, un claquement de porte, puis Éléonore arriva. Je n'arrivais pas à distinguer leur discussion.

Éléonore, attrapa brusquement mes bras pour me maintenir. Surprise par son geste, je me débattais par réflexe. Puis Oréna s'approcha de moi avec une sorte d'énorme seringue.

« Je suis désolée » Me dit-elle.

Elle enfonça d'un seul coup net l'aiguille dans mon cœur.

Mon souffle en resta coupé quelques secondes. Puis je sentis, un fluide couler. Le contact entre le venin et se liquide me créa une douleur insupportable, insoutenable. Je hurlais à l'agonie. Je sentais qu'un combat faisait rage dans mon organisme. Je criais, je convulsais à chaque rencontre de liquide, comme si leurs associations incompatibles créèrent une réaction destructrice dans mes organes.

Mon inconscient suivait l'évolution de la toxine. J'avais des pensées noires, destructrices, perfides puis elles disparaissaient pour laisser place à des pensées saines. Les perles de sueur s'écharpèrent de tous les recoins de ma peau. Je combattais coûte que coûte malgré la peine, les hallucinations le corps faible. Il était hors de question que cet être perfide prenne possession de moi.

Un grand vide et un long rêve étrange s'emparèrent de moi. Je marchais seul dans une immense forêt, les arbres étaient tellement grands que je ne pouvais pas apercevoir leurs cimes.

Soudain devant moi au centre d'une clairière, je voyais des flammes, un grand feu noir et sombre comme la nuit. Plus je le voyais grandir, plus je savais que je perdais quelque chose d'important, d'essentiel pour ma survie. Des cries résonnaient, puis deux mains totalement différentes sortirent des flammes. Je les regardais perplexe, je ne savais quelles mains choisir. Je ne pouvais pas distinguer dans la fumée à qui elles appartenaient. Je sentais une pression pesée sur moi, des yeux brillants me fixaient. J'aperçu une femme au loin qui s'approchait de moi, puis je distinguais son visage. C'était moi, mais j'étais différente, sans vraiment savoir de quelle manière. Je regardais mon sosie droit dans les yeux, il traversa les flammes. Puis elle se plaça derrière moi, m'attrapant le cou entre ses paumes. Elle resserra son étreinte de plus en plus fort.

Le miroir d'un autre mondeOù les histoires vivent. Découvrez maintenant