La Flèche noire

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Des corps vaillants tombaient au sol. Le fracas de leurs os sur la terre ferme me pétrifiait. Le sang s'écoulait comme une rivière pourpre inondant le sol, teignant l'herbe verte et les corps encore chauds.

Un goût de fer persistait dans ma bouche, me donnant à chaque claquement d'arme une envie de vomir, vomir cette horreur humaine, cette violence, cette décadence. Ces jeunes guerriers, ces vieux combattants que je plantais en pleins cœurs, leurs volants leurs derniers instants de vie. Je voyais leurs tartans immaculés par le sang de leurs frères, de leurs pères et de leurs ennemies.

L'apocalypse dans laquelle je m'étais engouffré, me paraissait insurmontable. Moi-même, je devenais un monstre d'agressivité. Frappant chacun de mes assaillants avec colère, comme si l'âme d'un grand guerrier c'était emparer de moi.

Je ne sentais plus mes membres, mon épée était mon bras, coupant, charcutant, broyant n'importe qui sur mon passage. Certains fuyaient à la vue de mon carnage, ne cherchant même pas à m'affronter.

Personne ne me résistait, j'étais un messager de la destruction, le bras de la mort.

Un jeune homme que je cognais brutalement tomba au sol. Son casque s'éjecta dans l'action. Je le regardais prête à achever son existante. Il se mettait à genoux, me suppliant de lui laisser la vie sauve.

J'eus un déclic, quand les yeux apeurés de ce jeune garçon m'implorai-je. Il n'avait strictement rien demandé, il était obligé de se battre pour sa patrie alors que chez lui sa mère, son amante, sa famille attendaient impatiemment son retour. Je n'arrivais pas à donner le dernier coup.

Je le poussais du pied, l'invitant à fuir.

« Tapadh leibh, Geal Ridire » S'exclama le jeune rouquin, en courant dans l'autre sens.

Je perdais la tête dans ce massacre. Je perdais ma personnalité à chaque goutte de liquide vital que je faisais couler.

Le sang appelle le sang, pensai-je.

Je commençais à reculer pour pouvoir observer au loin si j'apercevais un visage connu. 

On me frappa violemment dans le dos ce qui me fit basculer en avant. Je me retournais rapidement pour faire face à mon ennemi. Le combattant était gigantesque, la rage brûlait dans ses yeux. Son tartan d'un bleu ciel, prouvait que c'était un noble au placé.

« Alors c'est toi le Chevalier Blanc qui fait fuir mes hommes, cria-t-il avec un accent épouvantable.

- Tu aurais dû t'enfuir. » Lui crachai-je au visage.

Je me précipitais sur lui, pour le frapper avec ma lame, mais celui-ci, plus agile, me contra avec son bouclier. Je me retrouvais à terre, totalement sauné, rampant entre les cadavres pour échapper à mon assaillant. Affolée et vulnérable, je gesticulais dans tous les sens pour éviter les attaques.

Il m'attrapa par le casque pour me mettre à son niveau. Un cri strident sortait de ma bouche. Il m'observait attentivement. Il vit une mèche de cheveux s'échapper de ma visière.

«  Une femme, ria-t-il gravement, sacré anglais !

- Ta place n'est pas sur un champ de bataille, mais dans mon lit, me dit-il avec son haleine fétide.

- Jamais ! » Criais-je

Folle de colère, je lui donnais un coup dans son entre jambes. Il me lâcha immédiatement, se pliant de douleur.

Je me mettais à courir, me faufiler entre les hommes en action, m'évadant des griffes de ce colosse imbattable.

Puis j'apercevais au loin, Henry se battant fièrement pour ses convictions. Je courais dans sa direction, cherchant à le rejoindre coûte que coûte.

« Henry ! » Hurlais-je.

Il ne m'entendait pas. Il était trop concentré à battre son adversaire.

Au-dessus de lui volait un corbeau noir comme la nuit, je regardais sa danse morbide dans le ciel. Mes yeux se brouillèrent, se gorgèrent de noir, des visions m'apparurent. Je voyais une ombre maléfique au loin. Son arc bandé, prêt à tirer sur sa cible. Je voyais la flèche se planter dans ce cœur si jeune, si robuste. Je me débattais avec ce maléfice qui m'empoisonnait le crâne.

Puis j'aperçu le visage de la victime. Je me réveillais d'un seul coup, me hâtant le plus vite possible vers mon ami.

Dans la course mon cœur s'arrêta, quand je reconnus au loin avec effroi, l'être sinistre accompagner de son arc noir.

Non, non, non ! Paniquai-je intérieurement.

« HENRY, HENRY ! » hurlai-je à plein poumons.

Je lui sautais dessus juste à temps, la flèche démoniaque nous frôla de justesse. Sur le sol, il me regardait avec des yeux étonnés.

« Je... je te remercie.., balbutia-t-il.

- Une fois de plus, dis-je essoufflée.

- Attention ! » me prévenait-il.

Je me retournais à temps pour utiliser mon bras comme bouclier, contre la frappe du colosse. L'attaque fut si violente que mon gantelet se brisa, ainsi que le bracelet d'Orena maintenant cassé en mille morceaux.

Du sang coulait abondamment de mon bras, m'alertant d'une blessure grave. Je n'arrivais pas à maintenir mon épée dans la main. Le colosse était prêt à mettre fin à ma vie quand soudain sa tête tomba sur le sol.

Charles apparu, il avait perdu son heaume. Il avait l'air épuisé et à bout de souffle. Je ne pus m'empêcher de sourire, en voyant une fois de plus, qu'il avait été mon sauveur.

Il nous aida à nous relever.

« Nous avons pris l'avantage, nous jura-t-il.

- Oui, j'ai entendu que le Richard II était pris au piège.

- Ce n'est plus qu'une question de temps avant que la bataille se termine, m'expliqua Henry.

J'étais soulagée par ses paroles. Je commençais à respirer.

Un murmure, que j'avais perçu auparavant, sifflait dans mes oreilles.  Le ciel s'assombrissait.

« Je t'ai retrouvé... » Marmonna la voie perfide.


Je me retournais instinctivement en direction de la silhouette sombre. Celle-ci, décocha une flèche à une vitesse incroyable, me transperçant de toute part.

Mon corps se renversa en arrière. Je sentais du liquide coulé de mon corps sur le sol sec et poussiéreux. Mes muscles lâchèrent tout doucement, les uns après les autres. Je tremblais, mes membres devenaient froids. Des spasmes insoutenables soulevaient mon corps.

Je voyais brièvement l'agitation autour de moi. Charles me hurlait des mots que je ne percevais pas. Henry pris de panique appelait d'autres personnes, qui m'entouraient maintenant.

Ils arrachèrent mon armure, dévoilant ma poitrine et ma blessure. Celle-ci était noirâtre comme si du venin se propageait dans mes veines.

« Pardonnez-moi » murmurai-je faiblement.

Ma vision se brouillait, un vide doux et apaisant m'appelait. Je ne voyais même plus leurs visages.

Voilà donc mon destin, mourir entre deux hommes que j'affectionne.

Le miroir d'un autre mondeWhere stories live. Discover now