Chapitre 43 - Les papillons [Réécriture]

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Maxine,

Je préfère quand elles se débattent ma douce.

Affolée, j'ouvre les paupières brutalement, la respiration saccadée et les pulsations cardiaques chaotiques. Mon regard tombe sur les traits endormis de Taylor. Écorché, tuméfié, recousu, son visage dévoile la violence qu'il a subi. La douleur qui a marqué sa peau d'hématomes. 

Je m'accroche à sa présence, à la chaleur qu'il dégage, à son souffle qui s'échappe de ses lèvres fendues, entrouvertes et à sa main, posée sur ma hanche avec possessivité. Les prémices d'une barbe sombre, ombragent sa mâchoire, le rendant plus ténébreux qu'il ne l'est déjà. Il est vivant. Voir son torse se soulever avec lenteur et descendre tout aussi paisiblement, calme le rythme effréné de mon cœur.

Dans mon dos, le ronronnement familier de Caleb s'échoue sur ma nuque. Je reconnaîtrais ce son entre mille. Sa présence a toujours eu cet effet apaisant, comme être à la maison, peu importe où l'on se trouve. Le poids sur mes pieds me fait relever la tête. J'esquisse un sourire attendri en apercevant Seth, allongé en travers du lit dans une position des plus inconfortable, avec la tête et une jambe en dehors du lit. Pourtant, il dort comme un loir. 

Nous sommes dans la chambre de mon démon, et l'épisode terrifiant de cette nuit me revient. Ce monstre hante mes nuits, apparaît sous mes paupières fermées afin de lapider mon âme de ses mains vicieuses, de son haleine pestilentielle, et de sa voix graveleuse.

Je préfère quand elles se débattent ma douce.

La bile remonte le long de mon œsophage et me brûle la gorge. Délicatement, avec la boule au ventre, je m'extirpe du lit en grimaçant quand la peau de mon bas-ventre me tiraille. Vacillante, je me traîne jusqu'à la salle de bain attenante, ferme la porte et soulage ma vessie capricieuse. Je scrute cet environnement inconnu. De la faïence murale sombre, du mobilier en bois brut, une douche italienne et une grande baignoire dans laquelle j'aimerais me prélasser pour tout oublier. Les affaires de soin sont réduites au strict minimum, un rasoir, de la mousse, quelques gels douche et une pâte coiffante. 

L'odeur de Taylor flotte dans l'air, virile et boisée. J'inspire à m'en faire éclater les poumons après m'être lavée les mains et les dépose de chaque côté de la vasque, en observant mes traits froissés par le manque de sommeil et les cauchemars. Le blanc de mon oeil droit est rougi par les petits vaisseaux qui ont éclaté. Selon Evan, c'est dû au choc et au stress. Mais ce n'est pas ce détail qui m'arrache un nouveau rictus douloureux. Je baisse les yeux vers les deux entailles, cachées dans mon jogging, soignées par Evan. Ses prunelles se sont assombries de colère, ses mâchoires se sont serrées quand il m'a recousue silencieusement. Puis, s'en est suivi la conversation sur le viol.

Ce fumier ne m'a pas violée, il n'a pas eu le temps. Pourtant, mon corps se souvient parfaitement de ses mains sur ma peau, de son sexe sur ma cuisse, de son souffle pestilentiel dans mon cou. Il se rebelle de la plus douloureuse des façons en tordant mon estomac. Je ferme les yeux, inspire un filet d'air pour calmer mon envie de vomir mon mal-être. Evan m'a pris dans ses bras avec tellement de douceur que j'ai fondu en larmes. Avec patience, il m'a laissé ruiner son tee-shirt, cracher mon venin et ma peine en caressant mes cheveux tendrement. Je me suis laissée aller, jusqu'à ce que mes sanglots cessent et que mon coeur se soit calmé. Alors Evan m'a partagé ses inquiétudes.

"Je vais devoir te refaire une échographie cardiaque, après ce que tu viens de vivre, je dois vérifier que ton état ne s'est pas aggravé."

Ma main se pose sur mon sternum au travers de mon tee-shirt. J'ai cru mourir, soit des mains de nos agresseurs, soit par la faiblesse de mon cœur. Mais j'ai survécu. Nous avons survécu. J'ai pu prendre mes médicaments pour apaiser mon organe vital amoché. Physiquement, je vais bien. Psychologiquement, j'ai la sensation d'être sur le bord d'une falaise et qu'un coup de vent suffirait à me faire tomber. 

The Sons of Death [Réécriture]Où les histoires vivent. Découvrez maintenant