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By Severine75

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Thierry, bibliothécaire, vient de fêter son cinquante-cinquième anniversaire et fait un triste constat sur so... More

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Chapitre 1
Chapitre 2
Chapitre 3
Chapitre 4
Chapitre 5
Chapitre 6
Chapitre 7
Chapitre 8
Chapitre 9
Chapitre 11
Chapitre 12
Chapitre 13
Interlude
Chapitre 14
Chapitre 15
Chapitre 16
Chapitre 17
Chapitre 18
Chapitre 19
Épilogue
Fin du défi

Chapitre 10

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By Severine75

— Et voilà, tu sais tout.

Séverine me regarde, les yeux sortant presque de leurs orbites, la bouche entrouverte, ses doigts contractés sur le stylo qu'elle tient. Elle a écouté avec attention le récit de ma soirée avec Stéphane. Je lui ai tout raconté, sans rien oublier, même pas les ratés de mon cerveau embrouillé et les questionnements qui en ont découlé.

— Fais gaffe, tu vas le casser, lu dis-je en désignant l'objet.

Elle semble s'extirper d'un profond sommeil et se redresse d'un coup, balance le crayon et fait rouler sa chaise jusqu'à la mienne.

— Bon sang, Thierry, s'exclame-t-elle. Tu es dans une merde noire.

— Charmant, ronchonné-je.

— Écoute, je ne me suis jamais retrouvée dans ce genre de situation et d'après mes souvenirs, je n'ai écrit aucune histoire parlant de triangle amoureux, mais...

Elle s'arrête et fronce les sourcils et le nez. Quelques secondes de réflexions plus tard, elle lève l'index en l'air et reprend :

— Mais, mes personnages doivent souvent faire face à des choix difficiles.

Je ne sais quoi répondre à ça et j'ignore si je suis flatté d'être comparé aux héros de ses romances ou si je dois grimacer.

— Par exemple, continue-t-elle. Camille doit choisir entre un amour tout frais et la sécurité d'un boulot, Sacha entre son envie de réussir à New York et ce qu'il ressent pour Calvin. Quant à Colin, il découvre carrément une nouvelle sexualité.

Elle regarde soudain en l'air, rêveuse. Attendri, je la laisse divaguer et décide que c'est une bonne chose, qu'elle me considère un peu comme l'un de ses personnages. Elle trouvera sans doute une solution. Lorsque ses prunelles se reposent enfin sur moi, elles sont chargées d'une lumière que je ne distingue que quand elle me parle de ces livres.

— Tu es dans ce genre de situation, déclare-t-elle. Tu as un choix à faire, mais pas avec ta tête. Avec ton cœur. Tu auras beau rationaliser tout ça autant que tu le veux, c'est ton cœur qui aura le dernier mot.

La vache ! Elle a raison. Une relation ne se construit pas sur ce que nous pensons être bon pour nous, mais sur la manière dont notre corps s'exprime. Il va falloir que je m'écoute et que je me laisse guider par mes tripes. Depuis cette soirée parfaite, je n'ai pas revu Stéphane, en revanche nous avons échangé quelques messages très agréables. En ce qui concerne Philippe, c'est le silence. Je n'ai pas répondu à ses excuses et il n'a pas cherché à me joindre. Le lien est définitivement rompu, et ça me bousille.

Séverine se lève de son fauteuil et se dirige vers une des fenêtres de la bibliothèque afin d'ouvrir les volets.

— On ouvre, chantonne-t-elle. Qui sait ? Peut-être que cette permanence t'apportera des solutions.

*

Quelques heures plus tard, je referme les volets, fatigué, mais pas plus avancé. J'avais espéré que Stéphane passerait, mais il n'en a rien fait.

— Oh oh ! s'exclame alors Séverine depuis l'autre côté de la bibliothèque.

— Quelque chose ne va pas ? m'inquiété-je.

— Tu as de la visite.

J'ouvre de grands yeux et me précipite vers la porte pendant que ma collègue éclate de rire. Stéphane se trouve dans la rue, appuyé contre le mur face à moi et m'adresse un sourire resplendissant. Vêtu d'un jean sombre un peu large et d'un pull fin de couleur rose, il est à tomber.

— Bonsoir, dit-il en avançant vers moi.

— Bonsoir, je...

— Vas-y ! beugle alors Séverine de l'intérieur. Je vais fermer.

Je me tourne vers elle et la vois m'apporter ma veste et ma sacoche.

— Allez, souffle-t-elle. File avec ton beau gosse.

— Merci, réponds-je sur le même ton. Je te revaudrai ça.

— Attends-toi à des questions. Beaucoup de questions. Et à ce que je prenne des notes.

Je ris et quitte les murs de la bibliothèque pour rejoindre Stéphane qui patiente, les mains dans les poches. Lorsque j'arrive à sa hauteur, je n'ai pas le temps de me creuser la tête, car il se penche et m'embrasse en douceur. L'espace d'un instant, je crois entendre un gloussement derrière moi, mais je n'y prête pas plus attention. Stéphane accaparant toutes mes pensées.

— Je me suis dit que ce serait une bonne idée de venir te chercher au travail, dit-il de la tendresse dans la voix.

— Tu as eu raison.

— Aurais-tu un peu de temps à m'accorder ?

— Je n'ai rien de prévu ce soir alors, je suis tout à toi.

Il me sourit et prend ma main dans la sienne.

— Je t'invite chez moi, si tu le veux.

— Avec plaisir.

Nous nous mettons donc en route vers son logement. Comme il habite à deux rues, je laisse ma voiture sur le parking et nous faisons le chemin à pieds, épaules contre épaules. Quelques minutes plus tard, je découvre une petite maison de ville charmante, dont les fenêtres sont parées de jardinières fleuries. Alors que je pénètre dans la demeure, une agréable odeur de pain me saisit et me fait grogner de plaisir.

— Tu as faim ? demande Stéphane en riant.

— Un peu, avoué-je. Tu fais toi-même ton pain ?

— Parfois, quand je suis motivé.

J'entre dans le salon qui ressemble au mien. Tout est en ordre, chaque objet a sa place et la décoration est épurée. Le canapé en cuir noir fait face à une télévision encadrée de hautes bibliothèques remplies de livres. J'écarquille les yeux et, sans réfléchir, me dirige vers les étagères que je rêve déjà de fouiller de fond en comble. Je passe mes doigts sur le dos des livres sans me formaliser du rire de Stéphane derrière moi.

— Ta collection est impressionnante, déclaré-je en saisissant un exemplaire du dictionnaire de Boiste. Je peux ?

— Bien sûr.

— Cet ouvrage est magnifique, murmuré-je. J'en ai un aussi. Une merveille.

Le bras de Stéphane s'enroule autour de ma taille, me filant des frissons.

— Je trouve aussi. On prend l'apéro ?

Je hoche la tête et repose le livre avant de suivre mon hôte dans sa cuisine, ouverte sur le salon. Tandis qu'il sort diverses préparations de son réfrigérateur, je m'installe au bar et patiente en observant autour de moi. J'aime beaucoup son intérieur, bien que je le trouve un poil impersonnel. Les murs sont peints de blanc, quelques photos sont disposées çà et là et je pourrais mettre ma main à couper qu'il n'y a pas une once de poussière.

— Que veux-tu boire ? Je peux te proposer du vin, j'ai un liquoreux qui est parfait en apéritif.

— Je te fais confiance.

Stéphane nous sert deux verres et m'en tend un. Nous trinquons et, alors que je goûte à son vin, il place devant moi des bols remplis de petites choses à grignoter. Tomates cerises, mini saucissons, dés de fromage, il a pensé à tout.

— Tu savais que j'accepterais ton invitation, remarqué-je en gobant une tomate.

— Je l'espérais. Je serais en train de manger seul si tu n'avais pas pu venir.

— Ça aurait été dommage.

Il repose son verre et s'accoude sur le comptoir.

— Est-ce que je peux espérer te garder pour le dîner ?

— As-tu prévu quelque chose de spécial ?

Il saisit ma main et en embrasse le dos, comme il en a l'habitude.

— Tu le découvriras si tu restes.

Je déglutis. Ses yeux en disent long sur ce qu'il a à l'esprit. Mon cœur s'agite et il n'est pas la seule partie de mon corps à réagir à son regard pénétrant, à ces mots emplis de sous-entendus. Cet homme représente tout ce que j'ai toujours désiré. Il est beau, intelligent et complètement disponible. Nous avons tant de points communs que j'ai l'impression qu'il a été créé pour moi. Incapable de me contrôler, je me penche vers lui et l'embrasse, passant ma main derrière sa nuque. Sa bouche est douce, sa langue porte la saveur du Vouvray qu'il nous a servi.

J'ignore si je suis prêt à franchir certaines étapes, mais ce dont je suis certain, c'est que j'ai envie d'essayer. Avec Stéphane. Mon cœur me dit, à cet instant précis, qu'il est le bon choix, qu'il est celui qui réussira à me rendre heureux et à me donner la stabilité que je cherche depuis si longtemps. La perspective de mes vieux jours devient plus douce, l'avenir plus éclairé, plus serein.

— J'ai hâte de voir ce que tu me réserves, chuchoté-je une fois nos lèvres séparées.

Son visage s'illumine. Il caresse ma joue, m'embrasse une fois de plus et se rassied, ne lâchant pas ma main. Nous terminons notre apéritif tout en discutant puis je m'absente aux toilettes quelques minutes. En me regardant dans le miroir, je prends une longue inspiration, conscient que cette soirée risque de se finir d'une manière à laquelle je n'aurais pas songé en sortant du lit ce matin.

Lorsque je reviens au salon, la table est dressée et Stéphane dépose un plat à tarte en son centre.

— Tarte fine à la tomate, me dit-il en levant ses yeux sur moi. Accompagné d'une salade verte.

Je me lèche les babines en m'approchant, prends place sur l'une des chaises et laisse mon cher et tendre me servir. Nous accompagnons notre dîner d'un verre de vin rouge et relançons la conversation avec une facilité déconcertante. Tout est évident, fluide. Nous échangeons sur tout et n'importe quoi, le temps qui se refroidi peu à peu, nos dernières lectures, le souhait d'aller voir un bon fil au cinéma. Le repas, bien que simple, est délicieux. Je me sens chouchouté, choyé et j'ai envie de prendre soin de cet homme, moi aussi.

Une fois le dîner terminé, nous prenons le café au salon, installés sur le canapé, nos genoux appuyés l'un contre l'autre. La musique douce qui nous enveloppe nous plonge dans une ambiance cosy et propice aux confidences ou aux gestes tendres. Quand ma tasse est vide, je la repose sur la table basse, près de celle de Stéphane puis me rappuie contre le dossier du divan. Mon hôte se tourne vers moi, sa main effleure ma cuisse, mon corps se tend de manière imperceptible. Son regard tombe alors dans le mien et ses doigts caressent ma joue. Je me laisse aller dans ses bras et ne me pose plus aucune question, décidé à profiter de cette soirée et peut-être même, de cette nuit.

***

Thierry se lâche héhé. Vos pronostics sur la fin de la soirée ?

La suite la semaine prochaine

N'oubliez pas d'aller faire un petit tout sur Fyctia pour me soutenir.

Sinon LA news de cette fin d'année

"Quelques secondes" sortira en intégrale numérique en janvier (pas encore prévu en papier) et est déjà en précommande sur Amazon

Et voici la couverture de dingue


Des bisous

Séverine

💛💛💛

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