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Af Severine75

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Thierry, bibliothécaire, vient de fêter son cinquante-cinquième anniversaire et fait un triste constat sur so... Mere

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Chapitre 1
Chapitre 3
Chapitre 4
Chapitre 5
Chapitre 6
Chapitre 7
Chapitre 8
Chapitre 9
Chapitre 10
Chapitre 11
Chapitre 12
Chapitre 13
Interlude
Chapitre 14
Chapitre 15
Chapitre 16
Chapitre 17
Chapitre 18
Chapitre 19
Épilogue
Fin du défi

Chapitre 2

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Af Severine75

Un à un, je range les livres sur les étagères pendant que ma collègue, Séverine, ferme les volets indiquant par la même occasion aux deux ou trois personnes qui flânent encore entre les rayons, qu'il est temps de quitter la bibliothèque. Une fois mon charriot vide, je me dirige vers le bureau pour éteindre l'ordinateur et rassembler mes affaires. Séverine s'occupe des retardataires à la banque de prêt et quelques minutes plus tard, nous sommes disposés à quitter les lieux.

— Tu as prévu quelque chose pour ce week-end ? demandé-je à Séverine en verrouillant la porte.

— Rien ! répond-elle avec fermeté. Je vais passer deux jours à écrire. Tu sais à quel point j'adore rester chez moi.

Séverine est auteure de romance à ses heures perdues. J'ai déjà lu ses bouquins, c'est tout à fait ce que j'aime, de l'amour à revendre, quelques drames et toujours un happy end. J'en redemande à chaque fois.

— Oh oui, je le sais, je suis un peu pareil. Tu es sur un nouveau roman ?

— Exact, ça fait plusieurs jours que j'ai une idée en tête et cette fois je vais changer de registre. J'ai beaucoup de recherches à faire.

— Génial, je suis content pour toi et tu te rappelles que je peux te servir de lecteur test si tu as besoin.

Elle me tapote l'épaule.

— Je m'en souviens très bien. Je t'apporterai ça dès que ça sera assez avancé.

— J'ai hâte.

Ma collègue rit devant mon enthousiasme et nous nous séparons en nous souhaitant une bonne fin de semaine. Tandis que je me dirige vers ma voiture garée un peu plus loin dans la rue, mon estomac se met à gargouiller de manière désagréable. La bibliothèque ferme à midi et demi le samedi et mon petit déjeuner est déjà digéré. Je décide donc de passer à la boulangerie pour prendre du pain et une part de pizza.

Marie Vareille et ses chaussettes orphelines sous le bras, je pénètre dans le petit commerce et me poste derrière un homme en bermuda et chemisette, tenant lui aussi un livre dans la main. Lorsqu'il se tourne vers moi et plante son regard dans le mien, je suis saisi par la couleur de ses yeux, l'un vert, l'autre marron. Je n'avais jamais vu un tel regard ailleurs que dans les magazines et je ne réussis pas à en détacher le mien, ce qui provoque un toussotement de la part de celui qui en est le propriétaire.

— Désolé, bredouillé-je, en portant mon attention sur la sélection de pâtisserie exposée dans la vitrine qui se trouve à ma droite.

— Y'a pas de mal, répond l'homme. J'ai beaucoup aimé ce livre.

— Pardon ?

— « La vie rêvée des chaussettes orphelines », dit-il en désignant mon bouquin. J'ai beaucoup aimé.

— Oh ! Moi aussi. Du coup, j'ai prévu de le relire.

Il m'offre un sourire radieux.

— Vous êtes le bibliothécaire, n'est-ce pas ? Je viens de vous emprunter celui-ci.

Il me montre l'exemplaire du dernier Chattam, l'une de nos nouveautés, avec fierté.

— Je crois que comme vous, je vais bouquiner tout le week-end, continue-t-il, un sourire poli sur les lèvres.

— Pas le même style.

— En effet, réplique-t-il en riant. Je lis de tout, aussi bien de la romance que du polar très noir.

— J'ai une préférence pour les histoires douces qui ne me bousculent pas, avoué-je en rougissant. Mais pour bien conseiller nos adhérents, je dois connaître le fond de la bibliothèque.

— Je comprends.

L'homme se détourne de moi alors que la boulangère l'interpelle pour le servir. Il prend une baguette et un éclair au chocolat, règle ses achats et les bras chargés, me fait de nouveau face. Il hoche la tête à mon attention en me souriant et quitte le commerce, me laissant comme un goût d'inachevé dans la bouche. Je commande mon pain, ma pizza et une tartelette au citron avant de sortir à mon tour de la boutique.

Avant de regagner ma voiture, je regarde un peu partout autour de moi, juste au cas où, mais n'aperçois nulle part cet homme dont les yeux restent gravés dans ma mémoire. C'était une rencontre inattendue et je me prends à espérer le revoir très vite à la bibliothèque.

Le trajet jusqu'à chez moi, se fait rapidement et je me retrouve bientôt installé dans mon canapé, mon plateau-repas sur les genoux, devant une émission de décoration. Une fois mon déjeuner terminé et un café avalé, j'éteins la télévision, étends mes jambes sur mon pouf et ouvre mon livre pour me plonger dans ma lecture, prêt à passer mon samedi après-midi en solitaire.

Je me rends compte m'être assoupi lorsque mon téléphone me réveille. Le prénom ainsi que le visage de Philippe envahissent l'écran de mon portable me faisant soupirer. Je me frotte les yeux tout en décrochant et grogne un allô peu avenant.

— Eh bien, je te dérange ? s'exclame Phil en riant.

— Je me suis endormi en lisant.

— Ah d'accord. Tu ne passes pas à l'asso alors ?

Je soupire de nouveau. Plus le temps s'écoule et moins je m'y rends. J'ai le sentiment désagréable de ne plus y être à ma place.

— Hey, Titi, tout va bien ?

Je marmonne pour toute réponse.

— Depuis ton anniversaire, reprend mon ami, tu n'as pas l'air d'avoir la pêche. Tu ne me caches rien ?

— Bien sûr que non.

— Tu es certain ? Pas de problème de santé ?

— Mais non, je pète la forme. Je suis juste un peu fatigué ces derniers temps.

— Tu as fait un bilan sanguin ? La prostate, ça va ?

Je lève les yeux au ciel et soupire pour ne pas l'envoyer bouler.

— Tout est OK de ce côté-là, merci.

Il garde le silence quelques secondes me donnant ainsi l'occasion de me réveiller complètement.

— Tu ne déprimes pas quand même ? demande-t-il enfin.

— Bon, Phil, j'imagine que tu ne m'appelais pas pour me faire passer un interrogatoire.

— Oh, ça va te fâche pas. Je voulais juste savoir si tu allais venir, on est tous à l'asso.

— Olivier est là ?

À peine mes mots ont-ils passé la barrière de mes lèvres que je les regrette déjà.

— Heu... oui, il est présent. Ça te pose un problème ?

— Non, oublie. Je vais rester tranquille aujourd'hui. Peut-être demain.

— OK. Tu me le dirais s'il y avait un souci.

— Bien sûr, Philippe. Allez, je te laisse, j'ai un livre à terminer et trois bricoles à faire à la maison.

Je raccroche sans attendre, ne lui permettant pas de me répondre. Je renverse la tête sur le dossier du canapé et ferme les yeux. Phil a raison, depuis mon anniversaire, je me morfonds. Je crois que ces deux bougies débiles m'ont fait prendre conscience des années qui se sont écoulées. La vie file à toute allure, nous sommes plongés dans notre quotidien, notre boulot, nos occupations et nous ne nous rendons pas compte que le temps laisse des marques, jusqu'au jour où tout nous revient en pleine face.

J'ai réalisé que j'avais passé la majeure partie de mon existence seul, malgré les quelques relations que j'ai pu avoir. Et je ne veux pas finir ainsi. Je souhaite partager mon quotidien avec quelqu'un, recevoir et donner de l'amour. Toutefois, j'ai bien peur qu'à mon âge, trouver un compagnon ne soit difficile. Je ne suis pas comme Philippe qui a une facilité déconcertante à parler aux inconnus et fréquente des endroits propices aux rencontres. Moi, j'apprécie être chez moi, devant un film sans prise de tête ou un chouette bouquin et je ne vois pas vraiment où je pourrais connaître des hommes et dénicher le bon.

Bref, je me pose beaucoup de questions quant à ma vie passée et mon avenir. Je ne me suis jamais senti aussi vieux que ces derniers jours et pour un romantique tel que moi, me rendre compte que je risque de mourir seul ou de terminer dans une maison de retraite, à cacher mon homosexualité de peur de ne pas y être bien traité, me fiche un sacré coup au moral.

Passer une vie entière à lutter est épuisant, je n'attends que de la sérénité, de la quiétude et des bras dans lesquels me pelotonner quand j'ai un peu le blues comme maintenant. Si je m'étais plus battu, peut-être que Philippe aurait cédé et que nous aurions pu rester ensemble et être heureux toutes ces années, mais je n'ai pas voulu insister. Lorsque j'ai commencé à parler avenir et sous-entendu que je désirais vivre avec lui, il a tout de suite mis des distances. Franc, il m'a expliqué que ce n'était pas sa vision du futur. Il préférait s'affranchir de toutes contraintes, ne dépendre de personne et garder la maîtrise absolue de son existence. Il projetait de partir, faire le tour du monde et avait besoin d'une totale liberté. Je l'ai laissé s'éloigner, parce que je l'aimais trop pour exiger de lui ce qu'il ne pouvait et ne voulait pas me donner. J'ai pleuré des litres de larmes, me la suis joué diva en cassant verres et assiettes, puis j'ai accepté de le voir avec d'autres hommes, je l'ai observé s'épanouir dans sa vision de la vie, qui était incompatible avec la mienne. Certains diront de lui qu'il a fait preuve d'égoïsme, mais au moins, il ne m'a pas menti, il n'a pas fait semblant. C'était à moi de reprendre mon existence en mains, sans lui. Je n'ai pas su le faire.

Quand je sens ma gorge se serrer et mes yeux s'humidifier, je comprends qu'il est temps pour moi de me lever de ce canapé et de m'occuper l'esprit pour cesser de cogiter et de réécrire le passé. Il est hors de question que je me rende à l'association, mais une balade sur les bords de Loire me fera du bien, alors j'enfile une veste fine, mes chaussures et je quitte mon appartement trop vide en espérant me requinquer suffisamment pour affronter mon avenir avec le sourire.

***

Et voici le deuxième chapitre.

Dans le premier j'ai cru comprendre que Philippe ne faisait pas l'unanimité. Le pauvre! Pourtant il est une figure importante de cette histoire, car le meilleur ami de Thierry. On en apprend un peu plus sur lui d'ailleurs ici.

Sinon, deux nouveaux personnages font leur entrée. Je me suis fait un petit plaisir en m'incluant dans cette histoire et j'avoue que ça me fait beaucoup rire. Il y aura aussi des clins d'oeil à d'autres de mes romans. J'espère que vous les verrez.

L'homme aux yeux vairons? On en reparle bientôt

Des bisous?

Des bisous

À très vite

Séverine

❤️❤️❤️

Fortsæt med at læse

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