Sauvages

By MeiPlnk

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Ils étaient là avant, alors ils ont été conquis. Ils refusaient de se soumettre, alors ils ont été chassés. I... More

Prologue
Duquesa
La Descente
Obscurité Cauchemardesque
Da-jee-ha
Pieds Nus
Retour parmi les vivants
Maternelle et mort
Ah'na-kolchee
Expédition funéraire
Jesus est dans ton coeur
Mauvaise Fierté
Odyssée sauvage
La Faille
Premiers amours
Gélule surprise
Fuite Révélatrice
Foyer
Manifestation
Grand départ
Nokomis
Retour aux sources
Le bien, le mal, et le reste
Maudite
Lemp'herta
Cha'na e pa'hri
Colocation sous haute tension
Disparue
Invité mystérieux
Ab'hel-kee
Un mariage heureux
Sustentation
Un invité pour manger
Le Réseau
Saveriu Santoni
Rude Massage
Footing Nocturne
Confrontation
Piste du passé
Soirée à proximité
La vérité finit toujours par refaire surface
Moh'Lag, Colère d'Ukko
Espoir Obscur
L'œil d'un million d'yeux
Le Voile
Epopée hivernale
Enquête dans le blizzard
Rancune familiale
Au cœur de la haine
Descente à la cave
Le coût de la vie
Tension
Fête au village
Baleine
Humaine uniquement d'apparence
Retour à l'appartement
Neurotoxine volante
Appel Inattendu
Hypothèse douteuse
Taa'kangow'a
Pour un plus beau moment
Il pleuvait, ce jour là
Libérez Hen'Ruay
La chasse aux démons
Point de rupture
Valses sentimentales
Premier Tour
Deuxième tour
Sueur nocturne
Emilie
Marc Lange
Echange Nocturne
Sous le soleil du midi
Expiation
Epilogue
Mot de l'Auteure
Lexique Suomen

Face aux flammes

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By MeiPlnk

La nuit éternelle qui régnait dans les profondeurs de la mine sembla durer des jours et des jours. De temps à autres, nos geoliers venaient nous apporter de l'eau ou des sortes de soupes au goût immonde, mais qui avait l'avantage de nous permettre de rester éveillés malgré la faim qui nous tiraillait le ventre. Cependant, pas une fois ils ne daignèrent s'occuper de nous délier pour nous laisser satisfaire les besoins les plus basiques ordonnés par la nature. Nous n'eûmes pas d'autre choix de sois nous retenir, sois accepter l'humiliation de nous salir en échange du soulagement de la douleur. Ce fut ce deuxième choix que nous fîmes, ce qui rendit l'attente d'autant plus difficile, au milieu de la crasse et de l'odeur de nos propres déjections. Nous avions l'impression d'être moins que des animaux, mais sans savoir quel genre de propriétaire s'amusait à nous garder ainsi en vie. C'était incompréhensible.

Finalement, après une durée difficile à estimer, il arriva un groupe bien plus important dans le boyau de la mine. Le pas lourd des guerriers résonna longuement dans le noir absolu que plusieurs faisceaux aveuglants vinrent déchirer, me faisant pleurer des yeux. Je sus immédiatement qu'ils n'étaient pas là pour nous nourrir. Ils étaient nombreux, et visiblement décidé. La peur me tiraillait le ventre depuis des jours à l'idée de cet instant, et pourtant il me sembla être une libération. Cette noirceur infinie, cette saleté, cette faim qui n'en finissait plus, et cette solitude partagée m'avait rendue folle... peut m'importait ce qu'ils allaient faire, tant que cela mettait une fin à mon calvaire. Deux mains me saisirent par les bras, et l'odeur infecte se dégageant de moi sembla se répandre. Il y eut plusieurs interjections dans la langue mystérieuse de nos geoliers, mais j'y perçu du dégoût. J'avais honte, mais qu'y pouvais-je? J'étais immobile, et le simple contact de ces mains mirent à rude épreuve mes muscles endoloris par le manque de mouvement et la position inconfortable.

On me porte ainsi dans la mine, et je sus que Thomas était emmené de la même manière derrière moi. Mes yeux voyaient flou, et avaient encore du mal à s'habituer à la lumière aveuglante des torches, mais je me fis une raison. Au moins, je n'étais pas trainée au sol. C'était une bien faible consolation, mais dans mon état de fatigue et de faim, il était plus que probable que je m'évanouisse d'inanition avant la fin du trajet - ce qui ne manqua pas d'arriver, bien évidemment.

À mon réveil, l'environnement avait changé. Il faisait noir, mais ce n'était pas le noir d'encre et impénétrable du fond de la mine. C'était le noir frais mais accueillant de la nuit, accompagné du crissement des grillons et des criquets tout proche. En levant les yeux, je pus observer le scintillement des étoiles, et ce fut la plus belle chose que j'eu jamais pu voir dans ma vie. Un ciel pur, dégagé, orné de milliards de paillettes vibrante de lumière, qui semblaient m'accueillir et me souhaiter bon retour dans le monde des vivants - ou, peut être, m'invitaient-elle bientôt à rejoindre celui des morts.

J'étais toujours attachée de la même façon mais, désormais, mes épaules me brûlaient également du fait que j'avais été portée par les bras. La faim, également, n'était pas partie. J'étais si épuisée qu'il m'aurait été incapable de me relever même si mes liens étaient coupés, et mes douleurs chassées. Thomas n'était nulle part. J'étais seule au milieu de la nuit, allongée sur une pierre froide et inconfortable.

Mais au moins, j'étais dehors.

J'entendis des bruits, et des cris et éclats de voix animés s'approchèrent rapidement de ma position. Un groupe d'hommes et de femmes, des Suomen, encore une fois, m'agrippèrent violemment en hurlant des choses incompréhensibles. Une femme me saisit par les cheveux hirsutes et sales, et me força à la regarder dans les yeux, avant de me cracher au visage. Un homme vint me frapper à la tempe, pendant qu'un autre commentait en remuant mon fondement pour montrer aux autres, hilares, la substance puante qu'il recelait. On déchira ma robe, déjà en mauvais état, on me traina sur le roc dur. Je ne pouvais pas me défendre. J'étais trop épuisée pour cela, de toute façon. Les coups, brimades et attouchements se succédèrent, dans une sorte de brouillard flou. Ma conscience n'était plus tout à fait là, tout était comme voilé par une fatigue que je ne pouvais pas fuir. Je sentis cependant qu'on me jeta sur une épaule, et qu'on m'emmena.

Tout était confus. Le sol était inversé, le sang me montait à la tête, et des lueurs et crépitements se mirent à retentir au coeur d'une nuée d'éclats de voix, qui ressemblaient à s'y méprendre à des insultes - et en étaient probablement. On finit par me jeter violemment au sol, ce qui me coupa la respiration, avant de me forcer à m'agenouiller, mais je tombai, incapable de me tenir dans une telle position avec mes bras liés à mes jambes. L'homme qui m'avait porté trancha alors ce lien, et, immédiatement, ma colonne se redressa et je poussais un cri empli autant de douleur que de soulagement en tombant face contre terre. Ma réaction fut accueillie par une acclamation bestiale de la foule, et je réalisai enfin où je me trouvais alors que l'homme me fit m'agenouiller une nouvelle fois.

J'étais assise au bord d'une sorte de corniche en pierre, située à quelques mètres de hauteur, et surplombant un grand feu de joie en contrebas, et dont les hautes flammes venaient me lécher les joues. Tout autour, la foule se pressait, et criait des injonctions dans ma direction, pendant que l'homme à mes côté déclamait un discours qui, sans le moindre doute, devait me concerner. Ses phrases étaient ponctuées de silence pendant lesquels la horde de Suomen beuglait son assentiment, me laissant totalement muette. J'étais bien trop pétrifiée pour cela. Que comptaient-ils faire? Tout de même pas me jeter dans ce feu vivante? Je me mis à trembler, en réalisant que mes genoux s'écorchaient sur le rebord de la corniche, et qu'jn simple faut mouvement suffirait à me précipiter dans les flammes que je ne pouvais quitter du regard. Une clameur parvint également de derrière mois, et, en tournant légèrement le visage, je vis une rangée de Suomen me regardant avec intéret, tout en aiguisant leur flèches et en armant leur arc. Les larmes me montèrent aux yeux. S'en était trop. Je ne voulais pas mourir. J'avais peur, j'étais terrifié, et pourtant ces hommes et ces femmes semblaient exaltés à l'idée de me percer de leur flèches et de me précipiter dans les flammes. Je tremblais si fort que l'homme à mes côtés me saisit par la nuque pour montrer mes larmes à la foule, qui hurla en une jouissance sadique.

Une voix s'éleva cependant, et fit taire toutes les autres. Une voix de femme, forte, incisive, qui fit tomber un tel silence sur l'assemblée qu'on aurait pu croire qu'elle leur avait ôté la possibilité de parler par un sort. La foule se fendit, et un autre groupe sembla se mêler au premier, celui là même qui hurlait à la vue de mes larmes quelques instants plus tôt. Étrangement, une grande partie des nouveaux venus n'étaient pas vêtus comme je m'étais toujours imaginée les Suomens, c'est à dire vêtus de cuir, de lin et de peaux de bêtes. Au contraire, un grand nombre portaient des vêtements modernes, mais les tatouages et les armes qu'ils portaient ne pouvaient laisser de doute sur leur ethnie.

Au milieu de ce groupe de nouveaux venus, apparu une vieille femme. Vêtue d'un blouson noir et d'un jean, on aurait pu croire à l'une de ces grands mère ne voulant pas vieillir, et dont le style restait pourtant toujours assez approximatif dans leur désir d'imiter les plus jeunes. Cependant, cette femme respirait d'une présence et d'une menace qui la différenciaient de toutes les grands mères que j'avais pu voir auparavant. Son visage n'avait pas de tatouage, et était marqué par des rides lui donnant un air sévère. Ses yeux gris, si courant chez le Suomen, brillaient d'un éclat tout particulier, tandis que ses cheveux gris étaient tressés et retombaient dans son dos. À sa ceinture, pendait une hache impressionnante. Elle leva les yeux, mais ne fixa pas son regard sur moi. Elle s'adressa à l'homme qui me tenait encore la nuque d'une voix forte, vibrante, et impérieuse. Je ne comprenais pas un mot, mais il était évident que ce n'étaient pas des mots doux. Je retins ma respiration. Ma vie ne tenais qu'à un fil, j'en étais consciente, mais la peur et l'adrénaline me permirent de me tenir parfaitement immobile, bien que mes larmes continuaient de couler malgré moi.

Le discours fut court, mais intense. La vieille femme s'adressait tantôt à l'homme qui me tenait, tantôt au reste de la foule, comme on parle à des enfants. Tous ne semblaient pas ravis, et j'eus peur qu'ils ne se retournent contre elle avec le même genre de violence avec laquelle j'avais été traitée. Mais non. Il ne se passa rien. La vieille femme parla, cria, et tous se turent, et ravalèrent l'évidente aversion qu'ils avaient pour elle et ses camarades, venus interrompre une si belle execution en règle.

Finalement, les choses bougèrent. Les anciens semblèrent se disperser, tandis que les nouveaux venus investissaient la place. Plusieurs d'entre eux montèrent sur le rocher pour m'en sortir, et, rapidement, mes liens tombèrent au sol. Mais la peur était toujours là et, sitôt fus-je libre de mes mouvements que j'en eu un de recul, m'éloignant au plus loin possible des gens de cette ethnie, dont les membres m'avaient maltraité. À cet instant, b'étais incapable de voir mes sauveurs face à moi. Je ne voyais que des Suomens, les même qui venaient de faillir me percer de part en part, et jeter mon corps à la merci des flammes.

La vieille femme, d'un interjection sèche, empêcha ses guerriers de s'approcher de moi et, au lieu de cela, s'assis au sol face à moi.

-Aah... belle soirée, n'est-ce pas? Dit-elle de sa voix chaude et mielleuse, bien différente du ton dur qu'elle avait employé jusque là.

Mais surtout, elle parlait français. Je pouvais la comprendre. Et cela changeait tout.

-Je vais tout raconter! Dis-je. Le monde saura le genre de choses que vous faites, alors ne vous approchez pas!

Son visage marqué par les ans montra simplement un grand sourire énigmatique.

-Ce serait regrettable, mon enfant. Tu donnerais d'autant plus de raison à ces idiots de vouloir te faire du mal, tout en condamnant tout ceux qui sont en désaccord avec ce genre de méthodes.

-Ce genre de méthodes?? Vous appelez enlever des gens et les torturer de la sorte des méthodes?

-Des méthodes d'un autre âge, oui. Mais certains restent un peu trop attachés aux vieilles traditions. Tu as failli subir le châtiment de la Réparation, celui réservé aux pires crimes, les crimes de sang et de semence. Les viols, les meurtres d'enfants ou de femmes enceintes, sont traditionnellement ainsi punis, par une volée de flèches précipitant le corps dans les flammes. Selon nos croyances, un corps brûlé empêche l'âme de retourner à la nature, c'est donc un châtiment particulièrement cruel.

-Mais je n'ai rien fait de tel! Ce sont des pratiques barbares!

-Ce qui fait que nous sommes toutes les deux d'accord sur deux points, mon enfant. Et je refuse de laisser aux traditionalistes radicaux le loisir de salir l'image de notre peuple ainsi, en se comportant comme de vulgaires terroristes.

-Vous n'allez rien faire contre eux? Vous les laissez partir?

-Je pourrais m'occuper de leur cas ici et maintenant, mais cela signifierait probablement un bain de sang que nous ne pouvons nous permettre. Nous sommes déjà bien peu nombreux, mon enfant. Mais soi rassurée...

Le regard de la vieille femme s'assombrit.

-... tu peux être assurée qu'après aujourd'hui, ils ne recommenceront plus.

Un frisson parcourut mon dos. Cette femme disait la vérité, je le sentais au creux de mon torse, et pourtant la terreur qui me tenait avait bien du mal à se dissiper.

-Comment t'appelles-tu? Me demanda-t-elle avec douceur.

-E-Ester. Ester Rosson.

-Très bien, Ester. Moi, c'est Skarumi Hen-Ruay, mais tu peux m'appeler Hen. Je ne vais pas te mentir, je sais qui tu es, et pourquoi un certain nombre de Suomen ne te portent pas dans leur coeur. Mais moi, je pense simplement que tu n'as pas été présentée à notre peuple comme il le fallait pour que tu le comprennes. Et je suis persuadée que, de cette manière, tu serais menée à accepter certains des aspects de notre culture qui te semblent les plus... hermétiques.

-Telles que les executions sommaires? Dis-je, tendue.

-Heureusement, cela fait partie d'un passé que seuls quelques illuminés veulent voir renaître. Nous ne te voulons aucun mal, Ester, au contraire. Nous allons faire en sorte que tout se passe pour le mieux à partir de maintenant. Mais ne restons pas là, mon enfant. Allons donc rejoindre ton ami, qui est, je dois le préciser, celui grâce à qui nous avons pu arriver à temps. Et tu pourras ainsi te sustenter et également prendre une douche bien méritée. Ton joli minois ne mérite pas tous ces mauvais traitements.

J'ignore si ce fut à cause de la fatigue, de la promesse d'un bain ou tout simplement de par son charisme naturel, mais je me levai pour suivre cette inconnue.

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