Une semaine plus tard.
Louis,
Le ciel est couvert et le temps menace de verser quelques gouttes. Le vent est frais, mais pas désagréable. Je suis debout devant l'une des seules choses qu'il me reste de lui : une pierre sombre et froide avec son nom et son prénom gravés dessus en lettres d'or. Elliot Tomlinson-Carden, 15/03/1987 ~ 25/12/2014. Je ferme les yeux en essayant d'imaginer la vie que nous aurions eu si Elliott était toujours là. J'inspire profondément et laisse mon imagination divaguer. Je nous vois dans notre maison, enlacé dans le canapé. Blottis l'un contre l'autre. Notre petite fille entre nous. Nous rêvions de cette vie depuis de nombreuses années. Notre dossier d'adoption a mis des mois et des mois avant d'être accepté, puis tout s'est effondré. C'était le 14 décembre 2015, Elliott et moi avions acheté tardivement notre sapin de Noël. Pour tout dire, je ne voulais pas de sapin cette année-là, je n'avais pas vraiment l'esprit de Noël. J'étais très pris par le travail et très préoccupé par la santé de mon époux. Mais Elliott a insisté pour que nous achetions un sapin, même à 10 jours de Christmas Eve. Il m'avait dit qu'il trouvait ça triste une maison sans sapin, et que ça lui remontrait le moral d'avoir quelques décorations et illuminations dans le salon. J'ai fini par céder. Après le travail, nous sommes allés acheter un sapin et nous avons commencé à le décorer. Pendant que nous le décorions, je voyais qu'Elliott semblait être fatigué, mais il souriait à l'idée de décorer le sapin. Comme d'habitude, il ne s'est plaint de rien. Après avoir accroché quelques guirlandes, quelques boules en verre, Elliott a pris l'escabeau pour accrocher l'étoile en haut du sapin. Pendant ce temps, je suis allé préparer des chocolats chauds, lorsque j'ai entendu du verre de briser...
« Elliott ? Ne me dis pas que tu as cassé une boule. »
Je n'ai entendu aucune réponse, je l'ai appelé une nouvelle fois, toujours rien. Je me suis empressé de revenir au salon. Il était étendu sur le sol, les yeux fermés, sa poitrine ne se soulevait plus. Je me suis précipité vers lui, le cœur battant d'angoisse et de peur. Je lui ai pris la main en lui demandant de la serrer s'il m'entendait, mais rien. Même pas une petite pression. J'ai rapidement appelé les secours avant de commencer un massage cardiaque. La peur de le perdre m'avait complètement envahi. Les larmes déferlaient à toute vitesse sur mes joues et je lui suppliais de rester avec moi.
« Je t'en supplie mon amour... Ne me laisse pas... »
Les secours sont arrivés une dizaine de minutes plus tard avec un défibrillateur. Une personne m'a fait quitter la pièce et m'a demandé ce qu'il s'était passé, mais j'étais incapable de répondre. Mon regard était ancré sur les secouristes qui tentaient de ranimer mon mari. Les minutes me paraissaient durer une éternité. Jusqu'à ce que son torse se soulève violemment, que ses yeux s'ouvrent en grand et qu'il reprenne sa respiration comme s'il avait été en apnée pendant vingt putain de minutes. J'ai pleuré à nouveau, de soulagement cette fois. Il était en vie, mais pour combien de temps... ?
- Louis ?
Je sors de mes pensées et tourne la tête. Je souris faiblement. J'avais besoin de la revoir...
Nora pose une tasse de thé devant moi avant de s'asseoir sur le fauteuil en face du mien. Elle me regarde et m'esquisse un doux sourire. Nora a toujours été là pour moi depuis qu'Elliott est décédé. Elle est venue me voir à l'hôpital lorsque j'ai pété les plombs après l'enterrement, elle m'accompagnait souvent à mes séances chez le psychologue. Elle venait de perdre son fils, et elle s'est occupée de son gendre.
- Comment vas-tu ? Me demande-t-elle avant de boire une gorgée de thé.
- Je ne sais pas vraiment... Perdu, et triste...
- Il s'est passé quelque chose pour que tu te ressentes ces émotions ?
Mais cela fait un peu plus d'un an que je n'ai pas vu Nora, et elle ne sait pas pour ma relation avec Harry. Je ne sais pas comment elle peut réagir à l'idée que j'ai tenté de refaire ma vie, même si cela a complètement échoué.
- Il y a un an maintenant, je... Pardonnez-moi Nora.
- Dis-moi Louis ?
- J'ai rencontré un homme. Il s'est passé plusieurs mois avant que les choses deviennent sérieuses entre nous. Je me sentais incapable de remplacer Elliott, je pensais que j'allais le trahir en refaisant ma vie, même si c'était ce qu'il souhaitait lors de ses derniers moments. Alors je lui ai caché l'existence d'Elliott, pour préserver notre histoire. Jusqu'à ce que James révèle une partie de notre histoire, et il m'a quitté.
Je n'ose pas la regarder dans les yeux, je me sens honteux d'avoir caché mon mariage avec son défunt fils. Je me sens honteux d'avoir caché l'homme avec qui j'ai vécu les plus belles années de ma vie.
- Mais je vous jure que je lui en aurai parlé un jour, lorsque j'aurais été capable de ressortir les souvenirs que j'ai partagés avec Elliott. Seulement, j'avais peur de sa réaction, et je vois que je ne me suis pas trompé...
Je lève enfin les yeux vers Nora. Elle a un petit sourire en coin et un regard rassurant. Elle se penche pour prendre ma main d'un geste amical.
- Pourquoi devrais-je t'en vouloir Louis ? Tu as le droit de refaire ta vie, et tu as le droit d'être heureux. C'est tout ce que souhaitait Elliott plus que tout avant de mourir. Te voir heureux. Et je pense que cet homme, elle s'interrompt, comment s'appelle-t-il ?
- Harry.
- Et je pense qu'Harry a eu peur que ton amour pour lui ne soit pas aussi fort que celui que tu as eu pour Elliott. Il a peut-être pensé que tu ne serais pas prêt à revivre une histoire aussi forte, que celle que tu as vécu. As-tu essayé de lui parler ?
- Non... Il a envoyé son meilleur ami chercher ses affaires chez nous.
- Vous viviez ensemble ?
- Hum... Oui.
Elle acquiesce avant me dit qu'il faut que je laisse un peu de temps à Harry pour digérer le fait que j'ai été marié avant lui, et que s'il m'aime vraiment, il reviendra. Je la remercie pour sa bienveillance et ses conseils. Je bois ma tasse de thé et passe encore quelque temps à parler avec Nora. Quelques mois après le décès d'Elliott, Nora et son mari ont divorcé. La perte de leur seul et unique enfant a été dévastatrice et destructrice pour leur couple. C'est une femme, extrêmement forte. Pour occuper ses journées lorsqu'elle ne travaille pas, Nora est devenue Bénévole dans une association qui lutte contre le sida et fait régulièrement des dons dans les centres de recherches contre la maladie. Ce que je fais aussi tous les mois depuis la mort de mon mari. Et c'est une cause que je ne laisserai jamais tomber.
J'arrive devant « Le Paradis Bleu », et d'après le tableau de bord ma voiture, il est minuit et demi. J'ai reçu un message de Zayn à 23 heures pour me demander de les rejoindre avec Liam devant la boîte et je suis en retard. Ils m'attendent depuis plus d'une demie heure, mais j'avoue avoir traîné des pieds pour venir ici. Je ne suis jamais revenu dans cette boîte après y avoir rencontré Harry. Mais j'ai envie de me changer les idées et de passer du temps avec mes amis. Je descends de ma voiture et la ferme à clé. Zayn est en train de fumer devant la porte de la boîte. Je lui dis bonjour et m'excuse pour le retard. Il me dit que ce n'est rien et que Liam nous attend à l'intérieur avec de quoi nous « rafraîchir ». Mon meilleur ami jette son mégot au sol et me dit de le suivre. Je paye mon entrée et donne ma veste aux vestiaires, puis nous rejoignons Liam à une table. Je lui fais la bise et le remercie de m'avoir payé une bière.
- Comment tu vas ?
- Ça pourrait aller mieux, mais je fais avec.
- Tu as de ses nouvelles ? Me demande Zayn.
- Non...
- Laisse-lui encore un peu de temps, dit Liam.
Je hausse les épaules, pas vraiment convaincu. Zayn avoue qu'il trouve ça louche qu'Harry ait envoyé Niall pour rompre avec moi, au lieu de venir me le dire lui-même et d'avoir une vraie conversation. À vrai dire, je ne sais pas quoi en penser. J'ai envoyé un tas de messages à Harry, et il ne m'a jamais répondu, ça veut dire beaucoup de choses...
- Aller ne pense plus à lui ce soir, amuse toi.
- Je ne sais pas m'amuser Zayn...
- C'est simple ! Bois et danse !
Je pouffe en levant les yeux au ciel, je pense qu'il existe d'autres moyens pour s'amuser que de boire de l'alcool en grande quantité. Zayn boire son verre cul-sec et se lève pour aller danser. Je secoue la tête négativement avant de regarder Liam.
- Et toi, ça va ?
- Ça va. Zayn refuse toujours d'aborder le sujet du bébé, mais ça va.
- Il n'est pas encore prêt ?
- Non... Il veut encore s'amuser, mais nous avons 33 ans et la vie n'est pas éternelle.
- Tu sais comment fonctionne Zayn. Il ne prendra rien au sérieux tant que tu ne frapperas pas du poing sur la table. Tu lui parles d'enfants depuis cinq ans, et il esquive toujours le sujet.
- Je sais... Mais je ne veux pas lui imposer d'avoir un enfant s'il n'en a pas envie...
Je pose ma main sur l'épaule de Liam et la serre doucement pour lui apporter un peu de soutien et de réconfort. J'espère qu'un jour, ils connaîtront la joie d'être pères, car c'est une chose que je regretterai toujours de ne pas avoir été.
Cela fait deux heures que nous sommes au « Paradis Bleu ». Nous discutons, rions, buvons, dansons un peu. Je me sens bien, je me sens détendu et encore sobre. Mais l'alcool a réussi à me donner cette petite sensation de lâcher prise et ça fait du bien. Zayn me demande d'aller chercher une bouteille de vodka et une bouteille de jus de fruit. Je lui dis qu'il abuse un peu après ce qu'il a déjà bu, mais il me promet que c'est la dernière. Je soupire et me lève. Je me faufile entre les gens qui dansent ou qui parlent en plein milieu de la piste de danse. Je m'avance vers le bar, lorsque je reconnais cette grande silhouette mince et musclée. Ces cheveux bruns coiffés sur le côté et ce rire. Je m'arrête de marcher et le regarde. Harry arrive devant un homme, un verre dans chaque main. Il lui en donne un, avec le même sourire qu'il m'avait adressé un an auparavant en m'offrant ce même verre. Son regard se détourne pour croiser le mien et son sourire disparaît. Il pose son verre sur le bar et tourne son corps dans ma directement. Je sens mon cœur se pincer et une vague de chaleur me passer sur le front. Nous nous regardons quelques secondes, avant que je prenne la direction de la sortie. Je monte rapidement les escaliers en poussant les gens qui gênent mon passage. Je récupère ma veste au vestiaire et sors de la boîte. Le vent glacial de l'hiver me frappe en plein visage, mais je marche en direction de ma voiture, cette image d'Harry avec cet homme reste figée dans ma tête. Je savais que je n'aurais pas dû venir.
- Louis ! Attends.
Je m'arrête et ferme les yeux, puis je me tourne vers lui, et le regarde avec déception et colère.
- Je ne m'attendais pas à te voir ici, dit-il doucement.
- Moi non plus.
- Tu vas bien ?
- Arrête ton petit jeu, tu me dégoûtes. T'offres un verre à tous les mecs qui te plaisent en boîte ? Et je suppose que tu le faisais aussi avant de me rencontrer, mais j'ai été le seul con à te rappeler.
- N-non, ce n'est pas ce que tu crois, c'est...
- C'est quoi ? Le futur mec que tu vas inviter dans ton restaurant italien préféré ? Que tu vas emmener à Miami dans ton hôtel de luxe ? À qui tu vas offrir une putain de coupe de champagne avant de lui dire qu'il te plaît ? À qui tu vas faire croire que c'est l'homme de ta vie, jusqu'à ce qu'il te propose de vivre avec lui et que tu lâcheras à la première difficulté ? Tu as été minable d'envoyer Niall à ma porte pour me dire que c'était finit entre nous ! Minable d'être venu récupérer tes affaires en douce pendant que j'étais au travail pour esquiver une conversation comme n'importe quels adultes auraient fait ! Alors ne m'adresse plus la parole Harold, et ne reviens jamais.
Je tourne mes talons et marche jusqu'à ma voiture. J'ai vu son visage se décomposer sous les mots que j'ai craché. C'est l'alcool et la colère qui ont parlé, mais j'ai eu tellement mal quand il est parti... Quand il m'a laissé seul chez nous dans le doute et la tristesse. Je démarre rapidement et rentre chez moi. C'est dans les situations comme celles-ci, que mon seul souhait serait de rejoindre Elliott.