« Lindsey ? C'est Alexeï, je peux rentrer ? »
C'est Alexeï... comme si ça pouvait être quelqu'un d'autre !
J'aurais bien aimé qu'il me laisse tranquille mais étant donné que j'étais coincée dans cet appartement, je devrais lui parler à un moment ou à un autre de toute façon.
J'émis donc un simple grognement en signe d'approbation.
Il ouvrit immédiatement la porte et entra avec mon bol de soupe à la main. Il le posa près de la lampe de chevet avant de s'asseoir à côté de moi.
Pendant plusieurs secondes interminables, personne ne dit rien et cela me tapait sur le système.
« Pourquoi tu te disputais avec Ludmila ? demandai-je sans lui jeter le moindre coup d'œil.
-Parce qu'elle était d'accord avec toi, répondit-il. Elle ne voyait pas pourquoi je t'interdisais de sortir. Alors j'ai dû lui expliquer la vraie raison.
-La vraie raison ? m'étonnai-je en tournant la tête vers lui.
-Je pensais qu'en te disant que tu n'étais pas assez guérie tu allais accepter de rester ici sans râler. J'espérais ne pas être obligé à donner la vraie raison, je ne voulais pas te faire peur.
-D'accord, j'ai compris, il y a autre chose, râlai-je en levant les yeux au ciel. Tu ne penses pas que ce serait le moment de me dire qu'est-ce que c'est cette vraie raison ? »
Je vis Alexeï baisser sa tête et ses cheveux, cachant alors son visage, m'empêchèrent de voir quel était son expression. Pourtant, je l'entendis souffler, et ce n'était pas un soupir de soulagement ou d'exaspération. Non, c'était plus un soufflement de tristesse.
««Tu te souviens quand Zak parlait de Nyllaton ? me demanda-t-il en gardant la tête baissée.
-Bien sûr ! m'exclamai-je. Mais je ne vois pas pourquoi il parlait ça.
-C'était une sorte de code lorsqu'on était à l'armée avec ton frère et Matthew. On parlait de Nyllaton pour désigner le fait qu'on allait s'enfuir. Tu vois le truc venir ?
-Zak et Cristina vont essayer de s'enfuir ? C'est une super nouvelle ! Pourquoi tu voulais me le cacher ?
-En soi, c'est bien qu'ils essayent de s'enfuir mais c'est la région où nous sommes qui pose un problème.
-Comment ça ? m'inquiétai-je. »
Je ne savais pas vraiment pourquoi mais je sentais déjà que son explication n'allait pas me plaire.
« La région de Cominav est une région à haut risque, il y a souvent des attentats, des fusillades ou des voitures béliers qui foncent dans la foule chaque semaine, expliqua-t-il quasiment en chuchotant. C'est pour ça qu'on n'ouvre jamais les volets avec Ludmila, il y a trop de risque qu'un projectile passe par les fenêtres et nous blesse. En plus, nous sommes en région montagneuse, c'est-à-dire qu'il n'y a pas beaucoup de possibilités pour fuir ici.
-D'accord... répondis-je perplexe. Je ne vois pas le rapport avec l'évasion de Zak et Cristina.
-Ce que j'essaye de te faire comprendre, c'est qu'ici dès que quelqu'un essaye de fuir, que ce soit vraiment un criminel ou juste un civil innocent, on lui tire dessus...
-... Et comme nous sommes coincés entre des montagnes escarpés, on ne peut pas vraiment se cacher des autorités, finis-je en comprenant enfin le problème.
-Exactement. Il y a déjà un risque de mourir juste en sortant sur le palier de l'appartement et comme nous sommes recherchés, cela ne va pas nous aidés si on tombe sur des militaires. Tu comprends pourquoi je ne veux pas que tu sortes maintenant ?
-Oui mais je ne vois toujours pas ce qu'on a voir Zak et Cristina dans ton histoire d'attentats. »
Alexeï soupira pendant plusieurs secondes en secouant la tête.
« Réfléchis un peu Lindsey, me demanda-t-il. Si on apprend dehors qu'ils ont essayé de s'évader et qu'ils ont été abattus par la police, je ne suis pas sûr que tu tiennes encore debout après. Le risque de se retrouver au milieu d'un affrontement avec toi totalement choquée est beaucoup trop élevé, je ne veux pas qu'on ait encore plus de problème qu'on en a déjà. Tu es convaincue maintenant ? »
Je devais admettre qu'il avait raison.
Si je ne tombais pas dans les pommes en apprenant que mon frère était mort, je serais hors service et ce sera encore pire. Même si on ne savait pas encore ce qu'il était arrivé à Zak et Cristina, nous ne devions pas prendre de risques.
Si je sortais, j'allais mettre Alexeï encore plus en danger qu'il ne l'était maintenant en sortant seul. Je comprenais désormais qu'il essayait juste de nous protéger, il avait raison même si j'admettais cela un peu à contrecœur.
« Je sais que ce n'est pas simple pour toi, reprit-il, mais ce n'est pas simple pour moi aussi. Est-ce que tu vas enfin accepter de rester ici ? Si je fais ça, c'est juste pour te protéger. Avant de partir, ton frère m'a demandé de veiller sur toi s'il lui arrivait quelque chose et c'est ce que je compte faire alors, s'il te plaît, ne rends pas les choses plus compliquées.
-D'accord, je resterai ici, soufflai-je malgré moi. Mais ne prends pas de risques inconsidérés.
-Ne t'inquiètes pas, je sais ce que je fais, répondit-il avec assurance. »
Moi-aussi, je savais ce que je faisais, grommelai-je intérieurement.
Je n'étais plus une enfant. Il fallait arrêter de me traiter comme telle. Même si je devais reconnaitre que certains des arguments d'Alexeï tenaient la route et que j'étais d'accord sur quels points.
Le silence s'installa pendant plusieurs minutes entre nous après ça, jusqu'à ce qu'une nouvelle question sans réponse apparaisse dans mon esprit.
« Alexeï, je peux te demander quelque chose ? demandai-je timidement.
-Bien sûr, répondit-il en tournant la tête vers moi avec un sourire. Qu'est-ce qu'il y a ?
-Comment Zak connaissait Cominav ? le questionnai-je rapidement. Il en a parlé dans le tout-terrain comme s'il était déjà venu ici. Mais vous êtes restés dans l'autre complexe tout le temps, non ?
-Même si nous avions trouvé un truc avec ton frère et Matthew pour se débarrasser des familles des soldats dont ils avaient pris l'identité, on n'avait pas pensé au fait qu'ils avaient des permissions pour Noël, expliqua-t-il tranquillement. Du coup, j'ai réussi à en prendre une aussi sur la même semaine et on a passé les fêtes de fin d'année ici. Zak a tout de suite détesté Cominav, il trouve qu'il y a quelque chose de très négatif.
-Il n'a pas tort, commentai-je avec un rictus. Vu la description que tu m'as faite, je pense plus ou moins la même chose.
-Chacun à son avis, dit-il en haussant les épaules. J'ai grandi ici donc je ne trouve pas forcément qu'il y a quelque chose de négatif qui se dégage de la ville mais bon... Bref, trêve de bavardages, je vais te laisser te reposer, tu en as besoin. Essaye de manger un peu aussi, d'accord ? Il faut que tu reprennes de forces. Si tu as besoin de quelque chose, je suis avec Ludmila dans le salon, je vais essayer de trouver un moyen pour que vous puissiez communiquer. »
Il se leva et sortit en me conseillant une dernière fois de manger un peu.
Dès que je fus certaine qu'il était reparti avec sa sœur, je m'allongeai et atteignit la lumière. Je n'avais pas faim, je voulais juste dormir encore et toujours.
Je ne sais pas combien de temps j'avais dormi mais ce fut le bruit d'une explosion qui me réveilla. Je me relevai immédiatement en panique et cherchai Alexeï et Ludmila partout dans l'appartement.
Personne.
Une seconde explosion ébranla l'immeuble et me fit tomber.
Sans chercher à comprendre, je mis mes chaussures et sortis de l'appartement. J'avais dit à Alexeï que je ne bougerai pas d'ici mais l'immeuble n'allait pas tenir longtemps vu la puissance des explosions.
Une fois que je suis sur le pallier, je n'ai pas le choix, il y a juste un escalier qui descend face à moi. Je cours pour arriver en bas aussi vite que possible mais cela n'empêche pas une troisième explosion de secouer la cage d'escalier et manque de me faire passer par-dessus la rambarde.
Dès que je suis au rez-de-chaussée, je ne cherche toujours pas à comprendre et je sors tout de suite dans la rue. Et là, c'est l'incompréhension totale.
Dehors, il n'y a pas de routes, pas d'immeubles, rien.
Je reconnais au bout de quelques secondes l'endroit où je suis, cela fait un certain moment que je n'ai pas fait ce cauchemar pourtant, je me rappelle de tout dans les moindres détails.
Soudain, je me rends compte que je ne suis pas dans mon corps. Je me vois de l'extérieur. Mon corps, lui, est à une centaine de mètres devant moi, immobile en plein milieu du champ de bataille. Je hurle sans le vouloir mon propre nom.
Ce n'est pas voix qui vient de m'interpeller, c'est la voix de Logan.
Sans le moindre contrôle, je sors un pistolet et tire sur le soldat qui s'approche dangereusement de mon corps. L'homme s'écroule et je fonce vers moi-même.
Je dis quelque chose mais même en étant Logan, je ne comprends toujours pas ce qu'il dit à ce moment-là. Mon corps me jette alors à terre et au-dessus de moi une balle siffle quasiment en même temps, je viens d'éviter la première mort de Logan.
Ensuite, je ne relève Logan que deux secondes plus tard ce qui va nous être fatal à cause de la mine.
Pourtant, ce que mon corps fait après, je ne le comprends pas. Il me pousse avec une puissance incroyable à plusieurs mètres et je me retrouve au sol sans comprendre pourquoi le rêve ne suit pas le schéma habituel. J'ai seulement le temps de me retourner pour me voir exploser avec la mine un peu plus loin.
Cette fois, je me réveillai en sueur pour de vrai.
J'allumai tout de suite la lumière et attendit quelques secondes pour être sûre que je n'étais dans un autre cauchemar.
Quand je fus certaine qu'aucune explosion n'allait retentir, je me décidai enfin à me calmer.
Pourquoi je ne comprenais pas ce que me disait Logan dans ce rêve ? C'était la seule interrogation que je me posai. Pourquoi ? J'étais certaine que si je savais ce qu'il disait, je pourrais le sauver.