PDV Samuel.
Je ne voulais pas ça. Je ne voulais pas lui faire du mal. Je ne voulais pas la faire pleurer.
Mais je savais dès le début que j'allais forcément le faire. Personne n'a voulu m'écouter, personne. Maintenant elle souffre. Comme je l'avais prédis à notre rencontre.
" Met ça sur toi jusqu'à qu'on arrive à la maison " je pose son manteau sur elle après l'avoir installé à son siège. Heureusement elle l'a laissé dans la voiture parce que c'est la seule chose qui n'est pas mouillée.
Je contourne rapidement la voiture après avoir fermé sa portière, la pluie continuant à s'abattre sur moi fortement. Si Jade ne serait pas dans la voiture, trempée de la tête aux pieds, je serais bien resté dehors, sous la pluie. Mais il faut que je l'amène à la villa le plus rapidement possible, elle tremble déjà beaucoup en ce moment, je ne peux pas la faire attendre encore plus.
Je frotte mes mains ensemble et essuie mon visage rapidement avant de démarrer la voiture, reprenant la route de la villa. J'aurais bien aimé que ce soit la fin de la soirée, mais je sais que ça ne l'est pas.
Je jette des coups d'oeil vers Jade de temps à autre, voyant qu'elle continue à trembler. Mais au moins elle ne pleure plus, ça me soulage. Je ne sais pas combien de temps on est resté sous la pluie de cette façon, ses mains s'aggripant à ma chemise alors qu'elle pleurait, mais j'étais bien content quand elle s'est calmée.
Elle a l'impression que je suis un homme sans-coeur, froid, mais... Ça me fait mal de la voir pleurer. Surtout à cause de moi. Ce n'est pas mon but, ça n'a jamais été mon but je l'avoue, mais je n'y peux rien. Je suis comme ça, et je l'avais prévenu dès le premier jour.
Je n'arrive toujours pas à croire qu'elle ai renversé ce verre de vin sur Mlle. Rouvey, ce n'est pas quelque chose que Jade ferait normalement. Même si elle est saoule, j'étais plus que surpris par son geste, je ne savais pas qu'elle avait ce courage au fond d'elle.
Je suis toujours énervé, elle a gâché tout mon travail quand même, mais d'un côté j'ai envie de rire. Je me demande ce qu'elle va faire demain matin quand elle va se rappeler de tout ça...
J'espère qu'elle ne se rappellera pas de la fin. J'espère qu'elle oubliera que je l'ai embrassé. J'aurais jamais dû faire ça, mais c'est l'impulsion. Cette putain d'impulsion!
" On est bientôt arrivé? " la voix de Jade est douce, presque comme celle d'une petite fille. C'est ce à quoi elle ressemblait il y a une dizaines de minutes. A une petite fille. Une petite fille qui a besoin d'amour, l'amour que je ne peux pas lui donner.
" Encore quelques minutes " je lui répond en jetant un autre coup d'oeil vers elle. Sa tête est posé contre la vitre et par le reflet contre celle-ci je peux voir ses yeux fermés. Voyant qu'elle tremble toujours - et moi aussi d'ailleurs - j'accélère un peu plus.
Quelques minutes plus tard - comme je l'avais dit- je passe finalement le portail de la villa et entre dans le garage. Je sors rapidement de la voiture et la contourne, ouvrant la portière de Jade, voyant qu'elle est presque endormie.
" Tu vas pouvoir marcher? " je lui demande alors que je l'aide à descendre après avoir défait sa ceinture. Elle hoche faiblement la tête puis s'appuie contre moi. Je passe mon bras autour de ses épaules pour la guider à l'intérieur, mais ses pas sont très lent et je comprend qu'elle n'a plus beaucoup d'énergie. Je soupire en m'arrêtant, m'abaissant légèrement avant de passer un bras sous ses jambes et glisser l'autre sous son dos pour la soulever.
Elle ne semble pas le moindre du monde dérangé par la situation, posant sa tête contre mon torse, les yeux fermés. Je la porte de cette façon jusqu'à l'intérieur, voyant la surprise sur le visage de Mathilde, puis d'Alice, avant de m'arrêter devant les escaliers, quand la voix de mon père parvient à mes oreilles.
" Tu as des comptes à me rendre " sa voix est ferme, forte et sérieuse comme d'habitude.
Je me retourne vers lui, remarquant que ma mère se tient derrière lui avec une expression triste - comme la plupart du temps.
" Je sais " je soupire, " tu permet que je me change? Je suis trempé si tu n'as pas remarqué "
Sans attendre sa réponse, je me retourne une fois de plus vers les escaliers et les monte un par un, portant Jade dans mes bras. Je crois qu'elle commence à s'endormir, tant mieux pour elle. Et pour moi.
Arrivé à ma - notre chambre, je la dépose délicatement sur le lit et la regarde quelques minutes. Son état au restaurant, puis son état sous la pluie me reviennent devant les yeux; je préfére son état maintenant. Calme, paisible.
" Besoin d'aide? " je me retourne à la voix de ma mère qui fait son entrer dans la chambre, jetant un coup d'oeil à Jade avant de se tourner vers moi.
" Change toi, tu vas être malade " elle me dit avec un regard désaprobateur. Elle a toujours détesté que je rentre à la maison trempé. J'avais arrêté après un moment, parce que j'avais l'impression que je l'a rendais plus triste qu'énervé. Je ne voulais pas ça.
" Tu peux changer Jade? " je demande en arquant un sourcil.
Je ne veux pas le faire moi-même, même si je l'ai déjà vu en sous-vêtements.
" Bien sûr " ma mère sourit. Je lui rend son sourire avant de m'avancer vers l'armoire, cherchant un pyjama pour Jade. Je prend le plus épais le tend à ma mère, et je me change rapidement en un bas de jogging et un pull pour me réchauffer.
Je me retourne pour sortir de la chambre, mais je m'arrête quand j'entend les grognements de Jade. Ma mère lui a déjà enlevé sa robe et essaye maintenant d'enlever ses bijoux, alors que de multiples grognements et soupirs s'échappe de la bouche de Jade. Je laisse ma mère terminer son travail et sors de la chambre en lâchant un soupir.
Je passe dans la salle de bain collective pour prendre une serviette puis descend lentement les escaliers en ébouriffant mes cheveux avec celle-ci - dans un essai de les sécher un minimum.
Mon père fait des ronds dans la salle de séjour, s'arrêtant à mon entré alors que je m'installe sur un des fauteuils. Je continue à passer la serviette sur mes cheveux, conscient de son regard sur moi. Finalement, j'enroule la serviette autour de mon cou et me laisse tomber en arrière avec un soupir.
" Je t'écoute " mon père croise les bras sur son torse, debout à quelques pas de moi.
" Qu'est-ce que tu veux que je te dise? " je baîlle, fatigué.
Son regard se durcit immédiatement, "je veux que tu me dises pourquoi Mlle. Rouvey a annulé le contrat! "
Merde! Je ne pensais pas qu'elle allait en faire autant!
" Il y a eu un accident, je vais régler ça t'inquiètes pas. Je lui parlerai dès demain et on arrangera ça "
Il secoue la tête, baissant ses bras. Je sens que je ne l'ai pas convaincu. " Tu a voulu te débrouiller tout seul, tu as dit vouloir travailler toi-même, je t'ai laissé et maintenant quoi? Je t'avais dit que tu n'allais pas réussir seul! Ce n'est pas seulement un contrat qui a été annulé, c'est tout les futurs contrats! Tu sais combien de milliards d'euros sont partis en l'air? "
Merde, cette femme est vraiment capricieuse! C'est juste du vin qui a été versé sur elle quoi!
" Je vais arranger ça j'ai dit " je répète plus fermement avant de me lever.
" Tu ferais mieux d'arranger ça Samuel, parce que c'était ta seule chance! " je l'entend dire après moi alors que je quitte le salon.
Seule chance. Seule et première chance de faire quelque chose moi-même. Je voulais pouvoir faire quelque chose moi-même, pouvoir montrer à mon père et à moi-même que je ne dépend pas de lui. Signer ce contrat c'était un nouveau début pour moi. J'allais gagner mon argent moi-même, et bientôt j'allais m'en aller de cette entreprise. J'allais fonder ma propre entreprise, ou du moins je voulais ouvrir mon propre cabinet d'architecte.
Ce contrat c'était le début de tout. C'était le début de tout ce que j'avais rêver.
Tout aller bien, tout allait parfaitement bien. Seulement hier, Mlle. Rouvey avait accepté le contrat, juste avant que j'aille chercher Jade chez son ami. Le dînner de ce soir allait presque officialisé les choses, dès demain on devait se retrouver pour signer le contrat.
Mais non, Jade a décidé de tout foutre en l'air le jour où j'ai décidé de prendre ma vie en main.
" Je crois qu'elle s'est endormi " ma mère chuchote quand je reviens dans la chambre.
Je hoche faiblement la tête, avant qu'elle m'enlace rapidement et dépose un baiser sur ma joue. Elle apporte ensuite sa main à mon front, " j'espère que vous n'allez pas être malade " elle chuchote.
" T'inquiètes pas " je souris légèrement, déposant un baiser sur son front avant qu'elle sorte de la chambre.
Je lâche un soupir quand mon regard s'arrête sur Jade, engoufrée sous les couvertures jusqu'au menton. J'enlève rapidement mon pull et l'échange avec un t-shirt avant de m'approcher du lit. Je ne vais certainement pas dormir avec un pull si épais. Même le t-shirt est de trop, mais je ne veux pas être malade donc je vais faire avec.
Je soulève doucement les couvertures et entre sous celles-ci en essayant de ne pas réveiller Jade, ma femme aux multiples facettes.
Je devrais probablement lui en vouloir, mais je ne peux pas. Pas après avoir vu ses larmes, pas après avoir entendu ses paroles. Bien sûr, elle ne va jamais savoir ça.
J'espère seulement que quand elle va se réveiller, il ne restera pas beaucoup de choses dans sa mémoire à propos de cette soirée. Elle peut se rappeler de ce qui s'est passé au restaurant, mais pas après. Je ne veux pas qu'elle se rappelle que je l'ai embrassé. Jamais.
" Sam? " je l'entend marmonner, tournant la tête vers elle encore une fois.
" Mhh " je marmonne en retour, voyant qu'elle a toujours les yeux fermés mais un froncement de sourcil est visible sur son visage. Son bras s'étend jusqu'à moi avant qu'elle se déplace complétement, s'appochant de plus en plus de moi. Je devrais probablement l'arrêter, mais je ne le fais pas. Je ne veux pas la brusquer dans son état mi- éveillé.
Elle pose bientôt sa tête sur mon torse, lâchant un soupir qui vient chatouiller mon cou. Elle bouge un peu, son nez glissant de haut en bas sur mon cou, avant qu'elle s'arrête, sûrement en ayant trouver la position confortable qu'elle cherchait. Son bras reste autour de mon torse et elle lève une de ses jambes pour la poser sur la mienne, m'enveloppant complétement.
Je regarde le plafond, n'osant pas bouger d'un millimètre, alors que je m'endors en écoutant sa respiration.
PDV Jade.
" Atchouphm! "
Silence.
" Atchouphm! "
Silence.
" Atc... arghh " Samuel grogne en balançant sa tête en arrière, la posant contre la tête du lit.
J'apporte mon mouchoir à mon nez et essuie celui-ci encore une fois avant de prendre un autre mouchoir. On est tous les deux assis dans notre lit, adossés contre la tête du lit, un paquet de mouchoir entre nous - dans lequel on se sert toutes les dix minutes - et... Et c'est tout. On est juste assis en silence, tout deux regardant devant nous et évitant tout contact avec l'autre.
" Atchouphm! " j'éternue encore une fois avant de grogner à mon tour.
Je me sens si faible et fatiguée en ce moment, et j'ai horriblement mal à la tête. Je ne suis pas sûre si c'est à cause de la maladie ça, je dirais plus que c'est à cause de l'alcool. J'avais le même mal de tête après la soirée du nouvel an.
Sauf que après la soirée du nouvel an j'avais mis du temps pour me rappeler de tous ce qui s'était passé. Pas cette fois. Je me rappelle de tout ce que j'ai fait et dit, et tout ce que j'ai entendu et sentis. Certes, quand je me suis réveillé ce n'était pas le cas, mais au fur et à mesure des heures ma mémoire est revenue. C'est bien pour ça que j'évite tout contact visuel avec Samuel.
On ne sait pas dit un mot depuis qu'on est réveillé, et si Jeanne ne nous avait pas forcé à rester au lit, je suis sûre que l'un de nous serait partis. Heureusement, j'étais la première à me réveiller, me déplaçant de sur Samuel immédiatement. Il s'est réveillé peu après, mais je ne sais pas si il était conscient de notre position. J'étais quasiment couchée sur lui quand même...
Même s'il ne serait pas conscient de cela, je n'ai aucun doute qu'il se rappelle de ce qui s'est passé cette nuit. J'étais saoule, ça j'en suis sûre, mais lui non. Et c'est ce qui me surprend le plus.
Comment a-t-il pû dire certaines choses sans l'effet de l'alcool? Il a dit vouloir garder un oeil sur moi, je m'en rappelle très très bien, et je sais qu'il était sincère. Je me souviens de mon état après avoir entendu cette phrase, comment tout était mélangé dans ma tête, comment je m'étais perdu dans mes pensées. Je lui suis encore d'ailleurs, et j'ai pris une décision pour remédier à ça.
Je ne veux plus avoir affaire à Sam jusqu'à ce que je comprend ce qu'il se passe. Je ne veux plus essayer de lui parler, je ne veux plus lui poser des questions; je veux être une étrangère pour lui pour un certain moment. J'ai besoin de prendre du recul pour savoir où j'en suis.
Je dois pouvoir savoir pourquoi il m'a embrassé si ça n'avait aucune signification pour lui. Je veux savoir pourquoi il voulait garder un oeil sur moi si je ne compte pas pour lui. Je veux savoir pourquoi, moi, je force tellement avec lui.
Peut-être que d'ici ce soir tout sera plus clair dans ma tête, ou peut-être que ça va me prendre un peu plus de temps. Je ne sais pas, je vais voir où tout cela me mènera.
" Atchouphm! " Sam éternue encore une fois avant de renifler, juste quand la porte s'ouvre sur Jeanne, suivit de Mathilde. C'est étonnant la rapidité avec laquelle on est tomber malade, on a dû rester longtemps sous la pluie. Puis on a dormi ensemble - collé - donc ça a augmenté la probabilité.
Jeanne s'asseoit près de Sam, Mathilde restant près du lit avec un plateau dans les mains. Jeanne passe sa main sur le front et les joues de Sam avant de secouer légèrement la tête, puis contourne le lit pour venir vers moi, répétant les mêmes actions.
" Qui a eu l'idée de rester sous la pluie? " elle soupire en nous lançant un regard désaprobateur alors qu'elle se dirige vers Mathilde.
" C'est elle " Sam murmure avant d'avaler le sirop que Jeanne lui tend dans une cuillère.
" Quoi? Non ce n'était pas moi! " je proteste d'une voix assez grave en me tournant vers lui. Je le vois sourire alors que le regard de Jeanne va de son fils à moi.
" Peu importe " Jeanne coupe Sam avant qu'il puisse dire un seul mot, refermant sa bouche, " vous allez passé votre journée au lit. Tout les deux " elle déclare, me faisant boire du sirop aussi.
Je me sens comme une enfant... Je suis même surprise par l'attitude de Samuel, il ne proteste pas à ce que sa mère le traite comme un enfant. Je m'attendais à ce qu'il proteste moi.
" Je ne veux voir aucun de vous deux en dehors de cette chambre d'accord? Je passerais vous voir de temps en temps " après ces mots, Jeanne et Mathilde quittent la chambre, nous laissant encore une fois seuls.
Bien. Comment suis-je supposer prendre du recul si je coincée dans cette chambre avec lui toute la journée?
" Une journée ennuyante nous attend " Sam soupire, s'allongeant complétement en croisant ses bras sous sa tête. Je ne sais pas si c'est une impression mais il ne semble pas du tout dérangé par cette situation. Il va sûrement en profiter pour me rendre encore plus confuse que je suis déjà, si cela est possible.
" Ça va te permettre de digérer la soirée d'hier au moins " il remarque, son regard au plafond. Je ne répond pas, embarassée et ennuyée par ce sujet. Je n'arrive pas à croire que j'ai versé ce verre de vin sur cette femme, mais ce n'est pas ça qui me dérange le plus. C'est plutôt la raison qui me dérange. Qu'est-ce qui m'a poussé à faire ça? A quoi j'ai pensé?
Une petite voix au fond de moi me donne la réponse à cette question. Mais je ne veux pas l'écouter. Je ne veux pas la croire. C'est juste impossible.
" Tu as fait une grosse scène quand même " il continue à parler, attendant sûrement une réponse de ma part. Réponse que je ne vais pas donner.
Je me couche aussi, me tournant sur le côté pour ne pas le regarder et pose ma main entre ma joue et mon oreiller. Je me rappelle de tous ces soirs que j'avais passé éveillé quand j'étais au lycée. Quand il y avait un problème à résoudre et que je n'y arrivait pas, ou quand je devais écrire une dissertation mais je n'avais pas d'idée; je n'arrivais pas à dormir le soir même, réfléchissant et réfléchissant jusqu'au matin.
Je me sens comme ça maintenant. Je veux rester au lit et réfléchir jusqu'à avoir trouvé la bonne réponse. Une réponse plausible à toutes ces questions dans ma tête, une réponse différente à celle de la petite voix au fond de moi.
" Pourquoi tu es si silencieuse? " la voix de Sam est un peu plus sérieuse, semblant concerné par mon silence. Je considère quelques minutes si je devrais lui parler ou pas, et après un court combat entre la petite voix et ma conscience, je me retourne vers lui.
Il est redressé sur un coude, sa tête posée dans la paume de sa main, les sourcils froncés. Je le regarde quelques secondes, avant d'avoir le courage de parler.
" As-tu une réponse à ma question d'hier soir? "
Ses yeux s'ouvrent en grand quelques secondes avant qu'il reprenne un visage sérieux, contractant sa mâchoire.
" Tu t'en rappelle? " il demande, comme s'il s'attendait à ce que j'oublie cette partie de la soirée.
" Je me rappelle de tout " je confirme.
Il mord sa lèvre en détournant le regard, puis se relaisse tomber en arrière, posant sa tête contre son oreiller aussi. Le regard fixé au plafond, il répond enfin à ma question, mais pas par la réponse que je voulais.
" Je n'ai rien à te dire "
" Bien " je murmure, " alors ne me demandes pas pourquoi je suis silencieuse. Parce que je n'ai rien à te dire non plus ".