"- Je n'arriverais décidément pas à m'y faire."
Je me tourne vers Maxime, qui a une mine chiffonnée et pourtant une envie de rire plus que distincte. Je croise les bras sur ma poitrine.
"- A quoi donc ?
- A tes tenues.
- Qu'est-ce qu'elles ont mes tenues ?"
Il rit et se rapproche de moi, posant ses mains sur mes hanches, habitude qu'il a pris à chaque fois qu'il me dit quelque chose de moqueur, comme sur ma taille, ma façon de parler quelque peu paysanne parfois et ma bouille d'enfant. Simple geste qu'il fait pour me rapprocher de lui lors de nos nuits partagées, simple contact pour me prouver sa présence et son désir. Regard rieur, sourire pincé pour se retenir de rire, Maxime me répond :
"- Entre ton pull avec le dessin d'une personne sans tête marqué "Me" accompagnée d'une assiette dans laquelle se trouve un steak et le mot "you", que tu portes aujourd'hui avec ce jean qui te moule agréablement ton popotin. Ou encore le pull multicolore que tu portais hier, ta veste jaune poussin, qui, je dois bien l'admettre, fait ressortir ton regard, ou encore tes hauts rayés de différentes couleurs ! Combien tu en as de cette sorte ?
- Seulement une dizaine.
- Et des salopettes ?
- Trois.
- Et des pulls multicolores de toute sorte ?
- Oh... Une bonne dizaine également. Je t'ai choqué avec quoi d'autre ?
- Ton pantalon à carreau noir et blanc, celui à carreau de différent ton de gris, ton pull mauve avec des fleurs, le nombre de hauts jaune que tu as ! Ton pantalon à carreau multicolore ! Tes hauts avec des dessins aussi bizarre que celui d'aujourd'hui, ton maquillage toujours un peu original, toutes ces touches de couleurs que tu portes et te vont si bien. Bordel... Tu es un rayon de soleil pour les yeux et tu me fais sourire rien qu'en voyant comment tu es habillés. Et... Et tu es si belle ainsi."
Je hausse un sourcil, étonnée.
"- Ce n'est ni une moquerie ni une critique.
- Rien de tout cela."
Oh. Je n'aime pas ce regard.
"- Pas d'amour.
- Je n'ai jamais commencé à t'aimer. Cela n'arrivera pas."
Je soupire de soulagement. C'est étrange d'avoir peur de tomber amoureuse de nouveau, d'avoir peur de se sentir aimée. Pourquoi suis-je si craintive désormais ? Je souris en levant les yeux vers Maxime. Lui, son sourire, son regard vert bienveillant. Je me sens si triste soudainement. Il prend mon visage en coupe et me fait relever les yeux.
"- Éva. N'ais pas peur. S'il faut, je te dirais des choses cruelles pour que tu comprennes que je ne suis pas amoureux de toi. J'apprécie ta présence. J'apprécie ta personne. Mais l'amour n'est pas le bienvenu et il n'est pas présent. Alors, s'il te plaît, ne me regarde pas aussi tristement. Je ne veux pas voir ce genre de pitié, ce genre de regard. Surtout pas venant de toi.
- Je m'excuse. Ce n'était pas volontaire.
- Je le sais bien."
Il m'embrasse le front et me lâche, passant à mes côtés pour continuer sa route. Je ferme les yeux, abandonnant cette chaleur si douce que son corps m'offrait. Maxime, pardonne moi. Je ne peux me permettre de rechuter de la sorte pour quelqu'un. Je ne veux pas m'attacher aussi fortement puis sombrer si follement. Mais lorsque je me retourne et que je vois le blond parler avec une jolie fille, les papillons s'envolent et mon sourire renaît. Rien n'existe entre nous. Pas de manque de l'autre, pas de besoin particulier d'avoir l'autre à ses côtés, pas d'égoïsme, pas de caprice, pas d'obligation, pas de sentiment. Je soupire d'aise, inspire profondément en souriant et entre dans la boutique que l'on voulait visiter. Je regarde les vinyles mais ne peux m'empêcher de l'épier du coin de l'œil. Il échange son numéro avec la belle puis vient me rejoindre. Je lui souris alors qu'il fait de même.
"- Un rendez-vous ?
- Non, du tout. Elle m'a abordée pour me demander où j'avais dégoté ma veste. Elle la trouve superbe et cherchait quelque chose de ce genre pour son copain."
Je me mets à rire.
"- Oh, c'est dommage ! Elle était mimie.
- Je vais finir par croire que tu passes de l'autre bord à force de complimenter les filles qui me parlent ou que tu mets à la porte.
- Ce n'est pas parce que je suis moi-même une fille que je dois forcément critiquer chaque autre fille.
- Je comprends mieux le point de vue de tes amies. Je suis certain que tu trouves toujours quelque chose de bien à dire chez qui que ce soit, peu importe à quel point c'est une mauvaise personne."
Je hausse les épaules, retournant à ma découverte de vinyle. Il n'a pas tord.
"- Cela dépendant de la personne. Mais généralement oui, j'ai souvent fait péter des câbles à Julie à cause de cela. Je n'arrive pas à haïr quelqu'un alors que Julie s'agace rapidement auprès d'une personne."
Maxime ne répond rien, souriant simplement avant de me tendre un disque des Rolling Stones et un autre des Beatles.
"- Lequel tu préfères ?
- C'est dur de choisir... Les Beatles. Dis-je après réflexion.
- Les raisons ?
- Yellow Submarine qui a bercée mon enfance. Mon père est fan de ce groupe.
- Je le comprends tout à fait."
Je souris et change de rayon.
Après avoir acheté plusieurs vinyles, nous sortons de la boutique, sourire aux lèvres.
"- Éva !"
Je tourne mon regard à droite, vers la voix. Je me retiens de soupirer en trouvant ma collègue de travail, Jessica, qui a essayé durant tout le mois de me caser avec des amis à elle ou simplement des connaissances. Impossible de manger à l'extérieur à ses côtés sans qu'elle ne me présente à un parfait inconnu toutes les dix minutes. J'avais l'impression d'être avec un Barney féminin et de jouer à "Je te présente Ted". Je m'efforce de sourire alors qu'elle approche avec une rapidité que je n'aurais jamais chaussé sur des aussi hauts talons.
"- Jessica ! Comment vas-tu ?
- Bien et toi, ma belle ? Oh ! Je vois que tu es en charmante compagnie."
Elle lance un regard brûlant à Maxime qui lui fait son sourire charmeur.
"- Bonjour.
- Bonjour ! Tu es le copain de Éva ?"
Maxime me lance un regard rempli de questions. Je hausse simplement les épaules, le laissant choisir sa réponse.
"- Non. Nous sommes simplement amis.
- Tant mieux ! Je suis soulagée, je me serais sentie gênée sinon ! J'ai essayé de caser Éva durant tout le mois avec des jeunes hommes mais impossible ! Madame est intransigeante !
- Jess... Ce n'est pas le cas. C'est juste que j'aime quand les choses se font naturellement.
- Et je te comprends ! Mais n'est-ce pas naturel de se rencontrer dans des lieux publics ?
- Pas de cette manière. Je ne suis pas désespérée. J'aime prendre mon temps.
- Mais avoir la bague au doigt est un doux rêve.
- Tu es mariée, Jessica ? Demande Maxime avec un sourire en coin.
- Non, je cherche encore le prince charmant mais... Je ne trouve que des écuyers.
- Ce sont ceux que je préfère."
Je tourne mon regard vers Maxime, souriant en coin. Il me rend mon sourire et rigole légèrement.
"- J'ai été heureux de faire ta rencontre Jessica. Je ne suis qu'un simple écuyer mais si tu veux monter un étalon, alors appelles moi."
Il fouille dans mon sac à main, en sors un stylo et note son numéro sur la main de Jessica, restée interdite face à son geste. Maxime lui fait un clin d'œil, passe son bras autour de mes épaules et nous partons. Je me retiens de rire mais me relâche lorsque nous sommes assez loin.
"- C'était quoi ça ? C'était si beauf !"
Je ne peux m'arrêter de rire en repensant à la tête de ma collègue. Maxime rit à son tour, lâchant mes épaules alors que je me plis de rire.
"- Je suis certain qu'elle va m'appeler.
- Tu as tellement de culot ! Mais je suis certaine que oui. Tu lui as plu.
- J'espère bien. Tu as d'autres collègues aussi séduisante à me faire rencontrer ?
- Ne rêves pas. Ce n'était que le caprice complice du hasard.
- Musso. Il suffit d'un instant. Un regard. Une rencontre. Pour bouleverser une existence.
- La bonne personne, le bon moment. Le caprice complice du hasard. Cette citation est si belle.
- J'ai vu que tu avais une grande majorité de ses livres.
- Et toi la grande majorité de ceux que je n'ai pas.
- Lirais-tu avec moi ce soir ? Autour d'un café ?
- Est-ce une invitation à rester ?
- Cela fait bien longtemps que je n'ai pas couché.
- Alors laisse-moi te montrer, qu'un corps et un coeur peuvent se lier."
Le blond me regarde avec tendresse alors que je me perds dans ses émeraudes et son sourire agréable. Ses fossettes me rendent folle.
"- Voudrais-tu rentrer ?
- Avec plaisir."
Bras dessus, bras dessous, notre rentrons chez lui. Il ouvre la porte de l'appartement et je me déchausse dans l'entrée, enlevant ma veste pour l'accrocher et laissant mes achats traîner.
"- Un café ? Non, laisse-moi deviner. Un chocolat chaud."
Je souris grandement, rigolant légèrement et m'avançant vers lui pour l'enlacer de dos.
"- Un manque d'affection ?
- Une envie."
Il se tourne, prend mon visage en coupe dans ses grandes mains et m'embrasse. Ne pas tomber, ne pas chuter pour ses lèvres si douces, ses mains si chaudes, ce corps s'emboîtant parfaitement au miens comme deux pièces d'un puzzle, cette voix rauque me donnant des frissons, ce regard qui aimante le miens et ce sourire donc je ne peux me lasser, et son rire... Bordel, ais-je parlée de son rire ? Il me réchauffe le coeur et me donne ces papillons recherchés par tant de femmes. Mais je ferme les yeux et verrouille mon coeur. Je ne tomberais plus amoureuse.