Fanfiction Leiftan - Lying Tr...

By Adelayd-Mizeria

37.2K 2.5K 418

Calculateur, réfléchi, impassible, Leiftan prépare sa vengeance depuis des siècles, avec une patience résolue... More

Prologue
1er Souvenir
2ème Souvenir
3ème Souvenir
4ème Souvenir
5ème Souvenir
6ème Souvenir
7ème Souvenir
8ème Souvenir
9ème Souvenir
10ème Souvenir
11ème Souvenir
12ème Souvenir
13ème Souvenir
14ème Souvenir
15ème Souvenir
16ème Souvenir
17ème Souvenir
18ème Souvenir
19ème Souvenir
20ème Souvenir
21ème Souvenir
22ème Souvenir
23ème Souvenir
24ème Souvenir
25ème Souvenir
26ème Souvenir
27ème Souvenir
28ème Souvenir
29ème Souvenir
30ème Souvenir
31ème Souvenir
32ème Souvenir
33ème Souvenir
34ème Souvenir
35ème Souvenir
36ème Souvenir
37ème Souvenir
38ème Souvenir
39ème Souvenir
41ème Souvenir
42ème Souvenir
43ème Souvenir
44ème Souvenir
45ème Souvenir
[BONUS : Le guide de l'aventurier]
46ème Souvenir
47ème Souvenir
48ème Souvenir
49ème Souvenir
Epilogue

40ème Souvenir

544 33 2
By Adelayd-Mizeria

- Nous ne sommes plus très loin du point de rendez-vous. Après la route d'Hera, à droite, un messager devrait nous attendre... Enfin, t'attendre toi, surtout.

Leiftan écoutait à moitié les commentaires qui se voulaient constructifs d'Ashkore, mais prit la peine de lui lancer un regard en biais pour l'observer - ou plus précisément pour observer le "colis" qu'il portait machinalement sur une épaule, comme un vulgaire sac de provisions, lui qui en avait tant volées aux QG par le passé. Rapidement pourtant, il détourna les yeux, s'interdisant de contempler plus de quelques secondes le corps inerte d'Adelayd, bâillonnée et les mains ligotées dans le dos, de peur d'être sujet à quelques émotions embarrassantes qui n'avaient plus lieu d'être désormais.

Comme pour enfoncer le clou, son associé tourna la tête vers leur prisonnière, qui avait sombré dans un sommeil presque léthargique :
- Elle pèse vraiment pas lourd, cette nana. Je m'attendais à plus. C'est vraiment une obsidienne... ? Les recrues, c'est plus ce que c'était, ricana-t-il.
L'Aengel tressaillit de manière imperceptible en se revoyant dessiner avec admiration chaque muscle de la jeune fille, cette carrure athlétique qu'elle dissimulait si bien derrière un visage aux traits terriblement féminins : il ferma les yeux un moment pour chasser ce souvenir pesant, quand bien même son ombre trônait encore juste derrière lui.
Faites qu'il se taise, pria-t-il, l'air grave.

Il n'avait pas la force, ni l'envie, de faire la conversation avec son allié, pas après ce qu'il venait de faire : sa décision était prise, entérinée, et ce dès le moment où il l'avait confrontée la nuit dernière. Ses yeux gris, confus, suppliants, et ce court éclair de lucidité qui l'avait traversée, bien trop tard... Y repenser ne faisait qu'ébranler des convictions contre lesquelles il ne pouvait aller : des siècles de traitrise, de tromperies, de meurtres de sang-froid, ne pouvaient pas être aussi facilement balayés par un simple regard.
Alors, pour ne pas y penser, pour ne plus réfléchir autrement qu'avec sa haine, Leiftan regardait ailleurs, s'isolait plus encore en son for intérieur, réveillant la bête sans coeur qu'il avait toujours été : désormais, rien ni personne ne l'empêcherait de se venger de tous ceux qui vivaient aux dépens de la mort des siens.
Et de celui qui en était la cause.
- Au fait, Leif...

Leiftan leva les yeux au ciel : pourquoi fallait-il que son associé soit toujours aussi bavard, à chaque fois qu'il n'avait pas la moindre envie de faire la conversation?
- Quoi encore? marmonna-t-il en continuant à marcher, n'essayant même pas de masquer son irritation.
Etonnamment, Ashkore hésita un peu avant de reprendre la parole :
- Je voulais te poser une question, finit-il par avouer. Ca concerne l'humaine.
L'Aengel fit mine de ne pas réagir, et attendit patiemment que son allié exprime son idée jusqu'au bout, ce qu'il finit par faire, accélérant légèrement le pas pour se positionner juste à côté de lui : il dut faire un effort monumental pour ne pas tourner la tête vers lui en sentant l'aura ironiquement apaisée d'Adelayd arriver à sa hauteur.

D'un geste qui le fit se raidir de la tête aux pieds, Ashkore repositionna brusquement le corps inanimé de la jeune fille qui avait légèrement glissé le long de son épaule sans même y prêter attention, avant de reprendre :
- Y'a un truc que je comprends vraiment pas. Tu sais qu'on s'était un peu croisés, elle et moi, dans les couloirs du QG lors de nos rendez-vous nocturnes...
Leiftan arqua un sourcil, vaguement agacé face au choix des termes "rendez-vous nocturnes" employé par son allié pour désigner leurs entrevues, mais ne releva pas.
- Un soir, reprit-il, elle m'a attrapé le bras, sans prévenir. Je ne m'y attendais vraiment pas. Figure toi que ça m'a laissé une drôle d'impression sur le moment, comme si j'avais reçu une décharge électrique... Mais ça n'a même pas duré plus d'une seconde.
Sans trop savoir pourquoi, Leiftan eut très brièvement l'envie de lui flanquer son poing en pleine figure, mais n'en fit rien : au contraire, il demeurait toujours aussi silencieux, essayant de ne pas se laisser dépasser par les sentiments confus qui grouillaient encore au creux de sa poitrine.
- Tu saurais pas ce qui a pu me faire un tel effet? demanda-t-il enfin avec nonchalance, marquant bien qu'il posait cette question par pure curiosité et non pas pour le provoquer.

L'Aengel sentit son regard s'assombrir. Si, il savait.
Il avait compris très rapidement, le soir où elle lui avait avoué qu'elle possédait le sang de deux grandes lignées, d'où venait son attirance pour elle... Il avait compris, ou du moins il avait choisi de comprendre, que sa faim d'elle, ce désir corrompu qui l'avait tant tiraillé, couplé à ce sentiment nostalgique en sa présence, trouvait sa source dans un insignifiant concours de circonstances... Et depuis, il se rattachait fermement à ce prétexte pour justifier les émotions pesantes dont il ne parvenait plus à se débarrasser depuis qu'il avait fait le choix pourtant inévitable de la trahir.
- C'est probablement parce qu'elle a du sang d'Aengel, dit-il simplement.

Son associé reçut la nouvelle de plein fouet.
Il le devina à la teinte de son aura, et au ton de voix aussi incrédule qu'accusateur qui s'ensuivit :
- Du... Tu plaisantes?? Tu lui en as donné ? Est-ce que tu te rends compte de...
- Bien sûr que non, le coupa-t-il immédiatement. Il provient d'ailleurs. Je ne l'ai jamais transfusée.
- Impossible, rétorqua Ashkore d'un ton grave. Une humaine ne peut pas supporter un sang d'une telle puissance sans se changer au fur et à mesure en goule. On est bien placés pour le savoir.
- ... Et si un enfant naissait dès le départ avec ces deux sangs ? questionna Leiftan presque pour lui-même, en continuant à fixer l'horizon, les yeux dans le vague.

Un long silence, lourd de sens, suivit cette remarque.
- Fusionner... souffla finalement Ashkore.Tu sous-entends que deux grandes lignées se seraient reproduites ensemble ? C'est complètement absurde.
- Oui, tu as sûrement raison...
Nouveau blanc.
Visiblement, son associé réfléchissait à cent à l'heure, et ça le rendait encore plus loquace qu'à l'ordinaire :
- ... Tu penses que ton sang a réagi au sien ? C'est pour ça que tu te comportais bizarrement avec elle? demanda-t-il. Et vu que tu m'en as transfusé pas mal, j'ai aussi réagi quand elle m'a touché, à cause de ça...?
- C'est l'explication la plus logique.
- Attends une minute. Les Aengels ont toujours cette réaction entre sembables ? Leurs sangs se... "reconnaissent" quand ils se touchent ?
- Je ne sais pas... Je n'ai pas eu la chance d'en côtoyer beaucoup, souviens toi, répondit-il froidement.

La conversation s'interrompit un moment après cette tournure désastreuse, laissant chacun seul face à ses réflexions et, incapable de se retenir plus longtemps, Leiftan sentit son regard dévier contre sa volonté droit sur Adelayd.

Attachée, les yeux clos, bâillonnée et portée sans le moindre égard par Ashkore, il se perdit un moment dans la contemplation de ce triste spectacle, dont il était l'unique responsable : il ne lui avait encore rien fait, et pourtant, il savait, il pressentait qu'il allait lui arriver quelque chose. Cette histoire de "don" sonnait comme le glas à ses oreilles, et sans trop savoir pourquoi, il ne put s'empêcher de tisser une comparaison entre son éventuel sacrifice et celui qu'avait injustement subi ses congénères, chassés soit disant pour avoir refusé de voir leur race s'éteindre... du moins, c'était le prétexte qu'ils avaient inventé.
Qu'il avait inventé.
Et que tous avaient accepté de croire...
Rien que d'y penser, Leiftan serra le poing de fureur, parvenant toutefois, grâce à des années d'expérience, à conserver son calme.
Oui, il fallait qu'il paie le prix fort... Et c'est pour ça que son sacrifice, à elle, était nécessaire.
Tu veux voir son sang couler, siffla son démon intérieur.
Il tressaillit, abasourdi par cette idée.
Était-ce le cas...?
- Le voilà.

L'Aengel fut arraché à sa haine par la voix de son associé, et leva la tête pour tomber nez à nez avec le messager qu'Elryk avait envoyé, un type quelconque, adossé contre un arbre et qui faisait tournoyer au bout de son doigt un poignard.

Le nouveau venu jeta un bref coup d'oeil à Ashkore et s'attarda à regarder son "colis", avant de se rabattre vers lui pour le dévisager de la tête aux pieds, sans un mot.
- C'est toi, le Daemon? finit-il par demander d'un ton nonchalant.
Leiftan se raidit, sans le laisser paraître :
- Aengel, rectifia-t-il sur un ton qui paraissait détaché, mais qui laissait clairement transparaître qu'il ne tolérerait pas un nouvel écart de la part de son interlocuteur.
- Ouais, ouais...
Il marqua un léger temps de pause, l'air sceptique, puis finit par se détacher du platane pour leur tourner le dos :
- Suivez-moi, Elryk vous attend.
Ah, Elryk...

Le moins qu'on puisse dire, c'est que le doppelganger faisait parler de lui : c'était presque comme s'il prenait délibérément des initiatives plus que provocatrices dans son dos pour attirer l'attention. Aussi confus qu'irrité par cette attitude au départ, Leiftan avait fini par faire avec au mieux : il était, indirectement, le seul responsable de l'euphorie perverse du chef des mercenaires, et il le savait. Il y a quelques années de cela maintenant, il avait été obligé, afin de rallier le doppelganger et son réseau d'infiltrés à sa cause, de lui dévoiler sa véritable nature : pour preuve, il s'était contenté d'envoyer un échantillon de son sang...

Depuis, le chef des mercenaires lui vouait une admiration féroce.
Ou plutôt, il convoitait son pouvoir.
Comme tous les autres.
Comme tous ces traîtres...

Ashkore lui jeta un regard en biais, qu'il fit semblant de ne pas voir : son associé avait été le premier à lui signaler qu'Elryk n'en avait qu'après sa puissance, et qu'il serait prêt à tout pour s'emparer de son visage et de ses facultés. Il s'en doutait : son sang de Daemon était sans doute sa plus grande malédiction, mais au moins, il avait le mérite de lui permettre de plier des fortes têtes comme le doppelganger à sa volonté, et surtout, d'utiliser son armée si jamais il fallait en arriver là. Après tout, dans quelques heures, la Garde finirait par remarquer d'Adelayd avait disparu et aussi stupides ses membres puissent-ils être, ils finiraient sans doute par faire le lien avec sa propre absence.

Plongé dans ses intenses réflexions, comme toujours, Leiftan suivit le guide qui leur avait été envoyé jusqu'aux tréfonds de la forêt, n'échangeant plus un mot avec son associé qui, lui aussi, semblait avoir sombré dans un mutisme presque religieux. Etait-il inquiet ? Ca ne lui ressemblait pas. Quoi qu'il en soit, il n'allait pas se plaindre de cet instant de répit dont il avait rêvé depuis le début de leur mission.

Plus ils s'avançaient, plus Leiftan abandonnait les tréfonds de sa conscience pour se focaliser sur le spectacle extérieur, habitué à noter avec une minutie infaillible le positionnement de chaque chose autour de lui dès qu'il s'aventurait en lieu inconnu. Or, la forêt, dont il pensait connaître les moindres recoins, lui offrait un spectacle bien étrange aujourd'hui : domptée, dressée, exploitée, l'Aengel s'étonna en découvrant de longues tresses de cordes et de bois ondulants entre les arbres au fur et à mesure de leur progression, ainsi que des plateformes et autres constructions de cotrets qui s'arrangeaient en escaliers circulaires autour des troncs, permettant ainsi à de petits groupes de faeries - des mercenaires, bien sûr, armés jusqu'aux dents et qui rivaient leurs yeux sur lui dès qu'il passait près d'eux - de surveiller les alentours tout en faisant passer d'arbres en arbres des vivres et autres matériaux de subsistance.

Ce qui surprenait le plus Leiftan dans cette organisation d'une efficacité qui sautait aux yeux était la rapidité évidente avec laquelle elle avait été mise en place. La missive annonçant que les ingrédients pour lancer Janus-Geb avaient été réunis à temps ne datait que d'une semaine - elle avait donc été envoyée il y a une dizaine de jours au moins, à vol de Crowmero - et, en si peu de temps, Elryk avait réussi à déplacer une cinquantaine de soldats à proximité du QG, à installer un campement provisoire soigneusement élaboré, et à s'approvisionner depuis leur installation principale. Bien qu'il n'ait fait que converser par écrit avec le chef des mercenaires, il s'était rapidement rendu compte que ce dernier paraissait aussi borné qu'Ashkore, et peu fiable de surcroît, toujours à prendre des décisions douteuses sans juger bon de l'en avertir... Mais force est de constater qu'il s'était en partie trompé : le doppelganger semblait parfaitement maître de son organisation criminelle, et il lui avait attribué, à tort, une tendance au bordélisme qui n'avait visiblement pas lieu d'être.
Un faery ambitieux, intelligent, et qui cachait bien son jeu... Autant de nouvelles raisons pour lui de rester sur ses gardes.
- Nous y voilà. Il vous attend ici.

Le messager s'inclina à moitié devant lui sur ses mots, avant de partir, les laissant seuls : Leiftan échangea un rapide regard avec son associé avant de contempler un moment l'entrée de la tente qui leur avait été indiquée. Il allait enfin rencontrer "l'ami" dont Ashkore lui avait parlé, ce fervent admirateur avec qui ils avaient noués une alliance bancale qui perdurait pourtant depuis quelques années... Cette perspective ne lui inspirait rien du tout. Ni crainte, ni curiosité.
Rien.
Il entra le premier, suivi de près par Ashkore.

A peine eut-il franchi le seuil de la porte qu'il sentit une aura orangeâtre s'embraser et foncer droit sur lui :
- Enfin !!
Leiftan redressa immédiatement la tête, l'air impassible, et plongea ses yeux dans ceux de son plus grand admirateur...
Le fameux Elryk.

Le doppelganger lui avait presque bondi dessus en l'entendant arriver, et Ashkore s'était immédiatement avancé d'un pas, dans un geste d'anticipation défensif, comme pour mettre en garde le chef des mercenaires devant les excès d'enthousiasme pouvant mal tourner : mais ce dernier avait soigneusement arrêté son visage à une cinquantaine de centimètres de celui de l'Aengel, les yeux brillants, un sourire malsain éclairant son visage aux traits déformés par l'euphorie :
- Enfin je vous rencontre, répéta-t-il dans un souffle, la voix presque tremblante sous le coup de l'émotion. Quel honneur pour moi, si vous saviez depuis combien de temps j'attendais ce moment...
D'un geste vif qu'il ne contesta pas, Elryk s'empara délicatement de sa main droite, pour mimer un baisemain sur la surface de sa peau :
- Mon très cher maître... susurra-t-il sans le quitter des yeux.

Leiftan soutint son regard avide sans aucune difficulté, impassible.
Les peu de fois où il avait dû révéler son identité à autrui, les réactions avaient toujours été de ce genre, aussi n'en fut-il pas surpris, bien qu'elles lui inspirent toujours un certain dégoût : les yeux de ces fanatiques débordaient toujours de convoitise et d'envie, et ceux du doppelganger n'échappaient pas à la règle.
Mais il n'était pas dupe une seule seconde.
Le chef des mercenaires pouvaient bien l'appeler "maitre" autant de fois qu'il le souhaitait, il n'était pas assez stupide pour croire qu'il comptait effectivement se plier à ses désirs... Les quelques tristes initiatives qu'il avait déjà prises sans sa permission en était la preuve formelle.
De toute manière, il finirait comme les autres : tué de ses propres mains.
- Ca suffit, Elryk, gronda Ashkore en posant durement sa main libre sur l'épaule du chef des mercenaires pour le faire reculer d'un pas, sans doute par mesure de sécurité.

Pour la première fois depuis le début de cette conversation, Elryk parut remarquer la présence de son associé dans la pièce, et son regard dériva droit sur Adelayd, qu'il portait toujours. Un long sourire lui étira lentement le visage, et Leiftan sentit ses membres se raidirent un peu :
- Oh, oh... Alors voilà la fameuse humaine qui soulève tant les foules...
Le doppelganger fit un pas souple sur le côté, et d'un geste brusque, il empoigna fermement les cheveux de la jeune fille pour relever sa tête au niveau de la sienne : elle avait toujours les yeux clos, profondément endormie par le gaz de bériflore.
- Vraiment ravissante, constata-t-il en arquant un sourcil, puis en passant lentement sa langue sur sa lèvre inférieure.

Conscient qu'il était délicat pour lui d'empêcher le doppelganger d'émettre à voix haute ses commentaires déplaisants tant qu'il ne franchissait pas une certaine limite, Leiftan se contenta de lui adresser un regard noir, que personne ne vit - du moins, c'est ce qu'il croyait. Fasciné, Elryk resta un long moment à la dévisager comme s'il s'agissait d'un simple objet, et finit par relâcher ses cheveux, un grand sourire aux lèvres avant de se reculer un peu, joignant ses mains dans son dos. Puis, d'un ton enthousiaste, il se mit à digresser innocemment, comme pour le tester, tout en faisant basculer son regard entre ses deux invités:
- Dites, la plupart de mes soldats n'ont pas vu une femme depuis des mois. Son arrivée avec vous n'est pas passée inaperçue, vous savez? Ils sont tous excités. Alors... J'ai pensé que vous pourriez partager. Les laisser s'amuser un peu, eux aussi... Ca leur ferait du bien.

Sans avoir besoin d'esquisser le moindre geste, Leiftan laissa son aura meurtrière emplir brièvement l'espace autour d'eux, faisant tressaillir de terreur les quelques subalternes qui se tenaient raides comme des piquets au fond de la pièce : Elryk n'eut pas le moindre mouvement de recul face à cette vague de colère, mais s'arrêta net de parler, les yeux brillants d'une lueur captivée. De toute évidence, cette démonstration silencieuse de force l'avait séduite, bien que ce ne soit pas l'objectif initial.
L'Aengel tourna ses effrayants yeux verts dans la direction du mercenaire, l'air grave :
- Je préférerais que vous évitiez d'attirer l'attention sur elle, articula-t-il lentement. C'est un élément clé de notre réussite, ne l'oublions pas.
- C'est vrai... Mais rien n'oblige à ce qu'ils ne nous la rendent pas en parfait état, rétorqua-t-il du tac au tac. Mes mercenaires ne sont pas des rustres, voyons.
Furieux, Leiftan s'avança cette fois-ci d'un pas, l'air menaçant :
- Je me suis mal fait comprendre, souffla-t-il. Tant qu'elle sera ici, elle restera sous ma protection. Ai-je été suffisamment clair ?

Un long silence s'ensuivit, durant lesquels ils se toisèrent en silence, avant qu'Elryk n'éclate de rire.
Il finit par se ressaisir, et brandit ses deux mains en l'air, en signe de capitulation :
- Bien évidemment, ricana-t-il, loin de moins l'envie d'aller contre votre volonté ! Il sera fait selon vos désirs.
Sans cesser de sourire, le doppelganger claqua des doigts, et un de ses subalternes, masqué, s'avança à son niveau. Il lui ordonna d'une voix suave :
- Conduis notre précieux colis jusque dans sa cellule. N'oublie pas de l'attacher, ajouta-t-il ironiquement.

Leiftan s'attarda un moment sur ce serviteur aux cheveux blancs, songeur, et sonda son aura afin de s'assurer qu'il n'avait pas, lui aussi, de mauvaises intentions vis à vis de la jeune fille. Il arqua un sourcil en constatant que c'était loin d'être le cas... L'aura du subalterne, qui s'emparait avec délicatesse d'Adelayd qu'Ashkore lui tendait distraitement du bout des bras, était d'un bleu limpide, presque transparent... Calme. Comparable à de l'eau...
Il avait déjà senti une aura similaire à celle-ci auparavant. Mais où?
Avant qu'il n'ait le temps de mettre le doigt dessus, ce dernier s'était éclipsé et la voix grave d'Elryk l'arracha à son état de concentration :
- Suivez-moi dans la salle du fond, proposa-t-il en tirant un rideau, dévoilant le reste de la tente, dissimulé jusqu'alors. Il y a beaucoup de choses dont nous devons discuter ensemble...

Ils s'exécutèrent, s'asseyant sur les chaises offertes le doppelganger :
- Je vous sers quelque chose ? proposa-t-il, les mains posées sur les hanches.
L'insouciance dont il faisait preuve, malgré l'ampleur du projet qu'ils comptaient mener jusqu'au bout et la dernière missive qu'il avait faite envoyer, agaçait Leiftan au plus haut point. Comment un type comme lui pouvait-il bien avoir une telle influence sur les mercenaires ? Qu'avait-il bien pu inventer pour les maintenir sous son joug ?
Ashkore s'apprêtant à répondre par la positive, l'Aengel l'interrompit :
- Non merci. Je préférerai que nous discutions de ce qui nous amène ici.
- Comme vous voudrez, répondit-il en haussant les épaules, avant de s'asseoir face à eux. Mais avant cela, j'aimerais m'excuser pour l'attaque de mes goules sur votre convoi.
Leiftan se raidit instantanément à l'évocation de ce souvenir morbide, où il avait perdu, un court instant, le contrôle de la situation. Son intuition était juste : les goules qu'ils avaient rencontré avaient bien été générées par le doppelganger... Pire encore, il s'en excusait, mais son regard pétillant trahissait clairement le fait que cette attaque avait été délibérée. Et en repensant au comportement des créatures, il est même fort probable qu'elles aient été envoyées par le chef des mercenaires lui-même afin de... "goûter" Adelayd.
Ce type était un vrai manipulateur.
Et il est bien plus intelligent que ce qu'il laisse délibérément paraître...
- Je ne vous cache pas que je suis même très surpris qu'un D... qu'un Aengel puisse engendrer des goules ! Quelle découverte, ricana-t-il en lançant un regard moqueur en direction d'Ashkore, qui ne cilla pas.

Un court silence s'installa, où le trio échangea quelques regards sceptiques. Son associé ne commentait pas la tournure qu'avait prise la conversation, se contentant de fixer Elryk de derrière son masque, l'air impassible.
Leiftan finit par recentrer le dialogue autour de la raison même de leur venue jusqu'ici :
- J'imagine que je dois vous croire sur parole quand vous dites avoir récupéré tous les ingrédients nécessaires au lancement de Janus-Geb...?
Le visage du doppelganger s'étira lentement en un large sourire narquois :
- Bien sûr. Voyez par vous-même...

Depuis sa chaise, il s'empara d'un petit coffre de métal rouillé posé sur une table à proximité, avant de le ramener sur ses genoux et de l'ouvrir sous leurs yeux, de façon à leur en présenter le contenu : une dizaine d'ingrédients, dont certains rarissimes, trônaient en son fond, soigneusement enveloppés dans des restes de tissus usés, dont une fiole au liquide rougeâtre :
- Je suis ravi que vous ayez posé la question, susurra le doppelganger en joignant ses mains au dessus du coffre, toujours cet air cynique plaqué sur le visage. J'ai eu beaucoup de mal à me procurer ces ingrédients, notamment le sang de dragon permettant de tracer le cercle d'invocation.
- Votre rapidité m'impressionne, reconnut Leiftan d'une voix grave. Votre réseau est d'une efficacité sans commune mesure...

La remarque n'était pas sans arrière-pensées, ils le savaient tous les deux.
Mais Elryk se prêta au jeu :
- Je me contente de dire à mes mercenaires ce qu'ils souhaitent entendre, répondit-il en haussant les épaules. Vous serez étonné par le nombre d'ennemis que s'est faite la Garde d'Eel au fil du temps, ne serait-ce que parce que sa légitimité sur le Grand Cristal est perpétuellement remise en cause...
Le doppelganger piqua un grain de raisin sur une grappe posée à sa gauche, avant de le porter à sa bouche, tout en poursuivant :
- Vous imaginez bien que revendiquer l'autorité sur le "coeur" de ce monde n'est pas pour plaire à tous. Après tout, l'équilibre tout entier du maana repose sur lui, je ne vous apprends rien. Si vous êtes d'accord, nous procéderons dès l'aube au sortilège de Janus-Geb, afin de ne pas perdre plus de temps.
Un sourire lourd de sens étira lentement le visage du doppelganger, et Leiftan sentit un inexplicable frisson d'appréhension lui parcourir l'échine : ce n'était pas cet homme qui l'effrayait, mais ce qu'il allait leur annoncer.
- D'ailleurs, bien que mettre la main sur du sang de dragon n'ait pas été une mince affaire, cela m'a au moins permis d'en apprendre plus sur eux, et sur le Grand Cristal, grâce à mes plus fidèles informateurs. J'ai découvert des choses, très, très intéressantes... Dont un certain mythe oublié, qui n'est pas sans intérêt pour notre affaire.

Le chef des mercenaires marqua un long moment de silence, le visage serein.

Puis, d'une voix presque chantante, il demanda innocemment :
- Le nom d'Eléa vous dit-il quelque chose... ?

Continue Reading

You'll Also Like

490 53 5
Un Tp x Sherlock x Moriarty )) C'est la première fois que j'ecris mais je ferai de mon mieux 😁. Je vous laisse lire si vous voulez 📖😉
15.8K 674 19
Marinette est une lycéenne qui a une vie tranquille, jusqu'à sa rencontre inattendue avec un amour passé. Et jalousie insoupçonnée va prendre Adrien...
10.8K 730 27
Law mène une vie paisible, dépourvue du moindre imprévu. Il fait toujours la même chose, tout les jours, sans que cela ne change. Kidd lui est des pl...
165K 7.9K 46
Et si, une Zoldyck venait à rejoindre la brigade fantôme et a attirer l'intention du fameux chef avec son attitude...assez hors du commun, qu'est-ce...